vendredi 30 octobre 2015

Les flammes de l’enfer
(Ce chapitre s'est affiché en retard à cause de problèmes techniques)

12

Lorsque Roxanne rejoint son père au Parc Natura, on est au début de l’après-midi. En la voyant, Martin Sansregret se précipite vers elle; Patrick Duhamel le suit en finissant de donner quelques ordres aux employés.
-Ah ! Voilà la personne que j’attendais !
-Qu’est-ce que je peux faire pour vous, monsieur Sansregret ?
-C’est une vraie catastrophe ! L’autre inspecteur m’a fait comprendre que ça se pourrait que le Parc Natura reste fermé pour le reste de la saison ? Dites-moi que c’est pas vrai !
-je le connais bien; s’il a dit ça c’est qu’il a ses raisons. Je ne peux rien vous dire de plus monsieur Sansregret, je le regrette…
-Mais on va tomber en faillite ! Savez-vous combien on a investi dans cette place ! Dis-lui, donc, Patrick ! Je vous Présente Duhamel l’un de mes associés…
-Ce serait sans doute bien regrettable, mais il y a une chose que vous semblez oublier, monsieur Sansregret, c’est qu’il y a eu mort d’homme, et que la police doit prendre l’affaire avec tout le sérieux qu’elle nécessite.
-Mais c’est sans doute juste un accident.
-C’est possible, je ne sais pas. Si c’est le cas, oui, peut-être que dans quelques jours vous pourrez rouvrir votre Parc. Mais en attendant, laissez-nous faire notre travail.
-Ben…
-Dites-moi, où est l’inspecteur Quesnel ?
-Il est là-bas sur le lieu du sinistre.
-Merci monsieur Duhamel. Alors, trouvez-moi un véhicule que je puisse m’y rendre aussi.
Paul tourne la tête en entendant le bruit du moteur approcher. Il sourit en voyant Roxanne arriver. Il est toujours content de voir sa fille. Et sans doute que c’est réciproque.
-Bonjour Papa !
-Bonjour, ma fille chérie, répond Paul en lui faisant la bise.
-Bonjour Turgeon; ça va ?
-Allo, Roxanne; oui, oui, tout va bien !
Hugo Turgeon vient de relever Katya Collins dans la surveillance du lieu du sinistre.
Roxanne sort de son sac un sandwich à la dinde et un café latte qu’elle présente à son père.
-Ah, merci !
Elle se tourne vers Turgeon : « T’en veux un aussi. »
-Non, ça va. J’ai mangé avant de venir.
Elle mange une salade au thon apportée de la maison; contrairement à d’autres collègues Roxanne aime apporter son propre au travail lunch plutôt de manger au restaurant. Elle et son père s’assoient sur des souches. Pendant quelques instants ils écoutent les oiseaux chanter, des petits loriots jaunes. Le soleil se reflète sur le lac; s’il n’y avait pas ce tas de cendre, ce serait une belle journée de farniente.
-Ah !... un bon verre de vin, ça me ferait du bien.
-Bon, j’y penserai la prochaine fois.
Paul lui résume en quelques mots les entrevues avec les employés qu’il a faite durant la matinée. Turgeon s’avance pour de rien perdre ce la conversation.
-Alors, avec tout ça, est-ce qu’on avance ?
-Je ne sais pas trop. La thèse du « monsieur le propriétaire qui a quelque chose à cacher » se concrétise; il y a vraiment trop de détails qui clochent, mais il semble que rien ne le relie directement à un meurtre.
-Il peut même y avoir eu crime sans qu’il y ait eu meurtre.
-Oui, je sais…. Et toi tu en es où ?
-Je peux t’affirmer que ce n’est pas un accident.
-…
-Non; les appareils de chauffage d’appoint de ce genre, je veux dire au gaz butane, sont de plus en plus sûrs. Il y a plusieurs systèmes de sécurité qui font que les chances qu’ils puissent provoquer un incident ou un accident ou exploser tout seuls sont de une sur un million; ou alors, si on le fait exprès.
-Je te crois.
-Il y autre chose aussi… Écoute, juste avant de venir ici, j’ai reçu un coup de téléphone de la comptable du Parc Natura, une certaine Françoise Pittet. Elle m’a dit que ce Gustave Abel, l’homme qui est mort dans l’incident, n’étais pas sur la liste de paye. Il ne reçoit ni chèque ni de dépôt direct pour le travail qu’il fait ici. Et c’est le seul dans cette situation-là.
-Ce qui veut dire ?
-Ce qui veut dire, selon le raisonnement la comptable, que soit il travaille bénévolement, soit il est payé au noir.
-Intéressant.
-Très intéressant !
-Ah tiens ! Tu écoutes aux portes maintenant !

De retour au poste, Olivier Jean-Jacques leur sourit de toutes ses dents.
Paul lui demande : « Alors qu’est-ce que ça a donné, tes recherches ? »
-Patron, je crois que j’ai trouvé quelque chose d’intéressant.
-Bon, assoyons-nous.
-Ce que j’ai trouvé, c’est que Gustave Abel vivait seul avec sa mère à Notre-Dame-de-la-Croix. Sa mère et lui ont habitaient à l’origine de Noyan, mais ils avaient déménagé au village quand il avait trouvé cet emploi. En fait, sa mère vient d’une famille franco-ontarienne du village de L’Orignal, pas très loin de Hawkesbury, de l’autre côté de l’Outaouais. Comment elle rencontré le père de Gustave, je ne sais pas, il faudra le lui demander. Mais toujours est-il que comme on dit : « Qui prend mari prend pays », et qu’elle est allée s’installer en ménage à Noyan avec Hubert Abel. Gustave est né quelques mois plus tard. Et là, le Hubert Abel en question est parti.
-Parti ?
-Oui, il a quitté sa femme et son enfant et les a laissés se débrouiller tout seuls. Il semble qu’il n’avait pas la fibre paternelle. D’après moi, il a dû leur laissé la maison, peut-être qu’il a envoyé de l’Argent, mais ça, c’est spéculatif; il faudra le demander à madame Cournoyer.
-Où est-ce qu’il est parti ?
-Je ne sais pas. Ce n’était pas un crime alors on n’a rien là-dessus, mais, je suis sûr qu’on peut trouver l’information. Probablement que la mère a toujours vécu sur le bien-être social. C’est quand on continue les recherches sur Gustave, que ça devient intéressant.
-Alors, qu’est-ce que tu as trouvé ?
-En fait, pas grand-chose, mais un ou deux détails qui pourraient être le fil de laine qu’il faut tirer. Gustave a certainement fait de la petite délinquance comme tous les jeunes, mais il n’a jamais été appréhendé. Un détail m’a frappé pourtant, et c’est peut-être ça la piste qu’il faudra creuser : il y a huit ans il y a eu une série d’incendies criminels dans le rang Brookdale, il y avait même eu une victime accidentelle, et on n’a jamais arrêté le coupable; ça a été classé dans les affaires non-résolues.
-…Termine ton histoire.
-Bon, l’affaire a été classée après quelques mois comme étant non-résolue faute de suspect et faute de témoin fiable. Mais parmi les personnes qui avaient été vues et interrogées par la police, il y avait Gustave Abel.
-Continue…
-C’est tout, faute de preuve, il n’y a pas eu d’accusation. D’ailleurs, l’interrogatoire n’a même pas eu lieu au poste elle a eu lieu chez lui, à Noyan. Il avait un bon alibi, et il n’y avait aucun motif d’investiguer davantage.
-C’était quoi son alibi ?
-Son alibi était que ce soir-là, il n’était pas sorti de chez lui, c’est sa mère qui l’a confirmé aux policiers.
-Hmmm… Ce n’est pas très convaincant.
-Dernier détail intéressant, c’est quelques mois après cette histoire qu’ils ont déménagé à Notre-Dame-de-la-Croix.
-Tu dis que sa mère et lui ont déménagé il y a huit ans…
-Oui…
-Donc avant qu’il ne commence à travailler au Parc Natura… Bon travail; très bon travail. Continue à creuser cette histoire et ramasse tout ce que tu peux trouver. Par exemple, qui étaient les autres suspects ? S’il y a eu des témoins ? Qui étaient les propriétaires des maisons incendiées ? Peut-être que quelque chose va nous relier à Gustave Abel.
-Très bien.
-Mais, une série d’incendies ?... Je me demande bien pourquoi je ne me souviens pas de cette histoire.
-Rappelle-toi, papa, c’était l’année où tu as pris un congé sabbatique et que tu es parti six mois en Haïti pour contribuer à la formation de la police.
-Mais il y a huit ans, ce n’est pas l’année où tu es parti en sabbatique ? Rappelle-toi tu as passé six mois en Haïti pour travailler à former la police du pays.
-C’est certainement ça.
-Vous êtes allé en Haïti, patron ? Racontez-moi !
-Oui, oui… mais je t’en parlerai une autre fois.
Les policiers gardent le silence quelques instants. Puis Roxanne dit :
-Madame Cournoyer mérite une autre petite visite. Je m’en occupe.

-Oui, occupe-t’en mais je connais aussi deux autres personnes qui méritent vraiment qu’on leur fasse une petite visite et c’est moi qui vais les leur rendre. 

lundi 19 octobre 2015

Les flammes de l’enfer

11

                Paul s’était rendu au Parc Natura sans trop se presser encore tout perdu dans ses pensées à la suite des discussions de la matinée. Depuis Papineauville, il avait pris la route 108 vers l’ouest jusqu’à Montebello, une quinzaine de kilomètres. Même si la saison touristique se terminait, les voitures y étaient encore nombreuses car beaucoup de gens appréciaient la visite de l’ancienne demeure de Louis-Joseph Papineau. Là, il avait pris la 323 nord qui menait à Notre-Dame-de-la-Croix, puis à Noyan. Tout de suite à la sortie de Montebello, il y avait une longue montée qui avaient été refaite quelques années auparavant notamment par l’ajout d’une voie d’arrêt pour les poids lourds. Durant de longues années, plusieurs accidents avaient été causés par des camions qui prenaient la descente trop rapidement. Paul regarde les rangées d’arbres de chaque côté de la montée et ses pensées reviennent vers sa fille. Il sait que généralement les intuitions de Roxanne s’avèrent bonnes. Sa théorie se tenait, mais il sent qu’il y a probablement plus que ça; il y a plusieurs petits brins qui trainent un peu partout et qu’il faudra bien tirer en cours d’enquête. On n’assassine pas quelqu’un juste pour se venger d’une simple querelle. Il espère bien, durant cette deuxième visite au Parc Natura, en apprendre plus sur ce qu’il appelle « le mystère Sansregret » et sur « l’énigme Gustave Abel ». 
                Après un trajet d’une douzaine de kilomètres, un peu avant d’arriver au village, se dresse l’entrée monumentale du Parc Natura. Paul s’arrête à la grille. Le Parc sera fermé pour un certain temps, peut-être jusqu’à la fin de la saison. Oui, c’est un coup dur pour les propriétaires; ils vont devoir assumer une importante perte financière. Paul avait regardé les nouvelles la veille; il y avait eu tout un reportage sur « un incident tragique au Parc Natura »; Martin Sansregret y déclarait que c’était un « très très déplorable accident causé par une défaillance du système de chauffage et qu’on espérait rouvrir le Parc Natura le plus rapidement possible pour permettre à la population de retrouver l’usage de ce site de divertissement familial extraordinaire ». À la une des quotidiens ce matin, on pouvait lire : « Un mort dans un incendie au Parc Natura »; et en sous-titre : « Criminel ou accidentel ? ». C’est sûr que ce n’est pas le genre de publicité qu’on aime pour un parc d’attraction dans lequel on a tant investi. Mais bon, ce n’est pas mon problème... Un portier est en poste et empêche toute personne de rentrer; il explique la situation aux quelques clients qui ne seraient pas au courant du drame et qui se sont rendus sur place pensant y passer quelques jours.
-Oui, oui, vous serez remboursé, monsieur… Non, nous ne savons pas jusqu’à quand ce sera fermé... Oui, vous aurez le même spécial que vous avez eu... Oui, malheureusement, ça pourra être l’année prochaine.
Paul lui fait signe et lui demande de soulever la barrière. Il n’a pas sitôt éteint son moteur et immobilisé son véhicule que Martin Sansregret se dirige vers lui à grandes enjambées; Paul le voit arriver accompagné d’un autre homme.
                -Ah, monsieur l’inspecteur, je vous attendais. Voici Patrick Duhamel l’un de mes associés, le troisième, Victor Kawlov, arrive dans la journée.
-Bonjour.
-Bonjour.
-Écoutez, monsieur Sansregret… Je dois tout d’abord aller voir mon homme sur les lieux de l’incendie et ensuite j’aurais besoin de parler à votre employé qui s’occupe de la répartition.
-Qu’est-ce que vous voulez savoir ?
-Et bien, vous aviez à peu près une trentaine d’employés dans l’équipe de jour, ce n’est pas la peine que je vois tout le monde.
-Vingt-sept exactement.
-Alors je voudrais parler à la personne qui répartit les tâches.
-C’est Danielle Lescot qui s’occupe de la supervision.
-Très bien.
Paul enjambe un véhicule tout terrain et sans plus tarder se dirige vers les restes du chalet numéro 15.

-Voici les informations que vous avez demandées, inspecteur : le nom des employés qui travaillaient hier dans la journée et leurs assignations.
-Merci, monsieur Sansregret, mais je voudrais quand même m’entretenir avec madame Lescot.
-Moi, vous savez, j’ai fait ça pour vous rendre service, pour vous faire gagner du temps.

Paul avait interrogé et madame Lescot et la demi-douzaine d’employés qui étaient dans les environs des chalets au bord du lac. Personne n’avait rien vu ni rien entendu d’inhabituel, sauf bien sûr une explosion. La bonbonne de gaz du système de chauffage.
-Oui, vers midi, j’ai entendu une explosion, mais j’ai cru que c’était l’écho de la détonation d’un coup de fusil par un chasseur. Ça m’a semblé un peu plus près que d’habitude, mais bon, je me suis dit que sur le lac, le son porte loin.
L’un d’eux, Jean-Yves Cadieux avait aperçu quelque chose.
-J’étais chargé de surveiller le lac. Il y a plusieurs vacanciers qui utilise le lac : en pédalo, en canot, près de la rive, sans oublier, toute la section des pêcheurs. En faisant ma ronde du matin, j’ai vu l’un des canots qui sont à louer s’approcher des chalets. Ce n’est pas illégal, alors je n’ai pas vraiment fait attention. Malheureusement, j’étais loin et je n’ai pas pu voir le numéro. Je ne sais pas… c’était le 15 ou 16 ou peut-être 18 ou 19.
Paul se demande si ce serait important de vérifier qui avait réservé et utilisé les canots hier en matinée.
Il avait recoupé les diverses informations sur Gustave pour en dresser le portrait. Âgé de 26 ans. Gustave travaillait au Parc Natura depuis l’ouverture, cinq ans auparavant. Un jeune homme fiable et discret introverti, secret, replié sur lui-même, qui ne parlait guère ni se mêlait avec les autres, mais il semble qu’il faisait bien son travail. Il ne travaillait jamais avec le public; il ne pouvait pas s’exprimer suffisamment bien, alors on lui avait confié des tâches d’entretien dans lesquelles il était très efficace.
Les autres employés, les réguliers en tout cas savaient qu’il avait droit à certains privilèges. Par exemple, il pouvait faire une sieste en début d’après-midi. Comme il rentrait plus tôt que les autres employés le matin, on ne sait pas vraiment à quelle heure, ça lui permettait de finir sa journée. Il mangeait plus tôt que les autres employés aussi, vers onze heures. Il choisissait alors un chalet, il y avait presque toujours un non occupés, et il mangeait son lunch là tout seul et il faisait sa sieste. Le 15 était le chalet le plus éloigné.
-Mais comment s’est-il rendu au chalet ? Je n’ai pas vu de véhicule aux alentours.
-Il était un maniaque de la moto, mais il n’avait pas le droit d’en faire sur les terrains du Parc. Pour les chalets les plus proches, mettons les 1 à 5, on peut y allait à pied. Mais ceux-là sont presque toujours occupés. Pour les autres, il montait en surplus avec l’un de nous qui s’en allait dans le coin pour une raison ou pour une autre. Puis quand il avait fini, quand ça lui tentait, il revenait de la même façon. Il attendait que l’un de nous fasse sa ronde pour revenir.
-Et hier, c’est vous qui l’avait amené au chalet 15 ?
-Oui, c’est moi. C’est comme un règle non écrite. Quand on fait notre ronde, on l’amène avec nous s’il nous le demande.
-Et c’est le seul employé qui fait ça ?
-Absolument certain ! Jamais ne je n’aurais le droit de faire la même chose, et c’est pareil pour tout le monde.
 
Au même moment, le cellulaire de Roxanne sonne. C’est sûrement papa qui veut savoir où j’en suis.
-Oui, allo ?
-Heu… Bonjour; je suis Françoise Pittet, la comptable du Parc Natura. Est-ce que je peux vous parler ?
-Bien sûr.
-Est-ce que cette conversation va rester privée ? Est-ce qu’il y a des gens autour de vous ?
-Cette conversation est tout à fait confidentielle, si c’est ce que vous voulez savoir. Qu’est-ce que vous avez besoin de dire ?
-Je ne sait pas vraiment comment le dire... Mais je sais quelque chose sur Gustave Abel que personne d’autre ne sait.
-Je vous écoute.
-Il n’est pas sur la liste de paye…
-Qu’est-ce que vous voulez dire ?
-Il travaille ici depuis longtemps, probablement depuis le début du Parc Natura, en tout cas avant que moi je commence, mais il n’a jamais été sur la liste régulière de paie. Je le sais car c’est moi qui comptabilise les heures de chaque employé et qui gère les dépôts directs. Et lui il ne reçoit ni chèque ni dépôt direct. Jamais.
-Qu’est-ce que ça veut dire ?
-Je ne sais pas exactement. Soit il est bénévole, et il fait tout ce qu’il fait sans être payé mais ça, ça m’étonnerait beaucoup; soit il est payé en espèce, sous la table.
-Qui d’autre est au courant ?
-Certainement, l’un ou l’autre des trois propriétaires, Sansregret, Duhamel et Kawlov. C’est impossible qu’ils ne le sachent pas.
-Pourquoi vous me dites ça maintenant ?
-J’étais au Parc hier quand l’ « accident » s’est produit, mais personne n’est venue me voir. J’ai vu la police arriver et j’ai compris que c’était grave. Aujourd’hui on m’a dit de rester chez nous, parce que le Parc est fermé et que je ne fais pas partie du personnel essentiel. C’est moi qui suis chargée de payer tous les comptes et de m’acquitter des factures du Parc Nature, et sans dire qu’il s’y passe quelque chose d’illégal, mais il y a souvent des opérations comptables pour réduire les dépenses au maximum, des manipulations pour payer le moins d’impôts et le moins de taxes possibles. De la fiscalité créatrice, en quelque sorte. Tant que ce n’est rien d’illégal, je fais ce qu’on me demande de faire. Mais là, il y a eu mort d’homme, et je me suis dit que ça pourrait peut-être vous aider. J’ai appelé au poste de la SQ à Papineauville et on m’a dit de vous rejoindre sur votre cellulaire.

-Oui, madame Pittet, ça va très certainement nous aider. Vous avez bien fait de téléphoner. Je vous remercie beaucoup. Je vais peut-être même avoir encore besoin de vous.

lundi 12 octobre 2015

Les flammes de l’enfer

10

La réunion du matin qui s’était prolongée jusqu’à dix heures, se terminait enfin. Par la fenêtre, on pouvait voir les arbres de la proche forêt; certaines branches, exposées au vent du nord, des érables, des peupliers et des bouleaux, rougissaient déjà. Mais Paul ne regardait pas dehors. Pensif, silencieux, il semblait contempler avec déréliction sa demi-tasse de café qu’il avait laissée refroidir. Bah… de toute façon, il faut que je boive moins de café; ça me tombe sur la vessie. Ils avaient bien cogité ensemble toute la matinée, mais malheureusement il n’entrevoyait toujours aucune piste solide, aucune qui ne faisait l’unanimité. Certains pensaient que finalement c’était véritablement un accident comme tout portait à le croire, – et Paul, qui avait plutôt tendance à pencher de ce côté, pas du tout parce qu’il y croyait mais ça lui permettait ainsi de pousser les autres, ceux qui pensaient autrement, dans leurs derniers retranchements; se faire l’avocat du diable lui permettait de les obliger à apporter des arguments qui le convaincrait du contraire; et d’autres, comme Roxanne ou Olivier, qui avait surpris Paul par ses bonnes questions (C’est maintenant qu’il termine son stage qu’il commence à être efficace, celui-là), optaient plutôt sur la thèse d’un crime qui aurait été camouflé en accident. Les partisans de cette thèse avaient honnêtement soutenu leur point de vue mais cependant sans la conviction suffisante pour rallier tout le monde. C’était plus une intuition que quoi que ce soit d’autre. Roxanne avait bien tenté de persuader les autres et éventuellement de se persuader elle-même que Martin Sansregret, le directeur, cachait quelque chose; non pas qu’il était Ie coupable, mais fort probablement qu’il était au courant de quelque chose, d’un détail capital mais qu’il le gardait pour lui. Son attitude ne lui revenait tout simplement pas.
-Pour moi, il sait quelque chose; il peut être au courant, par exemple, d’une altercation, une querelle, qui aurait eu lieu récemment entre deux ou trois de ses employés, ou une mésentente, un désaccord. Peut-être que les employés en question en sont venus aux coups et qu’on a dû les séparer; peut-être qu’il voulait les sanctionner, mais il ne pouvait se permettre de leur renvoyer parce qu’il est lui-même, responsable de la dispute. Peut-être que comme c’est encore la haute saison, il a besoin de tout son personnel, et peut-être a-t-il laissé faire et qu’il attendait la fermeture du Parc pour agir et qu’il ne s’attendait à ce que ça dégénère de cette façon. Il sait qu’il aurait dû agir et qu’il ne l’a pas fait, et maintenant, il s’en mord les doigts.
-Ça peut quand même être un accident : disons, qu’il y a vraiment eu altercation, comme tu dis, et que quelqu’un a voulu rendre la monnaie de sa pièce à Gustave Abel; il a voulu lui faire peur et ça a mal tourné.
-Peut-être; mais il se peut aussi que Martin Sanregret ait vu ou entendu quelque chose hier au moment même de l’incident : il a peut-être entendu une explosion, ce ne serait pas impossible, ou il a peut-être vu un employé suivre Gustave jusqu’au chalet quelques minutes avant que le feu ne se déclare …
-Ça pourrait même être un client !
-Ou même un client, oui c’est possible, mais Martin Sansregret garde alors cette information pour lui.
-Il garderait cette information capitale pour lui ? Ça s’appelle entrave à la justice !
-Il garderait l’information pour lui, pour ne pas nuire à la « bonne » réputation de son Parc, parce qu’il a une peur bleue que le scandale éclate; c’est ça qu’il craint le plus. Ce Parc Natura, c’est comme son bébé !
-Surtout qu’il n’arrête de répéter que ce ne peut être qu’un accident, que ça devient presque maladif, ou compromettant. Tu t’en es rendu compte toi-même.
-C’est même pathétique.
Effectivement, la dernière conversation qu’il avait eue avec Martin Sansregret la veille, avait laissé Paul bien déconcerté. Non seulement, il n’avait rien appris de nouveau, mais il avait eu l’impression de parler à un sourd. Il avait eu droit au même baratin insipide des investissements qu’il avait faits lui et ses associés et sur l’immense transformation de l’environnement qu’ils avaient accompli Oui, dans le fond, Paul devait se l’avouer, ce n’était pas impossible que ce Sansregret ait quelque chose à cacher.
-Si c’est le cas, si, reprenons raisonnement de Roxanne, quelqu’un a suivi Gustave jusqu’au chalet, pour ensuite, mettons, l’assommer et déclencher un incendie, peut-être dans ce cas y a-t-il eu d’autres témoins ?
-Mais il y a toujours des va-et-vient dans ce Parc, des gens qui vont dans toutes les directions, comment quiconque pourrait s’apercevoir d’un tel détail ?
-Pas dans la clientèle, c’est à peu près sûr, mais, oui, je crois, qu’il peut y avoir eu des témoins parmi les employés, de quelque chose d’insolite. Nous savons que pour qu’un tel parc de divertissement fonctionne, il faut suivre les règles; les employés ont leurs habitudes, il y a une routine, des tâches à accomplir chaque jour; s’il s’est passé quelque chose, quelqu’un a pu s’en apercevoir mais sans vraiment y faire attention.
-Et aussi, s’il y a eu une altercation, que ce soit il y a quelque temps ou même la journée même, il faut que quelqu’un ait vu quelque chose... Ça peut être Sansregret, mais ça peut n’importe qui. Bon, je retourne là-bas et je m’occupe d’interroger les employés. Turgeon tu viens avec moi ?
-Très bien, patron.
-Et toi Roxanne ?
-Moi, je crois que je vais fureter du côté du Canadian Tire de Papineauville. Je dois vérifier deux ou trois détails qui me chicotent.
-D’accord. Et toi Olivier ?
-Moi patron, je pourrais peut-être fouiller le passé de Gustave Abel ?
-Bonne idée ! Décidément, tu me donnes plus de matériel que j’en ai besoin pour écrire mon rapport !
-Pardon ?
-C’est rien. Il semblerait que ce Gustave Abel a toujours vécu dans la région; s’il a été mêlé à quelques affaires louches, on le saura. C’est une piste qu’il ne faut certes pas négliger. Alors, allons-y !

Comme elle l’avait dit, Roxanne s’était rendue à Papineauville au Canadian Tire, le grand magasin quincaillerie. On y trouvait de tout : les articles de plein-air et de camping, des tentes, des sacs de couchage, ou de jardinage, des tuyaux d’arrosage au fertilisant, ou de sport, depuis chaussures aux ballons en tous genres et tout ce qu’il faut pour s’équiper des pieds à la tête pour jouer au hockey, des outils, des items de cuisine, des jeux, et bien sûr la gamme complète des pièces d’autos. Il y a déjà toute une clientèle qui déambule dans les allées; les articles d’hiver, pelles, sacs de sel, crampons à pneus, souffleuses à neige, produits d’isolation, sont déjà en vente. Elle se rend dans le département de camping en cherchant quelque chose de bien précis. Dans les étals dégarnis, elle finit par trouver ce qu’elle cherche. Elle regarde la boite de l’appareil de chauffage au gaz sous toutes ses coutures; elle en lit les instructions. CAMPING GAZ CR 5000 Thermo Radiateur à gaz - Convecteur gaz - Chauffage d'appoint à catalyse CR 5000 Thermo - Sans flamme pour une plus grande sécurité, analyseur d'atmosphère : l’appareil se coupe si une présence de CO2 ou de CO est détectée - Panneau catalytique protégé par une grille… Fabriqué au Mexique.
Un appareil de chauffage d’appoint pour chalet fabriqué au Mexique ! On aura tout vu en ces temps de commerce international. Elle aperçoit un employé.
-Excuse-moi ! Je cherche à en savoir plus sur ce produit. On peut mettre cet appareil dans un chalet, n’est-ce pas ?
-Oui, madame, c’est excellent comme chauffage d’appoint. Il ne sent pas et il se met à chauffer très vite.
-Ça marche au gaz; je suppose qu’il faut mettre une bobonne à quelque part.
-En fait, oui; il y a un compartiment à l’arrière pour mettre la bonbonne et c’est un modèle unique, on ne peut pas y mettre un autre modèle. C’est cette bobonne-là qui convient, la bleue, de 13 kilos.
-Dites-moi une chose : est-ce que c’est sécuritaire ?
-Sécuritaire ? Oui, tout à fait; il y a une grille qui empêche d’approcher de l’élément chauffant. On ne voit pas la flamme.
-Mais disons, est-ce que ça peut exploser ?
-Exploser ? Non, absolument pas; il y a un système de fermeture automatiquement en cas de fuite de gaz.
-Mais, admettons que ce système de sécurité de fermeture automatique tombe en panne ou soit défectueux, est-ce que ça pourrait exploser ou, mettons, prendre en feu ?
-SI vraiment le système de sécurité est défectueux, oui, le gaz pourrait s’échapper; mais dans ce cas-là, on finirait par le sentir et on s’en apercevrait avant que ça devienne dangereux.
-Mais admettons que je dorme ou alors que je sois immobilisée ou encore que je sois absente, est-ce qu’il pourrait exploser ?
-Si vraiment, vous faites partir votre appareil avant de quitter et que le système de chauffage ne parte pas et si vraiment le système de fermeture automatique est défectueux, oui, alors là, il se pourrait que le gaz s’échappe; mais encore une fois vous le sentirez en revenant chez vous.
-Donc, ça pourrait arriver dans ce cas-là, par exemple, que s’il y a une étincelle, ça explose…
-Yoyoyoye ! Oui, peut-être, mais c’est une chance sur un million : il faudrait vraiment être malchanceux… ou alors le faire exprès !
-Je vous remercie beaucoup.
-Y’a pas d’quoi. Vous voulez l’acheter ? Voulez-vous une livraison ?
-Non, non merci. Je voulais juste me renseigner pour faire un choix éclairé
-C’est bon.

Oui, en effet, c’est bon, c’est très bon.

lundi 5 octobre 2015

Les flammes de l’enfer

9

-Alors qu’est-ce que tu en as pensé ?
-Je ne sais pas... Je ne sais pas quoi dire. Ces deux heures passées là-bas m’ont fait une drôle d’impression; comme un arrière-goût. On dirait un autre monde; un autre univers quelque part dans une autre galaxie dans une autre dimension. Un univers de plastique et de clinquant. Tout est faux, tout est truqué, artificiel. Le Parc est faux, le lac est faux, les chalets sont faux, la chasse, la pêche, les activités… Les animaux sont faux, la nature a été rendue fausse. Même le nom de l’endroit est faux : ils ont appelé ça le Parc « Natura » alors qu’il n’y a rien de naturel, pas même un brin d’herbe. Quand je pense que le lac s’appelle le « Lac aux truites », alors qu’on y pêche des fausses truites. Tout ça c’est travesti, c’est du toc, du chiqué ! On y offre des plaisirs futiles, des similis divertissements; mais tout ça ce dont des mystifications, des mensonges, des attrapes; c’est du bidon, rien qui n’est la réalité. Même ce monsieur Sansregret qui est faux et archi-faux. Son sourire est faux, ses propos sont faux, ses explications ne tiennent pas la route. "On a beaucoup investi vous savez !" Quelleidiotie ! Il ne veut rien voir pour sauver les fausses apparences ! Pour lui, il ne s’est rien passé : c’est un accident ! Des mensonges du début à la fin qui sortent de ce moulin à parole. Il porte bien son nom, celui-là. Il n’a aucun regret d’avoir saboté, d’avoir travesti la nature de cette façon, sans scrupule aucun. Et il en est fier, par-dessus le marché ! Et il en fait une imitation de nature, du superflu, du rêve, du faux rêve. Même la mort à l’air fausse; pourtant il y a vraiment mort d’homme. On se demanderait presque si ce n’est pas une fausse mort, avec un faux cadavre; que ça aurait été un faux incendie, dans un faux chalet, un non-crime en quelque sorte, dans non-lieu ? Et Les employés participent à cette farce, à cette mascarade en y croyant ou en faisant semblant d’y croire; pourvoyeurs de sourires faux, de plaisirs faux. Comme s’il n’y aurait eu que ce pauvre Gustave qui aurait vrai dans cet univers irréel, ce monde inventé, ce paradis chimérique. Et ce serait pour ça qu’il en est mort ? Le pire, c’est la rencontre que j’ai eu avec sa mère. Ça sonnait tellement faux. J’ai vraiment eu l’impression qu’elle me cachait quelque chose, mais quoi ?

-Madame Abel, tout porte à croire que c’est un accident. On ne connaît pas la cause exacte, mais ce serait peut-être une défectuosité dans le système de chauffage.
Roxanne cherchait ses mots. Elle s’était présentée chez la mère de Gustave Abel avec l’agent Turgeon. La nuit était déjà là. Il n’y avait pas de sonnette à la porte, ni de lumière sur le palier. C’était une petite maison, sans étage, avec seulement le rez-de-chaussée, et possiblement un sous-sol, avec un grand garage sur le côté. Elle avait l’air bien entretenue, il n’y avait ni carreau brisé, ni peinture écalée. Par contre il y avait plusieurs objets, des vieux meubles, des boîtes vides, qui traînaient sur la pelouse. Aucun pot de fleurs aux fenêtres, Elle avait cogné à la porte. Il n’y avait pas de lumière à l’intérieur. Cette  femme était-elle déjà au lit ? Peut-être n’y avait-il personne. Elle avait cogné à nouveau, en appelant cette fois. Une femme avait demandé ce qu’il y avait. Et même quand Roxanne avait répondu que c’était la police, qu’elle venait à propos de son fils Abel, elle avait entrouvert la porte avec beaucoup d’hésitation. À la nouvelle de la mort de son fils, elle n’avait que très peu réagi;  à peine avait-elle fermé les yeux, serré les poings et ravalé sa salive. Roxanne était toujours dans l’embrasure de la porte.
-Vous ne pourrez pas voir le corps. Il est trop brûlé. Nous sommes certains qu’il s’agit de votre fils, mais ce sont les empreintes dentaires qui serviront à identifier le corps.
-....
-Madame Cournoyer, est-ce que ça va ?
-Oui, oui…
-Qu’est-ce que vous pouvez me dire sur votre fils, madame Cournoyer.
-Un bon garçon.
-Avait-il dit quelque chose récemment ?
-Dire quoi ?
Roxanne essayait de trouver les mots appropriés.
-Pensait-il au suicide ?
-Au suicide jamais. Ti-Gus a assez eu des misères mais on s’en est toujours sorti.
-Avait-il des ennemis ?
-Vous avez dit que c’était un accident ?
-Oui, la piste de l’incendie accidentel est celle que nous privilégions, mais tous les indices que vous pourrez nous donner nous serviront à faire la lumière sur ce qui s’est vraiment passé
-Non, Ti-Gus n’avait pas d’ennemi.
-Il s’entendait bien avec tout le monde ?
-Non, c’est qu’il n’aimait pas trop la compagnie du monde… Il travaillait, pis il revenait à la maison.
-Est-ce que ça lui arrivait de revenir tard après son travail ?
-Des fois.
-Qu’est-ce qu’il faisait durant ces temps libres ?
-Il a une moto, pis il fait des tours de moto.
-Est-ce qu’il vous amenait ?
-Moi ? Jamais ! Pensez-vous ! Il aime trop sa liberté.
-Qu’est-ce qu’il faisait pendant l’hiver, quand le Parc Natura est fermé ?
-Pas grand-chose. Il travaille un peu à la maison. Il est habile de ses mains vous savez; il peut faire presque n’importe quoi.
-Est-ce que cette maison vous appartient ?
-Oui, quand on est partis de Noyan, j’ai vendu la maison, pis j’ai acheté celle-là. Moi je ne peux pas travailler, je souffre de dépression. Je prends du Prozac, quatre pilules par jour.

Pendant ce temps, Paul terminait avec ses deux derniers suspects. Guy Chevalier avait déjà été condamné pour tentative d’extorsion; c’était il y a à peine quatre ans.
-Racontez-nous ce que vous savez…
-Comment ? Ce que j’sais ? Ça parle au diable ! J’suis arrivé c’matin !
-Est-ce que c’est la première fois que vous venez au Parc Natura ?
-Moi ? Non… c’est pas la première fois.
-Alors… c’est quand la dernière fois que vous êtes venu ?
-Pourquoi vous voulez savoir ça ?
-Écoutez monsieur Chevalier, je pose des questions de routine; vous n’êtes suspect de rien, mais j’essaye de récolter le plus de renseignements possibles. Si vous ne voulez pas collaborer, je peux demander un mandat d’arrestation.
-Wo, wo, wo ! J’sais rien, j’vous dit, tabouère. J’suis arrivé c’matin, pis j’allais rester deux jours.
-Faites-vous de la pêche ou de la chasse ?
-Moé ? Heu… aucun des deux. J’viens ici pour me reposer !
-Donc, ce n’est pas la première fois que vous venez ici pour «vous reposer ».
-C’est ça; pour me reposer.
-Qu’est-ce que vous faites dans la vie, monsieur Chevalier ?
-Moi… Heu, disons que je suis rentier.


-Courage, patron, c’est le dernier.
-Oui, je sais.
-Il s’appelle Norbert Eaggleton; accusation : possession et trafic de drogue; c’était il y a douze ans.
-Fais-le venir, Olivier.

-Monsieur Eaggleton, veuillez vous asseoir.
-Est-ce que ça va être encore long. Moi pis Daniel, on aimerait bien pouvoir s’en aller.
-Non, c’est bientôt fini, je veux juste vous poser quelques questions et puis vous pourrez partir. Vous savez qu’il y a eu un accident dans le Parc aujourd’hui, dites-moi, avez-vous vu quelque chose ou quelqu’un qui vous a semblé bizarre.
-Moi pis Daniel on s’occupe de rien. On vient ici pour faire des marches dans la forêt et pour observer les oiseaux. On est deux amoureux de la nature et ici, des merles, des geais, des bruants, des roitelets, des grives, des parulines; hier après-midi on a vu un couple de faucons émerillon tournoyer pendant une bonne demi-heure; on a pris de vraiment bonnes photos.
-Vous n’avez rien vu de… particulier.
-Non, non. Nous on vient pour la nature pis on ne s’occupe pas des autres.
-Où habitez-vous monsieur Eaggleton ?
-On habite à Gatineau sur la rue Poupart. On trouve ça bien pratique de venir ici.

Quand Paul était revenu chez lui, il était crevé. Il avait renvoyé Olivier chez lui et avait assuré la surveillance des lieux pour la nuit. Il ne savait pas si tout ça avait été bien utile. Il espérait que Roxanne pourrait avoir des bonnes nouvelles. Il allait renvoyer les employés en leur disant qu’on les convoquerait en cas de besoin. Mais monsieur Sansregret avait souligné qu’on ne pouvait pas tous les faire partir.  
-Le Parc Natura ne peut pas rester sans surveillance. Et puis il faut soigner les animaux, faire l’entretien, les réparations. On ne peut pas laisser ça comme ça.
Surtout que les membres de l’équipe de soir étaient arrivés et qu’ils restaient coincés à l’entrée du Parc, ce qui ajoutait à la confusion. Finalement, l’équipe de jour était partie (Paul avait demandé au surveillant de rester) et une équipe de soir réduite s’était installée.

-Et vous monsieur Sansregret, qu’est-ce que vous en pensez ?