lundi 27 octobre 2014

J’ai vu Dieu et j’ai vu le diable…

Derinkuyu en Turquie est un lieu extraordinaire. C’est une ville souterraine à plusieurs niveaux s’étendant jusqu’à soixante mètres de profondeur dans la roche volcanique de la Cappadoce. Cet ensemble troglodyte date du 8e ou 7e siècle avant Jésus-Christ; peut-être a-t-il été construit par les Phrygiens ou encore par les Perses. Il était assez grand pour abriter jusqu’à 20 000 personnes avec leur bétail. Les salles de stockage et les caves contenaient leurs réserves de nourriture, de céréales, de vin, d’huile pressée, le fourrage pour les bêtes. L’approvisionnement en eau se faisait par des sources intarissables. On y trouvait étables et écuries aménagées, des salles communes, des réfectoires, des salles de bain, des chapelles.
Aujourd’hui, Derinkuyu se visite, en groupes avec un guide baratineur en principe. Mais en Turquie, comme en des nombreux autres endroits, il suffit d’un bakchich adéquat et n’importe quel guide fermera les yeux. Moi qui n’aime pas les visites guidées, je voulais y aller seul. Je suis donc descendu avec ma lampe de poche par une entrée dérobée que m’avait indiquée l’un des guides. J’ai descendu les marches creusées dans le roc et j’ai lentement parcouru les longs couloirs du premier étage. Au deuxième étage de ce fabuleux complexe est située une salle spacieuse avec un plafond voûté qui ressemble étrangement à un berceau. Les dépliants touristiques disent que cette salle était utilisée comme une école religieuse; quelques cavités adjacentes plus petites auraient servi de salles d’étude.
C’est là, dans ces fascinantes cavernes, que j’ai eu ma première vision. C’était il y a douze ans.
J’avais entrepris, cette année-là, un tour du monde. J’avais été propriétaire d’une galerie d’art pendant vingt ans et, à la mi-quarantaine, j’en avais un peu beaucoup assez du stress, de la pression, des responsabilités, des longues heures de travail. Je voulais prendre le large, je voulais voir un peu « ce que le monde a l’air ». J’ai vendu ma part à mes associés qui sont restés de longs jours ahuris de ma décision; j’ai vendu mon auto; j’ai vendu ma maison à Outremont. J’étais divorcé depuis quelques années; j’avais une fille de treize ans, Anne-Sophie. C’était le seul lien affectif qui me retenait, qui aurait pu me faire hésiter. Elle vivait chez sa mère. Je ne voulais pas la laisser, mais en même temps je voulais vraiment faire ce tour du monde. Un soir, je lui ai parlé, et j’ai promis que la prochaine fois je la prendrais avec moi, et je le croyais vraiment. Je lui ai dit sans la convaincre qu’elle aimerait certainement recevoir des cartes postales ou des lettres du monde entier. À cette époque, la technologie cellulaires n’était pas aussi développée : les liaisons skype ou les téléphones cellulaire n’étaient pas encore ce qu’ils devenus par la suite. Je ne manquais pas d’argent. J’avais mis suffisamment d’argent dans un compte bancaire pour payer la pension alimentaire durant un an. Les dépôts se feraient automatiquement.
J’ai commencé par une région facile l’Europe de l’Ouest : France, Espagne, détour par le Portugal, Italie… À Brindesi, j’ai pris un bateau pour la Grèce; j’ai vu Corinthe, Athènes… puis je suis rentré  en Turquie par Istanboul. Et c’est là que tout a commencé.
Là, dans l’une des petites cavités creusées tout le long du côté gauche de la grande salle de Derinkuyu, j’ai vu une drôle de lumière. Un peu perplexe, j’ai tout de suite éteint ma lampe. Mais la lumière brillait toujours. Je ne savais pas si je devais m’approcher ou m’enfuir. En fait, j’étais très calme. Je ne me sentais pas en danger. Je ne me suis jamais senti en danger. J’étais plutôt intrigué. Je me suis approché pour mieux voir. Subtilement, la lumière est devenue à la fois plus pâle et plus brillante. C’est difficile à décrire. Et j’ai vraiment eu l’impression qu’il y avait une pulsation dans la lumière. Son intensité croissait et décroissait presque imperceptiblement. C’était très bizarre. J’essayais de comprendre le phénomène. À la fin, j’ai senti comme une douleur dans le cou. Comme si on m’avait mis un poids entre les deux épaules, sur la nuque; et instinctivement j’ai baissé la tête… pendant quelques instants.
Lorsque j’ai relevé les yeux, la lumière avait disparu. Bien sûr, je suis allé voir dans la cavité. Il n’y avait rien; rien qui aurait pu être la source de la lumière. Je regardais partout, dans tous les coins, même vers le haut. Mais je n’ai rien trouvé autre que la pierre nue. Tout ça avait duré, je ne sais pas, peut-être dix ou quinze minutes.
Je suis ressorti tranquillement. Le soleil brillait de tous ses rayons. Cette région du centre sud de la Turquie est aride, une terre sèche, de la pierraille dénudée, d’une implacable impassibilité. Dehors des groupes de touristes faisaient la queue, des Grecs, des Japonais, des Français, et un autre groupe slave.
Le lendemain, c’était le jour où je devais téléphoner à ma fille. C’est sa mère qui répond et me dit qu’Anne-Sophie est absente, pourtant c’était l’heure convenue avec elles pour que je lui parle au téléphone. Elle me dit qu’il y  des problèmes avec l’argent dans le compte, et que si je ne paye pas la pension elle entreprendra des procédures pour me faire perdre ma fille pour cause abandon de mes responsabilités. Je demande à parler Anne-Sophie. Ma fille pleure au téléphone et j’ai de la difficulté à comprendre ce qu’elle me dit. Finalement, je dois lui promettre que je reviens tout de suite. J’enrage. J’avais tout préparé : mon itinéraire, mes escales, les lieux à visiter, mais je prends le premier avion pour Londres et ensuite un autre pour Montréal.
C’est un vol de la British Airways. Je m’installe encore maugréant de voir mon tour de monde disparaître; mais bon, je me dis que si ce qu’il faut pour ne pas perdre ma fille. Environ une heure après le décollage, je pensais à ces retrouvailles qui allaient être pénibles quand j’entends l’avion vibrer; il ne vibre pas vraiment mais moi, je l’entends. C’est comme un grand vent impétueux, comme le bruit d’un ouragan. Je n’ai jamais assisté à un ouragan, mais c’est à ça que je pense spontanément. Je me tourne d’un côté et de l’autre essayant d’interroger les autres passagers du regard, mais personne ne semble s’apercevoir de quoique que soit. Le bruit provient de l’avant de l’avion, de plus en plus fort, mais je vois personne ni bouger, ni réagir. Les gens font comme si de rien n’était. Pour moi l’avion va tout simplement se mettre à piquer du nez et s’effondrer. Le bruit sinue dans l’habitacle de gauche à droite, de droite à gauche, vers le haut, vers le bas, rebondit sur le plafond, évolue au raz du plancher, circule sous les sièges. Il traverse le mur et sort vers les ailes, de l’une à l’autre. Personne ne réagit, chacun devant son écran; le personnel ne perçoit rien. Alors le bruit vient tout droit vers moi. Il me traverse, me secoue intensément l’intérieur, pénètre dans ma tête. Je ne veux pas crier. Je ne peux pas crier. J’entends comme un interminable hululement dans mon crâne : Ouoummmmmm… Puis c’est tout, tout s’arrête.
 Qu’est-ce qui m’arrive ? Deux fois en quelques jours j’ai été victime d’hallucinations. Est-ce que je devrais m’inquiéter ?
La troisième fois, ce sera dans un rêve, quelques six mois plus tard. Dans ce rêve, je me retrouve dans une verte prairie d’Écosse. Pourquoi l’Écosse ? Je ne sais pas; je sais juste que je suis en Écosse. Je survole tranquillement des collines verdoyantes parsemées de quelques bosquets de peupliers. Au très loin, je vois la mer. Ça et là il y a un troupeau de moutons qui paissent. Au bout d’une vaste prairie, je vois une petite cabane de berger en torchis avec un toit de chaume et une fenêtre sur le côté. Elle est un peu délabrée par les années, mais ce n’est pas la demeure d’un pauvre. Les alentours sont bien entretenus. Il y a un parterre de fleurs. Toujours en planant, (en fait je ne sais pas si je plane : je sais simplement que je survole la cabane) j’en fais deux fois le tour. Je me retrouve debout devant la porte. Sans hésiter, sans même cogner, j’entre. Un homme est assis à une table, le dos courbé, les poings sous le menton; il semble méditer, perdu dans ses pensées, en regardant vaguement par la fenêtre. Je remarque qu’il a peu près de mon âge. Je ne le vois pas tout à fait de côté, pas tout à fait de dos. Je lui demande : « C’est à toi tout ça ? » Immédiatement je pense : Quelle question saugrenue ! Mais l’homme se retourne et se contente de me sourire avec une infinie compassion; c’est ce que je lis dans ses yeux, de la compassion. Je remarque qu’il a une barbe de quelques jours. Un sourire inoubliable. Le rêve s’est terminé et je me suis réveillé.
À partir de là, j’ai vraiment essayé de comprendre. J’ai acheté des livres sur le spiritisme, sur le prophétisme, la clairvoyance, sur les phénomènes paranormaux, sur tout ce qui a trait au parapsychisme, sans trouver de réponse satisfaisante. J’ai exploré, en vain, l’univers des hallucinations, des visions; j’ai côtoyé sans rien trouver une panoplie d’illuminés, de gourous, de maîtres spirituels. J’ai lit des volumes entiers sur le voyage astral et sur les apparitions des extraterrestres. J’ai cherché sur Internet si quelqu’un aurait eu les mêmes expériences que moi… et je me suis retrouvé avec plus 600 000 apparitions de la seule Vierge Marie.
Plus tard, peut-être deux ans plus tard, j’ai repensé à ces trois visions. En fait, j’ai vécu une quatrième expérience étrange. J’étais en République Dominicaine. Je suis dans un hamac avec une femme, une Mexicaine; en fait elle est naturalisée Américaine mais elle est née au Mexique. Elle s’était installée en Californie et travaille pour faire vivre sa famille restée au Mexique. Je l’ai rencontrée dans le bar où elle travaille. Elle a trouvé que ma barbe blanche ou que mon drôle d’accent ou les deux me donnaient du charme. Nous vivions alors relation aussi chaude que le soleil dominicain et tumultueuse que les tempêtes tropicales que le dévaste régulièrement. Je suis couché dans un hamac; elle est partie nous chercher à boire. Nous buvons beaucoup tous les deux. Tous les deux alcooliques. Soudain je sens comme une vague de froid arriver de la gauche; ça s’approche. Je suis glacé. Je frissonne. C’est une sensation horrible, terrifiante, comme si j’allais me congeler sur place, transformé en glaçon sans pouvoir rien y faire. Elle revient avec les verres et tout s’évanouit.
Aujourd’hui, j’ai fini par me dire, sans comprendre, que les trois premières visions, c’était la trinité : la lumière dans la grotte c’était Dieu, le vent dans l’avion c’était le Saint-Esprit, et le rêve c’était Jésus. Mais quel sens donner à la vague de froid qui a failli m’engloutir ?
Et puis un jour, il y a cinq ans, j’ai vu le diable. Vraiment, j’ai vu le diable. J’avais un petit appartement qui donnait sur le Parc Lafontaine à Montréal. Ma fille venait me rendre visite de temps en temps, une fois par mois à peu près et nous aimions y marcher bras dessus, bras dessous. Je n’avais par beaucoup d’argent – j’étais ruiné – et c’est à peu près tout ce que je pouvais lui offrir. J’étais dans ma chambre allongé sur mon lit à siroter un verre; un autre verre. C’est le plein été, en pleines canicules. Le ciel est tout bleu, il n’y a pas un seul nuage. Alors j’ai vu se former un nuage noir dans ce ciel sans embruns. Le nuage s’approche, noir, très noir. Il vient faire moi. Il entre dans ma chambre, s’installe. Puis, je vois le nuage s’allonger et se transformer en une face monstrueuse. C’est le visage du diable. Il est cornu, il a un menton pointu, une barbichette et de yeux tout petits et tout rouges qui brillent intensément. Je me souviendrais tout ma vie de ces yeux rouges, horribles. Nous nous regardons un long moment au bout duquel je dis simplement : « Tu ne me fais pas peur. »
Récemment, j’ai fait un séjour en prison et pour la première fois de ma vie j’ai raconté cette histoire à quelqu’un. C’était à l’aumônier du pénitencier. Je ne l’ai pas raconté d’un seul coup, mais en plusieurs rencontres. De temps en temps il me posait une question pour m’inviter à poursuivre ou pour me faire clarifier certains détails. Il a été patient avec moi, et compréhensif.
À la fin, il m’a dit : « André, tu es appelé à faire le bien. » 




(Avertissement : Sans doute que l’histoire que vous venez de lire vous a paru invraisemblable; peut-être croyez-vous que c’est moi qui l’ai imaginée, que je l’ai inventée comme toutes les autres de cette série. Mais je vous assure qu’elle est rigoureusement exacte. Je vous l’ai racontée telle que celui qui l’a vécue me l’a racontée, presque mot pour mot. Et je n’ai aucune raison de douter de la véracité de son récit. Si vous aviez été à ma place, vous l’auriez assurément cru tout comme moi.)

lundi 20 octobre 2014

Nimushum

                Nous sommes un peuple qui vit de la chasse et de la pêche surtout, de la cueillette et de la culture du sol aussi. Nous vivons en harmonie avec la terre. Nous vénérons le grand Manitou, nous honorons les arbres, les rivières, les lacs, le vent, le soleil. Nous les Naskapis avec les Montagnais sont les membres d’un même peuple, mais eux, ils parlent différemment. On appelle notre langue Innu-Aimun.
Regarde mon garçon, on voit les arbres changer de couleurs, on voit les oies qui partent vers le sud… le froid s’en vient.
Ce sont des signes que l’automne approche, takuatshin on dit. Tu t’en souviens, n’est-ce pas ?
Après viendra l’hiver : pipun.
Et puis ensuite reviendra le printemps, shikuan.
Et enfin c’est le retour de l’été la saison chaude… nipin, c’est ça.
À chaque saison, on peut voir les animaux de la forêt.
Nous sommes un peuple de chasseurs.
Quand on tue un animal on honore sa mémoire, on lui dit merci de nourrir les enfants. On mange son cœur pour avoir sa valeur, son courage, sa force.
Pour le grand original qui vit très vieux, on dit mush.
Pour nommer le loup fort et courageux, c’est makan.
Pour l’ours tout-puissant, on dit pishu
Le rusé et fin renard, c’est matsheshu.
Quant au lièvre rapide et agile que chasse matsheshu, c’est uâpush.
Au fond de la forêt on peut voir aussi le fier porc-épic qui se prépare à dormir durant la froide saison, kaku.
Et au-dessus de tous, volant majestueusement, oui, c’est l’aigle, mitshishu.
Et ceux que tu vois s’envoler vers d’autres contrés, les huards, ce sont les muakuat.
Quand ils volent dans le bleu du ciel, on dit kauasheshkunat.
Quand c’est le bleu de la mer, on dit : kakashteu-uasheshkunat.
Tu aimes ces petits fruits bleus, n’est-ce pas, des bleuets, on dit : inniminana.
Et les framboises, tu les aimes bien aussi, on les appelle : anushkanat.
Après la chasse, après la récolte on fait la fête.  On appelle le chanteur, kanikamusht; et les danseurs, kanismishiht, se mettent à danser.
Et alors on danse autour du feu ! Le feu, c’est kutuan; faire du feu, c’est kutuenanu
Ce jour-là même les enfants comme toi dansent autour du feu, nimuat auassat.
Et nous les aînés, sur nos jambes un peu raides nous dansons aussi, mimuat tshishennuat
           

-Nimushum ! Nimushum ! Viens manger ! Le souper est prêt. Maman t’appelle depuis tout à l’heure, et elle m’a envoyé te chercher.

lundi 13 octobre 2014

Mémère

                Quand mon père est décédé, l’année dernière, ma mère a décidé de vendre ce qui avait été la maison familiale pendant plus de quarante ans en banlieue de Montréal. Elle, elle aurait bien déménagé de cette maison le lendemain même du jour où le dernier d’entre nous, mon plus jeune frère Samuel, était parti étudier à Québec. Morceau par morceau, boîte par boîte, elle s’est mise à nous redonner ou se débarrasser de tout ce qui nous avait appartenu : meubles, vêtements, livres, disques, cahiers, accessoires, jeux de société, photos, collections de timbres, objets exotiques en tous genres… La maison était nettement devenue trop grande pour seulement eux deux,  et il fallait l’entretenir, mais mon père n’avait aucune envie de déménager, il ne voulait même pas en entendre parler. Il était bien dans ses pantoufles, ses affaires et les souvenirs qu’il avait rapportés de tous ses voyages et dont il ne voulait surtout pas se débarrasser. Puis, un hiver,  il a eu son accident : il a glissé sur la glace et il a eu des côtes fêlées et surtout une fracture du crâne, qui l’a laissé paralysé, dans un état semi-comateux. Il est mort à l’hôpital, au premier jour du printemps suivant. Très estimé pour son implication au niveau de la politique municipale beaucoup de gens sont venus à ses funérailles. Il y avait beaucoup de fleurs, malgré notre appel à faire des dons à la Croix-Rouge.
Ainsi, avant même que mon père ne décède, ma mère avait décidé de vendre la maison. Ce que nous ne savions pas, et que nous avons appris avec étonnement, c’est qu’elle avait déjà  réservé sa place dans un centre d’accueil pour personnes âgées autonomes du quartier.
Devant le fait accompli, mon frère et moi l’avons aidée à emménager. Mais, son petit appartement de trois pièces étant déjà meublé, elle ne prend pas grand-chose avec elle : des photos, quelques livres, ses vêtements.
C’est là que énorme surprise m’attend !
Je ne l’ai pas vue pas la première fois, trop occupé que je suis à aider ma mère. Peut-être ne l’avait-on même pas sortie de sa chambre. C’est la cinquième ou sixième fois que je viens voir ma mère. Nous sommes à la fin du mois de mai. Ma mère est visiblement heureuse; elle parle avec les autres résidentes comme à de vieilles amies. Elle participe à pratiquement toutes les activités des loisirs. Elle veut me faire voir l’aquarium de l’entrée, le jardin, ses allées, ses rangées de fleurs, les arbres qui font de l’ombre, les bancs pour s’asseoir, les balançoires que tout le monde apprécie. Ce sont les premières belles et chaudes journées de la saison, le personnel en profite pour faire prendre l’air à quelques-uns des pensionnaires, autrement cloués dans leurs chambres en permanence. Et là sous un hêtre majestueux, je vois dans sa chaise roulante, un corps recroquevillé, enveloppé dans une robe de chambre bleue pâle.
Je ne sais que penser. Je ne sais que dire.
Je vois cette vieille dame affalée sur sa chaise, toute maigrichonne, la bouche ouverte.
Cette vieille dame, c’est « mémère ».
                Je la retrouve ici, dans le centre d’accueil où est venue vivre ma mère. Celle-ci n’a pas remarqué mon étonnement. Et moi je fais comme si de rien n’était. Cette vieille chose dans sa chaise roulante, c’est la femme qui m’a terrorisé, qui nous a tous terrorisés, qui nous faisait peur.
Je  me fais violence pour ne pas montrer mon impatience à ma mère; je m’efforce de terminer calmement notre promenade. Je dois encore la raccompagner jusqu’à son appartement. Elle m’embrasse en me comblant de mille remerciements et d’autant de recommandations.
À la réception, je pose la question qui me brûle les lèvres, mais je sais d’avance qu’il n’y a pas de doute : c’est bien elle, mémère, madame Trépanier, la grand-mère de ma première femme. Je ressors dans le jardin et m’approche d’elle et en la regardant fixement… Et des images, des souvenirs que je croyais enfouis pour toujours remontent à la surface, me reviennent en rafale.

                Je me souviens de ces menaçantes admonestations alors que j’avais commencé à fréquenter celle que j’allais marier l’année d’après : « Mon jeune, ma petite-fille, elle est belle, elle est pure; ne la salis pas. Si tu la salis, tu auras affaire à moi. » Si je l’ai « salie » plus tard, comme elle disait, je sais que je n’étais pas le premier.
Mémère était une femme qui ne s’en laissait jamais imposer, par personne et par aucune circonstance. Elle avait traversé les années de guerre en faisant de la contrebande. Elle avait alors cinq enfants en bas âge de je ne sais combien de pères différents et elle ne voulait pas qu’ils souffrent de la faim et de privations. Elle avait monté un réseau de trafic avec celui qui était alors l’homme qui vivait avec elle et qui travaillait pour l’armée canadienne, comme ça tombait bien, dans les services d’approvisionnement.
Contrairement à elle qui n’était pas allée à l’école, elle avait tenu à ce que ses enfants fassent des études. Sa deuxième fille, Manon, ma future belle-mère était devenue assistante dentaire et avait mis le grappin sur le dentiste chez qui elle avait trouvé son premier emploi. Deux de ses fils vivaient en Abitibi. Pendant un temps ils avaient été foreurs puis chauffeurs de machinerie lourde; moi, durant les quelques où j’ai fréquenté cette famille, je ne les ai jamais rencontrés. Un autre de ses fils habitait à Saint-Hyacinthe et ne venait qu’à Noël. Son autre fille ne s’était jamais mariée. Elle avait des aventures d’une nuit. Chaque fois que je l’ai vue, c’était avec un homme différent. Mémère prenait un plaisir fou à les dénigrer un à un, ce qui arrangeait bien Marie-Chantal. Surtout, elle torturait son gendre, le seul qu’elle avait sous la main, le mari de Manon, mon beau-père, qui a fini par en perdre la raison à moitié. Elle lui faisait sans cesse des reproches, des remontrances, sur sa tenue, sur sa conversation, sur ses revenus, sur ses opinions. Elle l’apostrophait en public avec force admonestations dites assez fortes pour que tout le monde entende. Elle le grondait comme un petit garçon sur ses manières de rustre; et sa femme, elle, s’esclaffait à chaque fois. Edmond, comme il s’appelait, avait appris à se taire, à se faire discret, ce qui n’avait en rien amélioré les choses. J’avais pitié de lui. Les rares fois où nous avions pu parler « d’homme à homme », c’était suite au fait que j’avais mis sa fille chérie enceinte.
Les rencontres familiales, Noël, fête des mères… devaient toujours se passer chez eux, dans leur bungalow avec vue sur le fleuve de Ville LaSalle. Mémère donnait des ordres à tout le monde et tous nous obéissions habitués et bien dressés. Elle n’acceptait aucune contestation. Ça marchait au doigt et à l’œil; un vrai régiment. Ses enfants, ses gendres et sa bru, ses petits-enfants, tous nous marchions droit. Elle adorait ses petits-enfants, elle en avait sept, en comptant les trois de l’Abitibi qui ne venaient jamais, mais elle exigeait d’eux la même soumission. Elle adorait avoir son monde autour d’elle, elle jouissait de notre présence, elle aimait à préparer et à servir les repas, mais il devait nous faire en payer le prix, c’est tout. Ses descendants de la première et deuxième génération, qui la connaissaient bien, la laissait faire sans rechigner. Mais nous, les blondes et les chums essayions de ne pas faire de vagues. Tous nous devions nous tenir convenablement à table, ne jamais jurer, ne jamais interrompre quelqu’un qui parlait et surtout pas elle ! Personne ne fumait chez elle, personne ne jurait. Mémère n’élevait jamais la voix, jamais, d’ailleurs les disputes et les esclandres étaient rarissimes. Mais son regard qui nous foudroyait et nous figeait sur place suffisait.
Toujours je l’ai connue user de sarcasme, de raillerie, de persifflage, avec une cruelle délectation. Aucun voisin ne trouvait grâce à ses yeux, aucun commerçant, aucun homme politique. Je ne peux compter le nombre de fois qu’elle est allée en cours pour des « chicanes de clôtures ».
Moi, je m’en suis sauvé, car je ne suis pas resté assez longtemps dans ce milieu. Sa petite-fille et moi étions trop différents l’un de l’autre.
                Après mon divorce, après quatre ans de mariage, difficile, acrimonieux (nous sommes allés une bonne douzaine de fois en cour pour arriver à un accord sur la garde des enfants), duquel je suis sorti sans un sou, je n’ai plus jamais revue Mémère. Mon ex-femme et moi nous nous voyions de temps en temps pour régler des questions comme l’école ou les passeports. Je ne lui demandais jamais des nouvelles de sa grand-mère. Je savais que les enfants allaient la voir de temps en temps avec leur mère et quand ils revenaient ils n’en parlaient pas.
Bien des années plus tard, alors que je travaillais comme journaliste sur la Côte-Nord, j’ais reçu une carte de mon ex-femme m’annonçant le décès de celui qu’on appelait « pépère ». Nous l’appelions ainsi par commodité, mais il n’était en vérité ni mari de mémère, ni le père d’aucun des enfants, ni le grand-père de personne. C’était plutôt bon vivant, bonne pâte. Je ne l’ai jamais vu décider quoi que ce soit; on le considérait comme une quantité négligeable. Il apportait une bonne retraite et c’était amplement suffisant. Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était jouer aux cartes, et moi j’ai du apprendre, et siroter sa bière du samedi soir, la seule qui lui était autorisée. Ça lui suffisait pour supporter le reste.
Après ce fut tout. Je me suis remarié et j’ai eu d’autres enfants. J’avais refait ma vie. Et mes parents ont vieilli.

« Madame Trépanier est ici depuis dix ans, me dit l’une des employées qui s’est approchée, sans doute un peut intriguée de me voir fixer cette vieille femme avec autant de fascination. Vous la connaissez ? »
-Oui… je l’ai connue il y a plusieurs années.
- Elle ne reçoit jamais de visite; en tout cas, elle n’en a jamais reçu depuis que je suis ici. Êtes-vous de la famille.
-Non, non.
-Étiez-vous voisins ?
La jeune femme me regarde; elle a un joli sourire invitant, mais j’hésite à donner des détails. Est-ce par pudeur ? par peur ? par remords ?
Mémère a les yeux vides et le cerveau mort. Elle a les cheveux rares, hirsutes, la goutte au nez, la lèvre pendante, un filet de bave lui coule sur le menton que la jeune femme essuie doucement; elle doit certainement porter une couche.


lundi 6 octobre 2014

Track

Micheline Bérubé vient juste de sortir de chez elle. Il fait 28 degrés dehors; le ciel est partiellement nuageux avec pratiquement aucun risque d’averse; les vents faibles  soufflent de l’ouest; il y a un ouragan, Kenny, en formation dans l’océan Atlantique au large des Bermudes. Elle descend les cinq marches de l’escalier de sa maison puis tourne à gauche vers le coin de la rue jusqu’à l’arrêt d’autobus. Il y a déjà quatre personnes; un homme d’âge mûr qui s’en va travailler, il s’appelle Jean-Marc Tangay et travaille comme vendeur au magasin La Source du centre-ville de Montréal; pendant près de dix ans il avait travaillé en manipulateur de presse pour Québécor mais il y a eu des réductions de postes et il a été obligé de se recycler; il porte des lunettes à cause d’une légère presbytie. À l’arrêt d’autobus, il y a aussi trois jeunes qui vont à la polyvalente du voisinage : un étudiant de secondaire 3, Kyvenz Dieudonné d’origine haïtienne dont les parents sont venus s’installer ici il y a eu vingt ans l’année dernière avec leurs deux jeunes enfants; deux autres enfants, dont Kyvenz, leur sont nés ici. Kyvenz est le plus jeune de la famille; c’est un très bon joueur de foote, c’est d’ailleurs grâce au programme sport-études qu’il reste à l’école; tout ce qui l’intéresse, c’est le sport; ses deux frères sont déjà en appartement; l’un avec sa copine Gloria, ils habitent sur la Rive-Sud, et l’autre avec deux autres colocs dans le quartier Rosemont. Les deux autres jeunes sont Sébastien Breton et Mélanie Terrien-Chouinard, qui sont en secondaire 5; ils couchent ensemble depuis maintenant sept mois, mais leurs parents ne le savent pas; leur moyen de contraception, c’est Mélanie qui s’en occupe en prenant la pilule; ils s’entendent bien mais à part se sentir rejeter tous par leur famille respective il n’ont pas beaucoup d’intérêt commun; ils n’habitent pas ensemble et n’en ont pas l’intention; ils le plus grand souhait de Sébastien, c’est de pouvoir s’acheter une voiture et ne plus à avoir à prendre l’autobus, c’est pour ça qu’il travaille 25 heures par semaine comme homme de ménage dans un centre pour personnes âgées; Mélanie elle travaille les fins de semaine au Jean Coutu à quelques coins rues; elle est menstruée et ne se sent pas en forme. Voilà l’autobus qui approche. Micheline laisse passer les jeunes et monte à son tour. C’est une femme qui conduit l’autobus; elle s’appelle Manon Courteau, elle a 39 ans, elle a trois enfants, son mari s’appelle Michel Hébert, il est électricien pour la ville de Longueuil, c’est bien payé. Ça fait seulement quatre ans qu’elle conduit des autobus. Quand ses enfants ont pu se débrouiller sans elle, Manon est allée prendre une formation de chauffeur d’autobus chez Binet Transport, une formation en partie payée par le service de la réinsertion à l’emploi du Ministère du Travail et de l’Emploi du Gouvernement du Canada. Elle avait alors 35 ans. Elle voulait faire quelque chose de sa vie. Elle aime son métier; Micheline lui dit bonjour en faisant passer sa carte sur le lecteur magnétique et elle répond par un beau sourire et un beau bonjour. Elle fait partir son autobus vers l’arrêt suivant. C’est un véhicule construit par la compagnie Novabus de Saint-Eustache construit au Vermont, un modèle standard à plancher bas de 52 places; numéro de série DSL2673. Micheline déteste s’assoir près de quelqu’un qui parle dans son téléphone cellulaire, alors ce n’est pas toujours facile de trouver une place, mais elle en voit une près de la porte arrière. À côté d’elle se trouve Danielle Lamontagne qui s’en va elle aussi travailler; Micheline ne le sait pas, mais elle est la gérante de l’épicerie IGA au Centre d’achat; toute une responsabilité. Les femmes ne sont que 15% à occuper un tel poste. Elle a plus de 60 employés, à temps plein et temps-partiel sous sa responsabilité; un chiffre d’affaires de 2 millions de dollars par année. La femme porte un ensemble mauve très approprié pour la saison. Micheline ouvre Le Devoir du matin, le seul quotidien indépendant de la métropole, fondé en 1910 par Henri-Bourassa, et commence par les éditoriaux : que dit-on sur les grandes questions d’actualités : « Le spectre d’une crise du budget aux États-Unis réapparaît. De qui viendront les compromis cette fois-ci ?... » Un chauffeur de taxi pressé dépasse l’autobus à toute allure; où sont donc les policiers ? L’autobus s’arrête devant l’école secondaire André-Malreaux; pratiquement aucun des étudiants de l’école ne sait qui est André Malreaux même si la direction de l’école a inclus, depuis plusieurs années, dans l’introduction aux règlements de l’école offerte à toutes les classes de secondaire 1, une présentation du personnage. Écrivain et homme politique français, né en 1901, mort en 1976; il a écrit La Voix royale, La Condition humaine, L’Homme précaire et la littérature, il a combattu auprès de républicains durant la guerre d’Espagne et le général De Gaulle en fera son ministre des Affaires culturelles de 1959 à 1969; ses cendres ont été transportées au Panthéon. Le directeur actuel de l’école est Jean-Paul Prud’homme, qui a pris son poste l’année dernière alors que son successeur est parti en burn-out. Il est divorcé et vit avec une autre femme. Un bon tiers de l’autobus se vide. Plusieurs couples se tiennent par la main. Simon Duplessis est un gai qui le cache bien, car malgré toutes les campagnes de sensibilisation et la politique de tolérance zéro envers les gestes homophobes, il n’est pas encore sûr de lui pour s’afficher ouvertement. Micheline les voit s’éloigner et elle poursuit sa lecture. « La faim dans le monde : un enfant meurt toutes les dix minutes. Malgré un accroissement considérable de la production et des ressources suffisantes pour nourrir tous les humains, deux problèmes majeurs, le gaspillage et la mauvaise distribution. » Ça y est, sa voisine de deux bancs a sorti son téléphone. « Oui, c’est moi… Non, j’suis encore dans l’autobus. J’espérais que tu n’étais pas encore parti… Non, non. Je voulais te dire que j’ai oublié de sortir la viande hachée du congélateur pour les hamburgers du souper. Peux-tu le faire pour moi ?... Oui, c’est ça…. Non, laisse-le dans le réfrigérateur, c’est suffisant… Quoi ?... J’ai aussi des frites congelées et de la macédoine… Oui, c’est ça… Non, je devrais arriver à l’heure habituelle. » Micheline descend au métro. Elle retrouve comme chaque matin le même homme qui distribue le journal gratuit Métro et qui jase sans arrêt dans une sorte de baragouinage anglais-français avec tous les gens qu’il croise. La file est longue devant le Tim Horton, 22 personnes, chacun veut son café frais du matin et peut-être un chausson avec ça. Pour faire concurrence, le MacDonald voisin a ouvert un comptoir de service rapide le matin. Micheline se sent légèrement bousculée par un homme pressé marchant en sens inverse qui ne la pas vue. Il s’appelle Antoine Dumay. Il est propriétaire d’un magasin de produits naturels bien connu sur la Rive-Sud; il est végétarien par conviction, militant pour la paix et a voté Québec solidaire lors des deux dernières élections; il a perdu ses élections mais se réjouit de la progression de son parti; cependant, il est inquiet car les temps sont durs pour le commerce de l’alimentation naturelle avec l’arrivée du supermarché Avril qui lui a raflé une partie de sa clientèle; il se demande bien s’il devra faire des mises-à-pied; il a deux ados et une femme adorable qui l’appuie totalement, avec il a fait l’amour hier soir avant de dormir. Juste avant de franchir les portes, Micheline voit un sans-abri qui demande l’aumône; il se fait appeler Johnny; il vit dans la rue depuis sept ans; avant il était à Montréal, mais il a trouvé la répression des policiers trop dures et il est venu à Longueuil; il sent mauvais. Micheline passe devant le dépanneur, on y vend des journaux, des revues, des cigarettes, des imperméables de poche, des condoms, des produits hygiéniques, des friandises, des billets de loterie, des piles, des souvenirs en plastiques, à boire et à manger, gendre chip et boissons gazeuses, sandwiches, boissons énergisantes, crème glacée. Elle prend l’escalier qui mène au métro, il y a huit marches, puis encore six marches; quatorze au total; l’avant-dernière est passablement abimée et devrait être réparée avant qu’il n’y ait un accident. Au tourniquet, elle dépose sa carte Opus sur l’endroit approprié. Le métro est déjà là; d’habitude elle aime bien marcher vers la dernière voiture parce qu’il y a souvent des places assises, mais cette fois-ci elle s’engouffre dans la celle juste en face; la sirène intermittente se fait entendre et le porte se ferme. Sur le panneau publicitaire se déroule une annonce qui dit que des volontaires entre 25 et 55 ans sont recherchés pour une étude-clinique sur la dépression. L’homme qui tient le poteau juste au-dessus de la main de Micheline est un anglophone, Mike Tonks, natif de l’Ontario, mais qui est venu travailler à Montréal parce qu’il jugeait le coût de la vie trop élevé à Toronto; il est employé de banque, directeur de services de prêts commerciaux pour une succursale de la TD sur la rue Saint-Jacques. Une porte une cravate rayée or et vert et des souliers neufs qui lui font un peu mal aux pieds; il s’est acheté un café et un McMuffin pour déjeuner dont l’odeur se réapd autour de lui. Le métro roule jusqu’à la station suivante; cela prend 48 secondes exactement. Personne ne descend à la station Jean-Drapeau, baptisée ainsi en mémoire de l’ancien maire de Montréal,  avocat de formation qui a combattu le crime organisé, politicien populiste, visionnaire, maire de Montréal de 1954 à 1957 et de 1960 à 1986; au cours de son mandat en tant que maire, il a participé activement à la venue d’une équipe des Ligues majeures de baseball, nos Expos, nos amours, il a été responsable de la construction du métro de Montréal, de la Place des Arts, de la venue d’Expo ’67, qui s’est justement tenu sur les deux îles, Sainte-Hélène et Notre-Dame, au-dessus de la station de métro, et finalement des Jeux Olympiques  d’été de 1976, véritable fiasco financier et concert de dépassements de coûts à cause de la mauvaise gestion du maire Drapeau et de la corruption endémique, qui laisseront la ville et la province avec une dette de plus d’un milliard de dollars qui les citoyens prendront trouent ans à rembourser. Un jeune garçon lit une bande dessinée, Yoko Tsuno, Le Canon de Kra, qui se déroule dans le pays inventé de Kampong, où la belle « héroïne aux yeux en amandes » doit neutraliser un monstrueux canon qu’un marchand d’armes véreux, nostalgique de la gloire guerrière du Japon, veut charger d’obus à tête nucléaire pour imposer ses volontés au petit pays; l’auteur de la série, Jean Leloup, qui compte maintenant 26 albums a créé tout un univers futuriste et utopique qui mène ses personnages jusqu’aux confins de l’univers dans monde de Vinéa peuplé d’une civilisation d’êtres à la peau bleue à la technologie extrêmement sophistiquée . À Berri-UQÀM, c’est la ruée comme des douzaines de fois chaque matin; Micheline s’efforce de descendre et monter les escaliers, à pied chaque matin et après-midi : elle cherche à perdre un peu de poids et ces exercices quotidiens s’ajoute à son régime Weight Watchers pour aller prendre le métro de la ligne orange vers le nord de la ville; une jeune femme tire une poussette où se trouve son petit garçon, Antoine, né il y a sept mois et onze jours.
Devant l’écran de son ordinateur, Track est satisfait; la journée commence bien. Il peut maintenant ouvrir son compte Facebook.