lundi 22 février 2016

Les petits enfants
Chapitre 8

                Les arbres défilent de chaque côté. Ils ont dépassé le village de Saint-Émilie. Le ciel est bleu pâle à cause de l’humidité de l’air, et prendra bientôt les teintes de rose du soir qui vient. Après quelques instants de silence, Paul reprend la parole en prenant une autre piste.
-Il faut attendre les examens. Le corps va être amené dans le laboratoire d’expertise de Gatineau par l’équipe de reconstitution. Ce ne sera pas une autopsie, mais on va essayer de découvrir des détails sur les restes qu’on a trouvés pour savoir ce qui a pu se passer, s’il a des fractures, par exemple, des traumatismes. S’il a des traces de terre sous les oncles, comme s’il avait gratté…
Mais Roxanne, trop absorbée par ses propres pensées, ne l’écoute pas. Elle secoue la tête.
                -Écoute, dit-elle, exprimant ses idées à haute voix. Mettons qu’il était saoul et qu’il revenait d’une beuverie; il a pu trébucher, tomber dans un trou du chantier et rester là inconscient, et on ne l’aurait pas découvert… Mais encore là, il aurait été avec d’autres, ses partenaires de bar. Ils ne l’auraient certainement pas laissé là tout seul. Et même si le soir, à la sortie du bar, ils l’ont perdu de vue, le lendemain, les autres, ceux qui étaient avec lui, se seraient inquiétés de ne pas le voir revenir… Mais s’il avait été seul, s’il était revenu seul du bar et qu’il était tombé dans une excavation du chantier en cours ?... S’il était tout seul en vacances, par exemple… Non, il y aurait eu ses affaires à l’hôtel, ou même dans un camping, et les propriétaires se seraient aperçus de son absence. Et en plus, il y a l’équipe du chantier; que ce soit le lendemain ou le lundi matin, l’équipe de travailleurs l’aurait vu au fond de son trou, mort ou vivant. On ne remplit pas un trou sans regarder dedans.
-N’oublions pas que la sécurité du chantier était défaillante. On sait que très probablement le contracteur a triché pour obtenir la soumission; il aurait très pu aussi, par économie, ou pour une plus grande marge de profit, arrondir les coins pour ce qui est l’exécution du travail, des équipes, de la compétence des travailleurs, de la mise en œuvre, de la surveillance, des règles à suivre, etc.
                -Eh !... Je pense à quelque chose. Supposons, oui, qu’il est allé au bar et qu’il est sorti ivre, comme on a dit, et qu’il a voulu faire le fin-finaud en coupant à travers le chantier et qu’il est tombé….
                -Il faut trouver un plan d’époque et savoir où se trouvait le bar à cette époque…
                -Attends laisse-moi finir ! Ça pouvait être un samedi, c’est possible, on va généralement au bar les vendredis et les samedis, et là il serait resté jusqu’au lundi, c’est vrai, il aurait eu amplement le temps de mourir... Mais bien plus que ça ! Ça pouvait être les vacances de la construction !
                -Haaa… C’est pas bête ça. Continue; je t’écoute.
                -Supposons qu’il soit tombé au début du congé de la construction. On sait que tous les chantiers du Québec, sans exception, sont fermés durant ces deux semaines-là, les deux dernières semaines de juillet. Donc, il passe une journée à la plage, à la fin de laquelle il s’en va dans un bar de la rue principale. Et il reste en maillot de bain et va directement, sans se changer, au bar prendre une ou deux bières pour se rafraîchir. En été, en vacances, il n’y a certainement pas de règles de tenue stricte dans les bars. Au milieu de la nuit, il sort du bar, pas mal éméché, et pour revenir là où il reste, motel ou camping, il passe à travers le chantier, peut-être pour couper au plus court. Il tombe dans un trou qui est en train de se faire creuser et que les ouvriers ont laissé comme ça, peut-être sans barrière. Peut-être même qu’il y avait une barrière, mais à l’entrée du chantier, et lui, il s’en fiche, et il est passé dessous. Bref, il tombe, il s’assomme et il perd conscience, et peut-être même qu’il meurt sur le coup, ou qu’il finit par mourir. Mais bon, peu importe, on ne sait pas. Toujours est-il que le cadavre est au fond du trou. Admettons encore que peut-être le pauvre gars soit venu tout seul à Lac-des-Sables. Donc il n’y a personne aux alentours pour se préoccuper de lui, pour se demander où il peut bien rester. Quelqu’un a très bien pu le voir au bar, le barman, les serveuses, d’autres clients, mais personne ne le connaît, personne ne fait cas de son départ. Et, quand il disparaît, il n’y a personne pour le chercher. Alors, il reste au fond de son trou pendant quelques jours, pendant toute la durée des vacances de la construction. Et là, peut-être qu’il y a une, je ne sais pas, mettons, une grosse pluie, un orage ou un grand vent, ou autre chose de suffisamment fort pour modifier la configuration des lieux. On parle d’une période qui peut aller jusqu’à deux semaines. Peut-être que l’amoncellement des pierres et des gravats qu’on avait retirés était friable, fragile, instable, et que la pluie ait fait glissé juste quelques pierres juste sur le bord du trou, ça aurait pu être suffisant pour qu’une bonne portion des autres pierres se soit affalée au fond et recouvre son corps, peut-être pas entièrement, mais suffisamment pour en cacher le principal. À la fin du congé de la construction, les hommes ont pu très bien arriver et ne rien voir. Peut-être que le surveillant ou un machiniste a jeté un coup d’œil rapide, trop rapide. Et là, on a repris le travail où on l’avait laissé deux semaines auparavant, comme si de rien n’était, sans s’apercevoir de quoi que ce soit.
                -Oui, pas mal, pas mal du tout… Très bien même… Oui, c’est possible, mais en même temps, s’il est allé au bar, il a dû avoir son portefeuille pour payer ses bières. Il semble qu’on n’a pas trouvé d’objets particuliers. S’il y avait eu un portefeuille, c’est sûr que Montreuil nous l’aurait dit.
-C’est vrai. Peut-être qu’il l’a perdu avant de tomber et que quelqu’un l’a ramassé, et l’a gardé.
-Et puis, autre chose, comment se fait-il que toutes ses affaires auraient disparues ? Il n’a pas pu venir à pied quand même…
         -Il est peut-être venu en autobus, ou alors sur le pouce.
         -Pas bête… Ça m’étonnerait qu’il y ait eu des autobus à cette époque. Mais sur le pouce c’est tout à fait possible. C’était encore plus fréquent à cette époque que maintenant, alors que bien des jeunes ont des autos. Mais une chose me chicote : tels que je connais les pouceux, ils voyagent habituellement avec un sac à dos bien rempli, avec un sac de couchage, parfois une tente, du linge de rechange, même un mini-poêle. Il a bien dû s’installer à quelque part.
         -Peut-être… Je sais que ça commence à faire beaucoup de peut-être… peut-être qu’il a fait du camping sauvage, dans un champ ou un sous-bois des environs. À cette époque, ça se faisait plus qu’aujourd’hui. Et peut-être que ces affaires sont encore à quelque part dans les bois, qu’elles y sont toujours.
          -Après quarante ans ?? Là tu vas un peu loin.
          -Je ne sais pas. OK, voici une autre hypothèse : peut-être que ses affaires sont restées dans un bois, dans son camping rustique, tout l’été. Et à la fin de la saison, au début de l’automne, des jeunes du village ont pu trouver ses affaires. Ils ont pu se dire que c’était quelqu’un, un de ces nombreux hurluberlus qui les avait oubliées, un gars qui en avait fumé du bon…
-Pardon ?
Paul s’arrête à l’intersection de Noyan pour ensuite prendre droite, la route 356 qui mène à Papineauville. Il met la voiture en arrêt complet, tourne la tête et regarde sa fille droit dans les yeux.
-Oui, oui, tu comprends ce que je veux dire; ne fais l’innocent… Allez, continue. Ils se sont dit que cet énergumène était parti en tout laissant là, en oubliant son stock. Ce n’est pas impossible. Les jeunes ont très bien pu faire main basse sur les objets de valeurs et "peut-être" jeter ou brûler le reste.
         -Oui, oui, ça se tient. Il faudrait chercher de ce côté-là aussi… Il faut commencer par trouver l’année et le mois exacte où cette foutue a été construite; ça doit être facile de trouver ça. Et à partir de là essayer de trouver des gens qui aurait encore des souvenir de cette époque, ou alors idéalement, des jeunes de l’époque qui auraient trouvé ses affaires. S’ils existent, ils doivent avoir entre cinquante-cinq et soixante ans aujourd’hui.
         -Ça fait beaucoup de "peut-être" : "peut-être" qu’il est tombé parce qu’il était ivre, "peut-être" qu’il était seul, "peut-être" qu’il est venu sur le pouce, "peut-être" qu’il faisait du camping sauvage, "peut-être" que des jeunes auraient trouvé quelque chose.
          -Ça ne fait rien. Tes "peut-être" nous font avancer… Il en reste un dernier de "peut-être". "Peut-être" qu’il avait de la famille. Même s’il est arrivé à Lac-des-Sables sur le pouce, même s’il était parti sans dire où il allait, même s’il était parti de son appartement sans que personne ne le sache, c’est rare mais ça peut arriver, un avis de recherche a quand même dû être lancé, même des semaines plus tard; c’est là aussi qu’il nous faut chercher. Je ne peux pas imaginer que personne de son lieu d’origine, un ami, une mère, un voisin, personne de sa famille n’ait pas signaler sa disparition. Même s’il est parti de Montréal, mettons, et qu’il était originaire de la Gaspésie, quelqu’un quelque part a dû finir par s’inquiéter de ne plus avoir de nouvelles. Quand on aura la date de la construction de la route ou pourra demander les avis de recherche des disparations jamais résolues, mettons "peut-être" des trois mois ou même des six suivants.
          -Il faut espérer qu’il ne venait pas d’ailleurs, d’une autre province ou, pire, d’un autre pays !
-Ça compliquerait les choses encore d’avantage; plusieurs enquêtes devront être reprises à zéro.
-Avec un peu de chance on aura, "peut-être" entre cinquante et cent disparitions non résolues.
-Non, je ne crois pas; pas tant que ça. 99% des personnes disparues finissent pas être retrouvées d’une façon ou d’une autre.
-Tu veux dire, vivantes ou mortes ?
-Oui, c’est ça, même si parfois ça peut prendre plusieurs années.
Roxanne et son père restent en silence quelques minutes. Elle reprend :
-Le laboratoire de Gatineau va nous apprendre quoi ?
-Si c’était un homme ou une femme, à peu près son âge et probablement les blessures subies avant ou pendant ou même après sa chute.
-Hmm… Hmmm
-La position du cadavre aussi pourrait nous donner des indices.
-Si on arrivait à découvrir s’il été intoxiqué au moment de sa chute, ça nous aiderait pas mal…. Je crois qu’on arrive, papa.

-Oui; nous avons encore du chemin à faire, mais grâce à toi on a bien avancé; merci.

lundi 15 février 2016

Les petits enfants
Chapitre 7

                Aussitôt les cinq hommes de l’équipe de la reconstitution de scènes de crimes se mettent à l’œuvre sous la direction de Stéphane Montreuil. Le travail consiste à déblayer, pierre par pierre, le plus délicatement possible, toute la couche de gravats sous lequel est enterré le mystérieux squelette, ou ce qu’il en reste, tout en essayant de ramasser le plus d’indices possible, aussi infimes soient-ils. Pour cela, chaque pierre ou débris extrait de l’emplacement est examiné avec soin par l’un ou l’autre des membres de l’équipe qui ont loupes et microscopes, mini-laboratoire chimique et ordinateur à leur disposition. Toutes les traces végétales, par exemple de pollen ou de brins d’herbe, sont cataloguées et pourront servir à l’enquête. Tous les restes organiques sont tout aussi précieux, que ce soient les poils ou les grottes. L’espace restreint de quelques mètres carrés autour de l’excavation est entourée d’un rideau opaque qui rend le site invisible à la foule de curieux, par ailleurs de plus en plus dense et de plus en plus bruyante.
                -J’espère qu’ils vont finir par se décourager, soupire Roxanne.
                -Oh tu sais, des attractions de ce genre ne doivent pas être très fréquentes par ici; pour plusieurs, c’est l’événement de l’année qu’il ne faut pas manquer. Ça va les changer des courses en pédalos ou des défilés en bikinis.
                -Oui, probablement. Tu as remarqué ces nombreuses personnes qui prennent des photos ou toutes celles qui prennent des autoportraits avec le lieu de l’accident en arrière-plan ? C’est franchement ridicule ! Qu’est-ce que ça leur peut bien leur apporter ? Il y a certainement plusieurs photos qui circulent déjà sur les réseaux sociaux.
-Bah, on ne peut pas y faire grand-chose…. Bon, ce n’est pas tout, ça, mais il faudrait trouver les autorités, le maire de la municipalité, par exemple. Personne ne s’est présenté ?
                -Je ne sais pas, allons demander à Turgeon et à Isabelle.
                Turgeon confirme effectivement que le maire-adjoint s’est présenté; il lui a dit de patienter, qu’on viendrait le voir sous peu.
                -C’est lui là-bas en chemise bleue à manche courtes.
                -Très bien; fais-le venir s’il te plaît.
               
                -Bonjour, je suis Paul Quesnel, chef du poste de la SQ de Papineauville.
                Paul s’adresse à un homme dans la quarantaine, à l’air jovial et bon enfant, plus ou moins rasé, plus ou moins soigné dans sa tenue estivale.
                -Bonjour, monsieur l’agent; mon nom est Claude Parisien, Parisien comme à Paris. Qu’est-ce que vous voulez, c’est comme ça ! Toujours est-il que je suis le maire-adjoint de Lac-aux-Sables; c’est moi qui agit en tant que maire suppléant quand notre maire, monsieur Sauvageau est pas là. Ouais, notre maire est actuellement en vacances. Il fait une croisière… Une croisière en Alaska !
                « On dirait que c’est lui est parti en croisière en Nalaska !, se dit Roxanne.
                -Il prend ses vacances au beau milieu de l’été alors que le village regorge de monde, de touristes, de personnes de passage ?
                -Yes sir ! Il laisse le travail aux autres; et puis, comme on sait, il me fait confiance.
                -Monsieur Parisien, nous allons devoir consulter les registres de la municipalité.
                -Les registres ? Quels registres ? J’comprends pas ! Qu’est-ce que vous cherchez ?
                -On ne sait pas encore, mais on veut voir ce qui s’est passé dans la région il y a, mettons, une quarantaine d’année : les changements, les constructions, les cadastres, les décisions du Conseil… Quels étaient les commerces, et où ils étaient situés. Si on peut trouver des photos de l’époque, ça nous aiderait bien; de photos du village, de la plage, peut-être même des chantiers qu’il y avait.
                -Bon, bon… Il faudra voir Martine Beausoleil, c’est elle qui est la secrétaire de la municipalité, mais si vous me dites ce que vous cherchez, ça ira certainement plus vite.
                -Monsieur Parisien, j’aimerais bien satisfaire votre curiosité, mais pour l’instant, je ne peux rien vous dire. Soyez à l’hôtel-de-ville demain matin, vers 10hrs, avec la secrétaire et quelqu’un viendra faire des recherches.
                -Ok, ça marche, conclut le maire-adjoint en s’étirant le regard le plus possible en direction du lieu de recherches. Mais en attendant qu’est-ce que je vais dire à mon monde ? Tout le monde se pose des questions ? Est-ce qu’il y a eu un accident ?
                -Pour l’instant, vous leur dites de rentrer chez eux ou de vaquer à leurs occupations normales; et de laisser faire la police.
                -Mais… mais… Il faut que je leur dire de quoi !
                -Monsieur Parisien, Parisien comme Paris, en ce moment ce que je peux vous dire, c’est que vous gênez le travail de la police.

                -Inspecteur Quesnel !
C’est la voix de Stéphane Montreuil. Il lui fait signe de loin. C’est la fin de l’après-midi; les arbres font de longues ombres sur le chantier, et, au soulagement de Paul, les gens ont fini par se disperser quelque peu. Il n’y a plus qu’une vingtaine d’irréductibles qui commentent en connaisseurs les opérations. Il a répondu aux questions de Simon-Pierre Courtemanche, le petit journaliste à moustache, lunettes et petit bedon d’une quarantaine d’années, d’Au courant, l’hebdomadaire de la région de l’Outaouais. Il se vante d’avoir 2 000 amis sur son compte Facebook. Paul le connaît bien et sait qu’il fait un travail honnête, mais il est resté un peu étonné de le voir rebondir si vite. Il a vraiment un réseau de contacts très étendu. Il n’a pas voulu trop lui en dire, sachant bien qu’il en déduirait pas mal en interrogeant les gens aux alentours.
-Venez voir; on arrive au but.
Paul et Roxanne s’approchent.
-On a presque fini. On a récolté plusieurs échantillons, des fibres, des fleurs, des pollens, des plumes d’oiseaux… On va tout examiner ça en détail, mais, je vous le dit tout-de-suite, à première vue, il n’y a peut-être rien de concluant.
-Merci; faite pour le mieux.
-On est prêt à retirer, le cadavre, ou du moins le squelette qui en reste.
                -Mais… il est… il était en maillot de bain !
                -Et oui.
                -On va envoyer une équipe de surveillance. J’appelle au poste pour faire venir une équipe qui veillera cette nuit.

-Bon, nous on s’en va; on retourne au poste. Isabelle et Turgeon vous attendez Jasmine et Corriveau; ils arrivent. Bon, je monte avec toi, Roxanne. Et je conduis, si tu veux bien !
-Tu conduis ?... C’est toi le patron, après tout !
-Oui, je réfléchis mieux en conduisant, sinon je regarde trop le paysage et ça me distrait.
Tenant la poignée de la portière, Roxanne réagit à son père :
-C’est nouveau ça !
De l’autre côté de la voiture, Paul lui répond :
-Ça doit être l’âge… comme vous dites, les jeunes, derrière mon dos.
Ignorant la moue que lui fait sa fille, Paul s’installe au volant, démarre et fait faire un demi-tour à la voiture. À peine roulent-ils sur la route, qu’il commence :
« Bon, ce qu’on sait, c’est que l’événement a eu lieu lors de la construction de l’ancienne route, il y a une quarantaine d’années.
-Oui, en 1977. J’ai fait la recherche cet après-midi.
-Bien.
-Et on sait que c’était un vacancier.
                -Ça élimine donc la thèse de l’accident de travail. Il - ou elle - serait tombé dans le trou et il - ou elle - aurait été enterré par mégarde.
                -On va dire que c’est un "il".
                -OK. À première vue, il n’avait pas de traces de sang sur les pierres, sinon Montreuil aurait été plus explicite. On va faire des examens plus poussé mais apparemment du moins il n’y en avait pas et, comme il l’a dit, il ne faut pas s’attendre à des découvertes mirobolantes.
                -Ce que je me dis c’est que qui que c’était, on a dû signaler sa disparition. C’est par là qu’il faut commencer à chercher. Il faut dresser la liste des signalements de personnes disparues de l’année 1977, disons de l’été 1977, dans la région.
-À l’époque ce territoire faisait partie de la juridiction de Saint-Jovite; il faudra y aller voir.
-Si c’était un habitant, on se serait rapidement aperçu de sa disparition et on aurait fait des recherches, ou alors on aurait appelé la police, et ça n’aurait pas pris beaucoup de temps pour le trouver. Même s’il n’était pas du coin, même s’il est venu seul, il a dû venir en voiture, ou faire une réservation. Là aussi il y aurait un signalement. Il était en maillot de bain, sans aucun vêtement; il a dû laissé ses bagages à quelque part. Il faudra trouver les registres des hôtels de ce temps-là. Mettons que ça a pris quelques jours pour qu’on s’en aperçoive à son hôtel. Et même là, il devait venir de quelque part : il serait venu ici sans revenir chez lui. Là encore quelqu’un a dû signaler sa disparition.

                -Mais je ne comprends toujours pas. Ça ne marche pas. Il était en maillot de bain, donc ça a dû se passé durant le jour, ou disons en début de soirée. Ça ne peut pas s’être passé la nuit. On ne va pas se baigner la nuit. Ou alors, si c’était le soir, il aurait mis un chandail et des sandales, ou des souliers. Il n’y a pas de sandale, pas de lunettes de soleil. Donc, ça s’est passé le jour. Il a dû crié, appelé au secours. Même si on était la fin de semaine, quelqu’un aurait fini par l’entendre... Qu’est-ce qu’il y a bien pu se passer ?

lundi 8 février 2016

Les petits enfants
Chapitre 6

-Ah non ! reprend Jean-Jacques Binet en se retournant vers Paul sur le pas de la porte. J'peux pas retourner chez nous ! Il faut que je surveille le chantier !
-La police est là pour ça, non?
-Oui, la police est là pour surveiller le "peuple", mais c'est tout le reste, les ouvriers, la machinerie, qu’il faut que je surveille.
-Je ne comprends pas…
-J’sais bien que vous ne comprenez pas ! Dans un chantier "normal", il y a toujours des imprévus, des choses auxquelles on ne s’attend pas; mais aujourd’hui le chantier n’est pas normal, je ne sais pas ce qui peut arriver…
-À quoi vous pensez, monsieur Binet ? Au vol ? Au vandalisme ?
-Oui, au vol surtout ! C’est l’bordel aujourd’hui et il y en a qui peuvent en profiter, ni vu ni connu, de partir avec du matériel.
-On vous laisse, monsieur Binet, reprend Roxanne. On va faire entre monsieur Valiquette, maintenant.

- Monsieur Valiquette… commence-t-elle après l’avoir prié de s’assoir. Elle a devant elle un homme d’une soixantaine d’année - au moins - en habits de travail, jeans et bottes à pointe d’acier. Il a son casque de travail à la main. Il regarde autour de lui comme pour voir si on lui a rien dérobé, si tout est bien resté en ordre dans son domaine.
-Oui ?
-C'est vous le propriétaire de la compagnie ?
-Oui, c’est moi; pis avant moi, c’était mon père, Antoine Valiquette. C’est lui le fondateur de Construction Valiquette. Il est parti de rien, et puis petit à petit, il a bâti une compagnie solide avec une belle réputation. Quand il a commencé dans les années, c’était la belle époque, pour les entreprises de constructions, comme un âge d’or. Il fallait tracer et construire les routes, parfois des trottoirs, ériger les ponts, creuser les égouts, faire les aqueducs pour les villes qui se bâtissaient. Avant c’était la misère ici, pis ça s’est civilisé un peu. Il fallait construire les édifices municipaux, les écoles, les bureaux de poste, les casernes de pompiers, les postes de police...
-Quand avez-vous pris la succession de votre père ?
-Exactement tente ans, cette année. Il était à la veille de prendre sa retraite, mais là il a fait un AVC. Il n’en est pas mort mais il est resté paralysé, il était pas mal diminué. Il a vite dégénéré. Lui qui avait toujours était super-actif, qui avait toujours travaillé, qui vivait à 200 milles à l’heure, il a pas supporté d’être cloué dans un fauteuil, de rester là à rien faire. Il était plus du monde à la maison et ma mère a dû le placer dans un CHLSD à Montebello; pis il est mort six mois plus tard. C’était une fin bien triste pour un homme comme lui.
-Donc, si je comprends bien il a fait pas mal de contrats un peu partout dans la région. Vous souvenez-vous si c’est lui qui a dirigé premier le chantier de la route de Lac-des-Sables il y a environ quarante ans ?
-Non, mon père n'avez pas eu ce contrat-là…
-Vous avez l’air désappointé...
-Certain que j’suis désappointé ! Mon père aurait bien voulu l’avoir ce contrat-là, mais c’est Morin et frères de Saint-Jovite qui l’a eu. Mais c’était pas juste !
-Pourquoi ?
-C’est vrai que Morin et frères était plus établi et avait plus le moyen, mais après on s’est aperçu qu’ils avaient triché, il avaient manigancé pour avoir les termes du contrat avant; ça leur donnait un avantage sur les nous autres ! Peut-être qu’ils l’auraient eu pareil, mais mon père leur en a voulu longtemps. Quand ils ont fait faillite après, quand le scandale de la corruption a éclaté, mon père a bien ri dans sa barbe.
-Comment avez-vous obtenu ce contrat-là ? Il vous a été octroyé par le Ministère de la voirie, je crois.
-Ben, j’ai soumissionné comme tout le monde; pis Valiquette Construction était le plus bas soumissionnaire pis on l’a eu; c’est comme ça fonctionne; on a pas triché !
-Dites-moi, monsieur Valiquette, j’ai vu en arrivant qu’il y avait pas mal d’ouvriers; qui surveille un chantier comme celui-là ?
-Il y a un contremaître, Jean-Jacques Binet, et puis chaque équipe a un chef d’équipe qui dirige le travail des ouvriers. Pis moi, je suis là tous les jours.
-Donc un contremaître pis des chefs d’équipe. Est-ce que c’est que demande le protocole du Code du travail ?
-Le protocole… Le protocole… Oui, en gros, ça le respecte.
-En gros ?
-En gros… parce que selon le nombre d’ouvriers il faudrait un deuxième contremaître, mais disons qu’on les fait rentrer à des heures différentes, alors on s’en sort…
-Hmm… hmm.
-Oui, pis il faudrait aussi un autre homme pour la circulation des camions, c’est moi qui fait ça en fait; mais disons que c’est surtout exigé dans les grands chantiers; pour le petits chantiers comme celui-là on est plus loose.
-Donc pour des raisons d’économie vous avez un peu transigé sur la sécurité à ce que je comprends…
-Vous avez… tout le monde le fait !
-Monsieur Valiquette, j’ai plus important à m’occuper. On verra ça plus tard. Pour l’instant, je me dis que c’est fort possible que la sécurité ait été désuète lors de la première construction de cette portion de route comme elle est actuellement… Est-ce qu'on peut tomber dans un trou creusé par une excavatrice ?
Raymond Valiquette content de changer de sujet et de s’en sortir à si bon compte, s’empresse de répondre : « Tomber, tomber… oui, ça s’peut, il peut toujours y avoir des accidents; mais rester pris là, je vois bien ce que vous pensez, ça c'est impossible : il y a toujours de la surveillance…
-Même si tout n’est pas toujours fait selon les règles.
-Mais même chez Morin et frères qui étaient pas des enfants de chœur, ça se s’rait jamais passé. Jamais un ouvrier aurait pu tomber pis après ça être enterré sans qu’on s’en aperçoive; c’est impossible !
-Une supposition, monsieur Valiquette : quelqu'un vient le soir sur le chantier, juste pour regarder l’avancée des travaux, juste par curiosité et là il trébuche, il tombe dans le trou, il se casse une jambe et il ne peut plus remonter…
-C’est impossible ! Le matin quand les gars sont rentrés, ils l’auraient entendu, c’est certain.
-Supposons que la personne est tombée sur la tête pis qu’elle est inconsciente ?
-Non, non, ça s’peut pas. J’en ai vu des chantiers dans ma vie, pis j’en ai vu des ouvriers. Jamais quelqu’un aurait bouché un trou sans s’aviser que tout est correct. Pis en plus de ça, chaque matin le chef d’équipe fait le tour pour voir si tout est correct. C’est impossible, j’vous dit !
Paul intervient : « Qu’est-ce que vous allez faire le reste de la journée, monsieur Valiquette ?
-Ben là… Je dois rester ici, c’est certain. J’peux pas rentrer chez nous ! J’vais voir avec Jean-Jacques ce qu’il en pense. Il faut que j’renvoie les hommes chez eux, mais… En fait, savez-vous quand est-ce qu’ils pourront revenir ?
-Donnez-leur congé demain aussi. Probablement qu’ils pourront revenir après-demain, vendredi.
-Un jour de perdu !
-C’est mieux que de perdre tout le contrat, monsieur Valiquette.

-Qu’est-ce que t’en penses ? demande Roxanne à son père une fois la porte refermée derrière le propriétaire.
-Je pense que je suis comme toi : je n’y comprends rien.
-Ça m’aide !
-Sortons; l’équipe de Gatineau devrait bientôt arriver…

Dehors toute une foule compacte de curieux s’est formée autour du lieu de l’accident, des vacanciers pour la plupart en tenue estivale : shorts, gaminets à fleurs, lunettes de soleil et sandales. Tant de monde parle et commente qu’on entend qu’un brouhaha bourdonnant. Paul évalue la foule à près de deux cents personnes.
-Il va falloir écarter tout ce beau monde. Fais agrandir le périmètre de sécurité. Repousse-le à au moins cinquante mètres plus loin.
Avec Turgeon et Isabelle, Roxanne fait reculer la foule; les gens se mettent à protester, à vociférer, à maugréer, à bougonner, et même à invectiver les policières et policiers les accusant de les empêcher de voir, de les priver de leurs droits, de brimer la démocratie. « C’est de la dictature ! » Juste à ce moment arrive l’équipe spécialisée en reconstitution de scènes de crime de Gatineau. Paul les accueille.
-Bonjour, je suis Paul Quesnel, chef du poste de Papineauville.
-Oui, moi c’est Stéphane Montreuil. On est venus tout de suite après votre appel. Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ?
-Venez voir.
Arrivé devant le trou du drame, Stéphane ne peut s’empêcher de laisser échapper un sifflement.
-Ouais, ouais; je vois. Bon, mettons à l’ouvrage. Merci d’avoir fait reculer tous ces curieux.
Il appelle ces hommes : il s’agit de dégager les pierres une à une et les gravats sans déplacer le squelette à moitié sorti et en prenant des photos à chaque étape.
-On en a pour, mettons, pour trois heures… Ça vous va ?

-Parfait.

lundi 1 février 2016

Les petits enfants
Chapitre 5

-Alors, Éric Canuel, vous nous dites que ça fait plus de quinze ans que vous faites ce métier-là ?
-Oui.
L’homme à qui Roxanne pose cette question est en habits de travail : jeans sales, chemise en coton pali, bottes à bouts d’acier. Il tient son casque sur ses genoux en le tapotant. L’un de ses pieds ne peut s’empêcher de sautiller. Comme à son habitude, Paul est resté un peu en retrait. Il n’y a pas beaucoup d’espace dans cette petite habitation roulante, alors il se tient négligemment appuyé sur le rebord de la porte comme s’il regardait dehors.
-Et donc c’est vous qui étiez au volant de la pelle mécanique cette après-midi quand c’est arrivé ?
-Oui, c’est ça.
-Racontez-moi ce qui s’est passé.
-Ben, pas grand-chose... Je sais pas trop quoi vous dire... J’faisais simplement mon travail… Chaque jour on a des tâches à faire, pis on les fait. Depuis quelques jours, je défait le soutènement de l’ancienne route. Déjà les gars, la semaine passée ont enlevé l’asphalte, et moi je dois creuser pour enlever le reste. Il faut plusieurs couches pour faire une route. Ça devait me prendre encore deux ou trois jours pour finir.
-Dites-moi donc comment ça marche exactement ?
-Ben, moi avec ma pelle, je creuse; j’enlève les roches, c’est surtout des blocs de granit, et je transverse ça dans un camion qui les amène; c’est pas très compliqué… Il faut tout enlevé, pis, ensuite une autre équipe vient remonter la route avec son nouveau tracé. Chaque gars a sa spécialité.
-Vous dites que vous mettez les débris dans un camion avec votre pelle, mais il me semble que je n’en ai pas vu…
-C’est vrai... c’est vrai… Ben, j’pense que c’est parce quand on avait fini le matin, le dernier chargement est parti, mais en après-midi, je sais pas pourquoi, mais il avait du retard, alors j’ai commencé sans lui. C’est quand même pas un crime ! Il fallait ben commencer l’ouvrage !
-Bien sûr que non, ce n’est pas un crime… mais il doit bien y avoir un surveillant de chantier, quelqu’un qui prend les décisions ? Vous ne lui avez pas dit que le camion n’était pas encore là ?
-C’est Binet qui est le surveillant; monsieur Valiquette lui, c’est le contracteur.
-Et vous avez commencé sans lui dire, c’est ça…
-Ben… ouais, c’est ça; il fallait que le travail se fasse, pis le camion arrivait pas…
-Monsieur Canuel, énervez-vous pas. Ce que vous faites ou ne faites pas sur le chantier, ça ne concerne pas la police. Racontez-nous la suite.
-Ben là, quand Binet m’a vu, il a commencé à faire des grands signes pour me dire d’arrêter, mais moi, j’ai continué; mais là il me montrer le trou que j’étais en train de faire, pis là j’ai compris que c’était pas à cause du camion qu’il voulait que j’arrête, il y avait autre chose; y était énervé en pas pour rire.
-Ensuite…
-Ben, là j’ai arrêté. Mais j’suis pas descendu tout-de-suite; c’est vrai que j’avais pas vraiment fait ce que j’devais faire. Mais j’ai vu qu’il y avait quelque chose de pas normal. Binet m’a fait signe de pas bouger, pis quand je l’ai vu partir à l’épouvante chercher monsieur Valiquette, j’ai desendu pis j’ai regardé dans le trou que j’avais fait.
-Et qu’est-ce que vous avez vu ?
-Ben, la même chose que vous…
-C’est-à-dire…
-Ben, un maudit squelette, c’t’affaire ! Pis moi j’ai rien à voir avec ça !
Paul alors lui met la main sur l’épaule et lui dit : « On le sait, Éric. Vous allez retourner chez vous, et vous allez vous calmer; mais n’allez nulle part, restez chez vous, parce que ça s’peut bien qu’on ait encore besoin de vous.
Et ouvrant la porte : « Au suivant, de ces messieurs ! »

-Bonjour, vous êtes Jean-Jacques Binet, c’est ça ?
-Oui, c’est moi le surveillant de chantier. Monsieur Valiquette a bien confiance en moi. Ça fait des années que je travaille pour lui.
-C’est quoi votre rôle ?
-Moi rôle ? Voir à ce que tout se passe bien, c’est ça mon rôle ! Il y a toujours quelque chose qui cloche sur un chantier, un camion qui tombe une panne, un ouvrier qui fait une erreur, des fois même un accident ! des livraisons qui ne se rentent pas, c’est un gros stress. Pis même quand ça va bien, il faut voir à bien des choses. On a des échéances à respecter, un budget à rencontrer. Il y a toujours des imprévus : un terrain qui n’est pas comme on pensait, un chargement qui n’est pas conforme, un fournisseur qui fait des histoires… Gérer un chantier, c’est tout un ouvrage ! Il faut que je sois là avant que les hommes arrivent, vers sept heures le matin.
-Est-ce qu’aujourd’hui était une journée comme les autres ?
-Aujourd’hui ? Oui, ça a bien roulé ce matin. Chaque équipe allait à un bon rythme. Pis il y a eu cette histoire entre les deux machinistes.
-Quelle histoire ?
-Ah, c’est juste une histoire d’ancienneté. D’habitude j’ai deux chauffeurs de rétroclaveuses Morrisson et Canuel. Mais Morrisson a été malade pis il n’est pas venu pendant deux jours. C’est pour ça que j’ai demandé à Canuel de faire le déblayage, même si c’est pas son travail d’habitude, pas parce qu’il est incompétent mais parce qu’il a moins d’ancienneté que Morrisson. Mais quand il est revenu il a voulu faire le travail, mais moi j’ai trouvé que Canuel faisait bien ça, mais il l’a pris avec un gros grain d’sel, j’parle de Morrisson. Ça fait qu’au début de l’après-midi, il s’est arrangé avec les chauffeurs pour qu’ils arrivent en retard là où travaillait Canuel, pour le faire ch… excusez mon langage mademoiselle, disons pour le mettre en maudit, pour se r’venger. Pis v’là mon Canuel qui veut pas jouer ce p’tit jeu, pis, pendant que j’étais avec les chauffeurs de camions, le v’là qui commence sans que le camion arrive, c’est quoi cette affaire-là ?? J’ai jamais vu ça ! Il y a toujours ben des limites ! Je cours pour l’avertir; j’me dis que là, il faut qu’ça arrête cette histoire. Ça va faire, mais là en m’approchant j’ai vu quelque chose de bizarre : ça m’a semblé comme un morceau de main qui avait retombé de la pelle. Ça s’pouvait quasiment pas. J’ai tout de suite crié à Éric d’arrêter. Il semblait par comprendre, ou mettons qu’il voulait pas comprendre, il n’en faisait qu’à sa tête. À force de crier, il a fini par arrêter et là j’ai mieux regardé dans le trou qu’il venait de creuser, et en fait il y avait un crâne et des morceaux de squelettes dans le trou ! C’était affreux !
-Qu’est-ce que vous avez fait ensuite ?
-J’savais pas trop quoi faire. C’était épouvantable; je suis parti cherché Raymond pour lui montrer. Les patrons ne sont pas tous comme ça, mais lui il aime marcher autour d’un chantier, c’est son genre.
-Monsieur Binet, vous êtes un homme d’expérience, pis vous êtes un homme plein de bon sens. Qu’est-ce qui a pu se passer, d’après vous ?
-Je l’sais pas…. C’est sûr que ça s’est passé quand on fait la route, à ce moment-là; c’est sûr. La manière que le reste de squelette est pris dans la roche, c’est la seule possibilité; il n’est pas venu tout seul, je vois rien d’autre. Peut-être que quelqu’un est tombé dedans et a été enterré par mégarde, mais ça paraît pas croyable ! C’est quasiment impossible ! Non, c’est impossible ! Il aurait fallu que personne ne le voit pis qu’on le recouvre de pierres. Il y a toujours du monde qui surveille un chantier. Ça s’peut pas que ce soit un accident : on l’aurait vu tout de suite !... J’ai déjà entendu des histoires d’horreur de mafia qui coule des morts dans le béton, mais comme ça, enterré comme ça dans la pierre, je ne l’sais pas; c’est incroyable. C’est tout c’que j’peux dire.

-Retournez chez vous monsieur Binet, et si jamais il vous vient une idée, voici les numéros pour nous rejoindre. De toute façon, c’est possible qu’on fasse encore appel à vous en cours d’enquête.