lundi 26 septembre 2016

Trahisons
Chapitre 17

               
                Le lendemain, dimanche, Roxanne s’est à nouveau retrouvée à l’église, mais dans un contexte complètement différent. Elle se rend au culte du dimanche matin de l’église évangélique de la Réconciliation à Saint-André. En s’habillant elle a hésité; elle y va en mission officielle en tant qu’officière de la Sureté du Québec enquêtant sur la mort suspecte d’une jeune étudiante, donc tout ce qu’il y a de plus sérieux, mais en même si elle veut bien tâter le pouls de ce groupe à demi-sectaire elle ne peut y aller en grand uniforme de police avec insigne et tout; elle déteindra trop et perturbera probablement le déroulement de la rencontre. En même temps elle se soute que venir en simple jeans ne serait pas convenable. Elle décide de mettre une jupe de service (chose rarissime) et un chemisier sans insigne. Elle ne se maquille pas, sauf avec un peu de fond de teint et laisse tomber ses cheveux simplement retenus par des petites barrettes.
                Quand elle arrive sur place, sa première impression est que ce n’est pas du tout même genre d’église que celle de la veille. En arrêtant sa voiture dans le stationnement, elle ne voit ni clocher, ni vitraux, ni portail impressionnant. Le bâtiment en briques rouges ressemble plutôt, de l’extérieur, à une salle communautaire, une salle municipale multifonctionnelle. Sur la pelouse, se trouve un immense panneau qui affiche en néons accrocheurs le nom de l’église qui souhaite la bienvenue à tous. On y indique aussi le nom du pasteur et les coordonnées du site internet. De chaque côté de la porte, d’autres affiches clignotantes. « Le salaire du péché, c’est la mort. Rm 6,23 » « Car Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Jean 3,16 »
Elle reste un peu dans sa voiture à observer les gens qui arrivent. Certains viennent seuls mais la plupart viennent en famille, les parents et les enfants; beaucoup d’enfants, et plusieurs jeunes. Plusieurs personnes ont une Bible à couverture noire sous le bras. Tout le monde est bien mis, bien coiffé, endimanché, les hommes cravaté et les femmes et robes; certaines tenues sont plus décontractées, mais personne vraiment n’est venu en gaminet ou en jeans déchiré au genou. Roxanne se dit que ce choix vestimentaire était finalement le bon. Elle remarque, avec étonnement, un grand nombre de personnes et de familles d’autres origines, des Noirs surtout, d’Haïti ou d’Afrique, comme si tous les immigrants de la région s’étaient donné rendez-vous.
Il y a encore quelques retardataires, mais en entendant la musique, Roxanne se dit que la cérémonie débute. Elle sort de la voiture et s’approche de la porte d’entrée. Elle sait qu’elle n’est pas à sa place, elle se sent vraiment comme un chien dans un jeu de quille. Dans le hall, un homme d’âge mûr l’accueille avec un grand sourire.
-Bonjour ! Bienvenue à l’église chrétienne de la Réconciliation. C’est votre première visite chez nous n’est-ce pas ?
-Oui, en effet.
-Voulez-vous me dire votre nom ? Nous allons vous faire une cocarde avec votre nom comme ça les gens pourront savoir qui vous êtes.
-Écrivez simplement Roxanne; ça suffira.
-Qu’est-ce qui vous amène chez nous ?
-Je… j’ai rencontré votre pasteur Thimothée Bellavance et je suis venue voir.
-Ah ! Bien venez; je vais vous installer avec les invités, au premier rang…
-Non, je ne préfère pas. Je préfèrerais rester en arrière, si c’est possible.
-Pas de problème…
Quelqu’un s’approche d’eux : Émile Vadnais.
-Qu’est-ce que vous faites là vous ? Vous venez mettre le trouble chez nous ! Vous n’êtes pas la bienvenue !
-Qu’est-ce qu’il y a Émile ? Tu connais cette jeune femme ? Vous vous connaissez ?
-Certain que je la connais : même qu’elle est possédée du démon.
-Écoutez, monsieur… (Roxanne lit sur sa cocarde)… Wheeler, c’est vrai que nous nous connaissons : je suis officière de la Sureté du Québec et j’enquête sur le décès de la jeune Joannie Delorme et c’est dans le cadre de mon enquête que je suis ici ce matin. J’ai rencontré le pasteur Bellavance et il a collaboré sans problème à l’enquête; c’est avec son accord que je suis venue. Allez lui demander si vous voulez.
-Elle ne dois pas rentrée dans l’église, elle va y faire entrer diable !
-Calme-toi Émile; si Thimothée est d’accord… D’ailleurs, je vais la surveiller. Acceptez-vous que je vous accompagne.
-Si ça peut aider les choses, ça va.
Roxanne pénètre à l’intérieur à la suite de monsieur Wheeler. Elle est saisit de ce qu’elle voit. La salle de bonne dimension est beaucoup plus aménagée comme une salle de spectacle que comme une église traditionnelle. Roxanne a déjà vu de ces anciens cinémas transformés en salle de culte, mais elle n’y était jamais allée. Des sièges individuels ont remplacés les bancs de bois; l’estrade à remplacé le transept et le chœur; un simple lutrin fait office de chair et surtout l’orgue a disparu au profit d’un groupe de guitares, cuivres et batterie au beau milieu de la scène. Les musiciens jouent à fort volume avec un enthousiasme contagieux. Les paroles du chant sont projetées sur immense écran et les Alléluia, et Gloire à Dieu fusent de tous bords tous côtés. La salle est loin d’être bondée mais la musique et les voix la remplissent entièrement.
-Nous commençons toujours par une période de louanges. Nous avons un bon orchestre, lui dit monsieur Wheeler à mi-voix.
Puis : « Joannie chantait très bien… C’est bien triste. »
La « période de louanges » s’éternise; au bout d’un moment, Roxanne va s’assoir sur un des sièges des dernières rangées. Les chants se succèdent, entrecoupés de séances de prières à haute voix; les gens lèvent les bras ou croisent les mains sur leur poitrine. Il semble à Roxanne que tout le monde parle en même temps et que personne ne porte attention à l’autre. J’espère que Dieu a de bonnes oreilles.
L’un de responsables vient enfin souhaiter la bienvenue à l’assemblée en partageant quelques annonces. Les enfants partent pour rejoindre leurs différents moniteurs et monitrices de l’École du dimanche. On chante un autre chant. La moitié de la foule se lève et danse sur place; l’autre se dandine sur les chaises. Puis l’animateur invite les gens à la préparation personnelle. Débute alors une longue pause plus calme dans laquelle la foule marmonne de façon intelligible.
-C’est la préparation à l’accueil de la Parole de Dieu.
La lecture de Bible faite par des jeunes. Et enfin apparaît le pasteur Bellavance dans un magnifique complet bleu ciel; les projecteurs le suivent jusqu’au lutrin où il pose ses papiers.
Il tourne les yeux vers le ciel :
-Seigneur, merci de la grâce que tu nous fais d’être avec nous; merci, Seigneur, de nous accompagner dans tout ce que nous faisons; merci, Seigneur, d’avoir merci d’avoir fait de nous des disciples, plus que tes disciples, Seigneur, tes amis; c’est un privilège, Seigneur, comme il n’y en a pas d’autre. Seigneur, merci surtout nous avoir donner ta Parole; elle est, Seigneur, la pure vérité et tous temps et tous lieux, pour tous les peuples et pour tous les époques; merci Seigneur de nous offrir l’Esprit-Saint pour nous aider à la lire et la méditer. Seigneur elle est un guide dans nos vies, une lumière sur notre sentier, l’Étoile du matin qui brille, Seigneur, dans la nuit, et même dans la nuit la plus obscure. Là où le péché abonde Seigneur, ta grâce surabonde, et c’est devant toi, Seigneur, tel que je suis sans rien à moi, que je présente. C’est en ton nom, Seigneur, ton nom qui est béni, qui est saint, qui est le seul nom par lequel nous pouvons être sauvé, que nous te prions. Amen.

Le dimanche de Paul a été bien différent, et bien plus reposant en vérité. Juliette est venue le rejoindre en après-midi et ensemble ils sont allés au magnifique Parc national de Plaisance; composé de onze îles dans l’Outaouais, c’est un véritable paradis pour les amoureux de la nature, un endroit de prédilection pour les amateurs de plein air et de beaux points de vue. Un lieu où l’ornithologie la place d’honneur durant les quatre saisons de l’année avec la présence de 230 espèces d’oiseaux. ON peut y observer tant les migrations des canards que des couves de perdrix et même la ponte des tortues. ON y retrouve 26 kilomètres aménagés pour le vélo ou la marche, depuis la rive jusqu’à cinq des îles par des petits ponts que les relient les unes aux autres.
Paul et Juliette ont décidé d’y faire une marche, main dans la main, au coucher du soleil. Ils marchent lentement, contemplant le paysage. Juliette a pris son appareil de photo. Entre deux prises elle se tourne vers Paul :
-Tu as l’air songeur, Paul.
-Ah, c’est cette enquête qui me tracasse. Ce genre d’enquête peut prendre des années à résoudre. Dans le cas d’un crime comme celui-ci, on sait que c’est habituellement quelqu’un de l’entourage de la victime qui l’a commis, 80% des cas; alors ça peut aller vite, la liste des suspects est plus réduite. Mais si c’est un étranger qui l’a commis , quelqu’un qui serait juste passé par là, ou bien quelqu’un à qui elle aurait donné rendez-vous, quelqu’un qu’elle pourrait avoir rencontré sur internet, ça, ça peut prendre du temps; ça peut prendre des années. Mais cette hypothèse ne tient pas bien la route, on n’a rien pour l’étayer. On n’a retrouvé aucun message dans son ordinateur, ni courriel, ni facebook, ni instagram, ni twitter. Peut-être l’aurait-elle rejoint par son téléphone, c’est la seule autre possibilité, mais son téléphone était irrécupérable. Même concrètement, on n’a vraiment rien : pas d’empreinte, pas de traces d’ADN, rien… De plus on ne passe pour ainsi dire jamais sur la route de l’Ancien Moulin et de la Chute Albert depuis la construction de la nouvelle route qui passe au nord du village, de la même façon qu’à Lac-de-Sables. À part les habitants du coin, c’est assez rare.
-Oui…

-Alors, c’est quelqu’un de son entourage qui l’a tuée. C’est tout ce dont on est peu près sûrs et ce n’est vraiment pas beaucoup.

lundi 19 septembre 2016

Trahisons
Chapitre 16

En ce samedi après-midi, l’église catholique Sainte-Madeleine de Ripon est pleine à craquer pour funérailles de Joannie, comme si tout le village s’y était donné rendez-vous. En effet les rues de Ripon sont quasi-désertes ce qui lui donne à cette journée fraîche de l’automne une atmosphère lugubre. Le stationnement déborde et des voitures sont stationnées tout au long des rues avoisinantes. Sans doute aussi bien des gens sont venus des environs : Saint-André, Noyan, Notre-Dame-de-la-Croix… De très nombreux jeunes de l’école secondaire Jules-Chiasson de Lachute sont venus, avec leurs parents ou le plus souvent en petits groupes. Ils se sont mis spontanément sur le côté gauche et en arrière. Pour la plupart d’entre eux c’est certainement la première fois qu’ils entrent dans une église, même pour une simple visite touristique. Ils ne savent pas comment exactement se comporter. Intuitivement, ils essayent de rester en silence, mais leurs nombreuses conversations à voix basse se transforment en une sorte de brouhaha comminatoire. Ils sont assis un peu n’importe comment, comme ils le feraient à la maison, de biais, semi-allongés, les genoux relevés. Plusieurs ont soigné leur tenue, particulièrement les filles, mais d’autres sont simplement en jeans et en chandails. Certains des garçons ont leur casquette vissée sur le crâne. Beaucoup ont leurs téléphones cellulaires en main et surfent fébrilement ou alors gazouillent en direct ce qui se passe ou encore leurs impressions du moment. À qui ? Les voies des réseaux sociaux sont insondables. Un bon nombre de jeunes filles ont les yeux rouges, et certains garçons se forcent sans vouloir le montrer à retenir leurs larmes. S’ils étaient venus simplement par curiosité, ils en prennent plein les émotions. Le fait est là : il y a une morte dans l’église qui emplit tout l’espace et le temps et c’est leur camarade Joannie.
Paul, qui n’est pas en uniforme, est venu accompagné de sa Juliette; elle a posé sa main sur sa cuisse en un geste tout en douceur. Il lui sourit. Il se demande c’était quand la dernière fois qu’il est venu dans une église. À son mariage avec Monique, il y aura trente-cinq ans l’année prochaine... Ah, oui, aussi à la mort de certains collègues, morts en service. Une fois à Montréal et un fois à Longueuil, il y a quelques années. Ça arrive si vite : une folle poursuite, une fusillade, un accident; le plus grave, c’est un assassinat. La mort d’un policier ou d’une policière est toujours un événement difficile, très difficile à vivre et quand il s’agit d’un meurtre, c’est à la limite du supportable. Les policiers savent bien que ça fait partie des risques du métier; le risque zéro ça n’existe pas dans ce métier. On a toujours un peu peur. Et quand ça arrive, la solidarité spontanée, générale et sincère de nombreux corps policiers de partout au pays et même d’ailleurs est essentielle, capitale pour permettre de passer à travers cette épreuve. Paul se dit qu’heureusement, depuis qu’il est responsable du poste de la Sureté du Québec de Papineauville, il n’est rien arrivé. Quelques agents ont été blessés en service, mais rien de trop grave.
Il jette un coup d’œil à Roxanne quelques rangées plus loin; elle-même regarde avec attention les divers groupes de jeunes nerveux, agités, remuants, piaffant. Elle reconnaît Sharon, Cynthia et Carinne assises côte à côte. Mélissa, elle, n’est pas avec elle; elle est plutôt avec ses parents un peu plus vers l’avant. Sylvio Faragón et Timmy Cross sont là aussi, à quelques bancs d’Alexandre Desjardins, et son inséparable Wilfrid. Alors que ce dernier parle, gesticule et semble même faire de l’humour, Alexandre est l’un des rares à exprimer de sa personne la gravité du moment; il est prostré dans un état second reste les yeux fixés en avant sans rien voir. Ils ont certainement dû prendre quelque chose avant de venir ces deux-là.
Roxanne remarque que plusieurs professeurs de l’école sont aussi venus, assis plus vers le centre. Elle reconnaît Pascal Samson, le professeur titulaire de Joannie et madame Tessier, sa professeure de français. Le directeur Le directeur de l’école Raymond Riendeau ne peut demeurer en place tournant continuellement la tête et maugréant du fait que ses élèves sont si turbulents et pestant de ne pouvoir y faire grand-chose..
Toutes les places sont occupées, en bas au parterre, et le jubé déborde. Il y a plein de gens debout en arrière et sur les côtés., en même encore dehors sur le parvis. Dans l’allée centrale a été roulé le cercueil blanc de Joannie; une photo d’elle toute souriante est posée sur le couvercle avec un petit bouquet de rose blanche. Blanc sur blanc, se dit Roxanne, c’est très touchant. Tous les arrangements floraux du salon ont été transportés à l’église et probablement qu’on y en a ajouté plusieurs autres. Sa famille, ses parents et son frère et ses sœurs, ses oncles et tantes sont au premier banc, et tous larmoient et pleurnichent.
                La cérémonie empreinte d’émotions, se poursuit. Mélissa s’est levée et est venue lire quelques mots d’une voix faible; Pascal Samson également a lu un petit texte décrivant Joannie comme « un trésor que nous avons perdu ». L’un des oncles s’avance et prend la parole au nom de la famille.
-Joannie… nous t’avons tellement aimée, car personne ne pouvait s’empêcher de t’aimer… Tu as été pour nous tous, et surtout pour ta famille, un ange sur la terre et maintenant… tu es un ange dans le ciel.
Il se met à bafouiller, puis sa voix se brise. Les gens applaudissent.
Le curé essaye tant bien que mal de ne pas se contenter de banalités; mais a du mal à trouver le ton juste; rien n’est facile.
On a joué et chanté l’Ave Maria de Gounod, Si Dieu existe de Claude Dubois et Prendre un enfant par la main d’Yves Duteil, un chant d’habitude réservé pour les baptêmes. Le curé le prend au bond.
-Plus personne d’entre nous, à commencer par les parents de Joannie ne pourra désormais la prendre par la main, pour lui donner confiance en son pas, pour l’amener au bout du chemin. C’est maintenant Dieu le Père qui la prendra par la main, qui la guidera, qui lui fera faire le tour de son paradis et lui trouvera la plus belle place…
L’émotion monte encore d’un cran. De nombreux sanglots se font entendre bruyamment. Comme par magie, les téléphones cellulaires se sont éteints d’eux-mêmes.
Le prêtre asperge le cercueil d’eau bénite en prononçant la bénédiction finale.
-Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Les plus âgés se signent. Les employés des pompes funèbres transportent le cercueil vers les portes de l’église. Les membres de la famille se lèvent un à un et marchent en arrière; c’est l’un de ses frères qui soutient la mère de Joannie; puis la foule suit en pesant cortège.
                Et soudain, alors que les employés des pompes funèbres ont franchi les portes de l’église, et s’apprête à descendre les quelques marche du perron pour mettre le cercueil de Joannie dans le corbillard qui l’amènera au cimetière, dans un silence d’un indicible recueillement, une voix forte au ton hargneux s’élève :
-Ah ! T’étais là toi, mon tabarnac ! Tout ça c’est à cause de toi, mon écœurant; tu l’as attirée dans ta secte !
                Roxanne allonge le cou. Elle voit le père de Roxanne interpeler et pointer du doigt quelqu’un parmi ceux qui sont restés debout en arrière :
-Va-t-en, maudit chien ! Va-t-en avant que j’te sorte d’ici !
C’est le pasteur Bellavance qui est visé; il reste figé sur place.
Dans le tumulte causé par cet esclandre, ses frères essayent de retenir le père de Joannie. Sa femme essaye de le résonner.
                -Calme-toi, Jean-Jacques ! Calme-toi. Ça sert à rien…
                -Non, j’me calmerai pas ! Va-t-en, j’tai dit ! J’veux pas te voir la face ici !
                Émile Vadnais qui était là aussi avec deux autres hommes probablement des membres de l’église de la Réconciliation, réagissent les premiers : ils entourent leur pasteur et s’éclipsent rapidement par une porte de côté. Roxanne remarque que plusieurs jeunes font partie du groupe; ils sont restés les yeux baissés durant toute l’altercation.
                Les frères et les fils soutiennent le père de Joannie et l’amène jusqu’à la voiture des pompes funèbres montent aussi les autres membres de la famille. Le cortège se met en branle à toute petite vitesse pour le cimetière.
                Il y a environ 700 mètres à faire jusqu’au cimetière. Les gens se mettent à marcher pour s’y rendre. Roxanne s’arrange pour se placer en arrière de Mélissa.
                -Bonjour, Mélissa.
-Ah… Heu… Bonjour.
-Tu te souviens de moi, je suis Roxanne Quesnel-Ayotte, c’est moi qui suis chargée de l’enquête sur la mort de Joannie.
-Est-ce que… est-ce que ça avance ?
-On peut dire que oui. Mais il y a encore tellement de choses que j’ignore de Joannie; et toi tu l’as connaissais beaucoup plus que moi. Accepterais-tu de revenir me voir et de me parler d’elle ? Ça m’aiderait beaucoup, tu sais, dans mon enquête.
                -Je ne sais pas… Il faudrait que je demande à mes parents.
                -Bien sûr. Viens avec eux si tu veux; viens cette semaine, n’importe quel jour, en fin d’après-midi après l’école au poste de police de Papineauville. Tiens, je te donne ma carte avec mon téléphone et mon courriel.
                -Je vais voir… Si vous pensez que ça peut vous être utile.

                -Oui, très utile; je compte vraiment sur toi. Il faut celui qui a fait ça. En passant, c’était très beau ce que tu as dit tout à l’heure… et ça ne devait pas être facile; tu es une jeune fille très courageuse.

lundi 12 septembre 2016

Trahisons
Chapitre 15

                Furtivement, tout en lui posant des questions, Roxanne examine la pièce dans laquelle Émile Vadnais l’a fait entrer : un petit salon mal décoré où le ménage n’est pas fait très souvent, et surtout encombré de quantité de boites en carton posées sur les fauteuils, sur le plancher, sur une petite table basse; dans ce fouillis, il ne reste qu’une seule place de libre sur le divan où s’assoit l’occupant. De façon un peu surprenante, il y a des plantes en pots au bord des fenêtres. La télévision est restée allumée sur une chaîne d’information en continu. Roxanne, qui est restée debout, fait remarquer :
                -Êtes-vous en train de déménager ?
                -Moi ? Ben non !... Les boîtes ? C’est du matériel d’évangélisation envoyé de Montréal pour l’église et qui doit distribuer dans toute la région.
                -Il y en a beaucoup…
                -C’est parce qu’on a la foi ! Il y en a pour toute une année. C’est parce qu’on veut convertir le plus grand nombre de personnes ! Il faut qu’ils rencontrent Jésus. Tout le monde doit faire sa part dans l’évangélisation. Chaque dimanche j’en prends une ou deux boîtes pour en donner aux autres membres. Chacun a sa mission : centres d’achat, rues commerciales, porte à porte… Il y a peu d’ouvriers et la moisson est grande.
                -Dites-moi, monsieur Vadnais, est-ce que vous fumez ?
                -Moi ? Non ! Quand on est chrétien on ne fume pas, on boit avec modération et on ne prend pas de drogue, jamais. Le corps est le temple du Seigneur et il faut le garder digne; et on reste marié pour la vie… avec une femme. Toutes les autres relations sont condamnées par l’Évangile; ce sont des perversions !
-Quand l’avez-vous vue la dernière fois, je veux dire Joannie ?
                -Le dimanche avant; on ne la voyait pas les autres jours. Je sais que c’était dur pour elle de venir, elle me l’avait dit; elle aurait bien voulu venir aux pratiques de chant le samedi, mais ce sont ses parents qui ne voulaient pas. Ils n’étaient pas chrétiens, eux. On priait pour elle et pour la conversion de ses parents. On avait décidé de faire une exception avec elle, elle pouvait chanter avec le groupe le dimanche même si elle n’avait pas pratiqué; elle attrapait vite, et tout le monde aimait ça l’entendre; on lui faisait surtout reprendre les refrains qu’on répète souvent plusieurs fois, pour la gloire de Dieu.
Il se met à battre la mesure :
-Tout est fait pour la gloire de Dieu ! Amen ! Amen ! Tout dépend de ce que tu en fais ! Amen ! Amen !
                -En effet… En parlant des musiciens, il paraît qu’il y avait un certain guitariste, Guillaume, je crois, qui avait commençait à s’intéresser à elle. Est-ce que ça vous dit quelque chose ?
-Guillaume… Guillaime Saint-Amand; c’est un bon garçon, un bon garçon; il joue bien, il a du talent… mais bon, c’était surtout une complicité musicale entre elle et lui; ils s’écoutaient l’un l’autre. Et puis… comment dire, Joannie, c’était pas une fille pour lui; elle était trop bien. Bien sûr, il était chrétien, mais il n’aurait pas su comment la prendre; il était… comment dire, pas assez expérimenté, trop jeune pour elle, trop jeune de caractère je veux dire. Joannie était déjà une adulte.
                -Qu’est-ce que vous voulez dire ?
                -Ah, j’me comprends ! fait Émile Vadnais avec un geste de la main.
                -Si vous vous comprenez, alors expliquez-moi. Qu’est-ce que vous essayez de dire ?
                Son interlocuteur répond avec une certaine virulence :
-Je l’aimais moi cette petite fille-là. C’est pas comme ces imbéciles de petits jeunes qui ne savent rien y faire ! C’était une fille de valeur, et ils ne la méritaient pas ! Tous des p’tits jeunes sans expérience qui ont encore la guidille au nez et la couche aux fesses ! C’est vraiment épouvantable ce qui est arriver !
                -Je suppose que vous pourriez me donner votre emploi du temps de vendredi dernier.
                -Vendredi passé ? Le jour de sa mort…
Émile Vadnais reste quelques instants en silence. Roxanne l’observe.
-J’ai fait ma routine comme d’habitude; le matin j’ai eu une rencontre les responsables de l’accueil avec le pasteur Timothée et ensuite j’ai distribué du matériel évangélique dans quelques rangs de Plaisance et ensuite je suis rentré chez moi… euh non, comme j’étais proche de Papineauville, je suis allé faire mon épicerie et ensuite je suis rentré chez moi.
-Ça fait longtemps que vous habitez ici ?
-Je suis venu de Montréal avec le pasteur Timothée il y a cinq ans; on a trouvé cet appartement… et c’est ça.
-Si je comprends bien, c’est l’église qui paie le loyer ?
-En quelque sorte…
-Et vous, en échange, vous travaillez pour l’église…
-Oui, en quelque sorte…
                -Vous vivez seul ?
                -Oui. Ma famille à moi, c’est l’église. Le Seigneur a dit en Matthieu 19,29 : « Quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle. »
                -Ce que je veux dire c’est que personne ne peut confirmer votre emploi du temps.
                Émile Vadnais se lève brusquement comme un diable sortant de sa boîte.
                -J’ai rien fait à Joanie !! J’vous l’ai déjà dit ! Maudite affaire ! Vous me soupçonnez ? Comment ??... Vous avez aucun droit ! Vous êtes habitée par le diable ! Sortez ! Je veux plus vous parler !
                -Calmez-vous, monsieur Vadnais; n’oubliez pas que je suis officière de police. SI vous me menacez, je serai obligée de vous arrêter.
                -Sortez tout de suite ! Tout de suite ! Je vous menace pas mais j’ai le droit de vous demander de sortir de chez moi. J’aurais jamais du vous permettre de rentrer. Vous… vous êtes habitée par le diable !
                Résolument, il ouvre la porte. Roxanne hésite, mais sentant qu’il est préférable de ne pas envenimer les choses, elle se dirige vers la porte
                -Je m’en vais, monsieur Vadnais; je veux juste vous dire que votre comportement est assez surprenant.
                -C’correct !
                              
                Le surlendemain, samedi, auront lieu les funérailles de Joannie Delorme. Son corps sera exposé au salon funéraire vendredi, le matin, l’après-midi et même le soir. Le matin était réservé à sa seule famille : ses parents, frères et sœurs, ses grands-parents, tous portant le poids d’une tristesse lourde, oncles et tantes, cousins et cousines venus des villages voisins, de Saint-André, de Buckingham, de Laval, de Trois-Rivières, d’Ottawa, essayant de se soutenir les uns les autres le mieux possible, s’étreignant maladroitement à tous moments. Il y avait un grand nombre de bouquets de fleurs tout autour de son cercueil : des roses, des tulipes, des hortensias, des œillets, des delphiniums, des orchidées, des jacinthes, des renoncules et jusqu’à un petit arrangement d’immortelles jaunes. Il se trouvait là plus de fleurs d’amour et de passion que de fleurs de funérailles. De plus, la photo que la famille avait choisie pour les signets la représentait souriante à la vie. On pouvait y lire : « Tu es partie comme tu es venue, et nous, nous t’aimerons toujours. »
L’après-midi a vu défiler quelques amis proches de la famille, mais surtout plusieurs jeunes, ses amies, ses camarades, de son école, qui ont quitté la polyvalente et séché l’après-midi pour être là. Le directeur Raymonde Riendeau n’a pu que se montrer tolérant. Lui-même est venu le soir ainsi que plusieurs des professeurs. Tandis que les garçons avaient des airs assez piteux, les amies de Joannie surtout pleuraient beaucoup. Quand Mélissa est arrivée avec ses parents, hésitante, incertaine de l’attitude à prendre, les yeux humides, un certain malaise s’est installé quelques courts instants. Elle s’est approchée du cercueil les genoux tremblants, soutenue par sa mère. Elle avait longuement regardé le visage de son amie qui restait maintenant figé dans la mort. Elle a serré la main de ses parents machinalement sans pouvoir les regarder dans les yeux. Après une vingtaine de minutes, la famille Lemieux, sans plus, est repartie.
Le soir, des représentants de la Commission scolaire ont également fait leur tour. Étaient venus les collègues de travail, le reste des amis; presque tous le village de Ripon avait défilé. Le maire et les conseillers et les employés municipaux, le gérant du guichet bancaire, le propriétaire de l’épicerie. Tout le monde est venu. Ça n’en finissait plus. Et les parents de Joannie serraient stoïquement ces innombrables mains. Juliette était aussi venu en compagnie de Paul, non pas qu’elle se souvenait de Joannie particulièrement mais pour soutenir la famille éprouvée. Elle avait reconnu quelques-unes des jeunes filles.
Les commentaires se faisaient à voix basse, meublant imparfaitement une atmosphère à demi irréelle.
-Comme elle est belle dans son cercueil.
-On dirait qu’elle va se lever.
-Elle ressemble à un ange.
-J’peux pas croire qu’on la reverra plus !
-Pauvre Joannie !
-Et quand je pense à ses parents…
-Comment est-ce possible ?
-Je ne comprends pas ! Non, je ne comprends juste pas !
-Comment ça a pu arriver ?
-C’est donc épouvantable !
-Ça pourrait arriver à n’importe qui !
-Et la police ? Qu’est-ce qu’elle fait ?

-Pas grand-chose, comme d’habitude…

lundi 5 septembre 2016

Trahisons
Chapitre 14
                Paul jette un coup d’œil rapide à sa fille toujours appuyée sur le mur du fond de son bureau en arrière du pasteur; elle lui fait un rapide signe avec le doigt et le faisant tourner sur lui-même, signifiant à son père de poursuivre l’entretien.
                -Une dernière question, monsieur Bellavance. L’une des piste étudiées pour expliquer la mort de Joannie, est qu’elle aurait pris rendez-vous avec quelqu’un pour… on ne sait pas trop; pour s’enfuir ? pour faire une fugue ? pour s’éloigner quelque temps de ses parents ? L’avez-vous vue ce vendredi de sa mort ? Ou vous aurait-elle contacté ce vendredi-là ?
                -Moi ? Non, bien sûr; je m’attendais à la voir le lendemain samedi pour la répétition de la chorale et des musiciens, mais elle ne s’est pas montrée. Sur le coup, je me suis bien posé la question sur ce qui avait bien pu se passer, mais j’étais loin de penser qu’elle avait disparue, et même qu’elle était mort !
                -Je suppose que vous pourriez nous donner votre emploi du temps de cette journée de vendredi dernier ?
                -Oui, bien sûr. En matinée, je suis allé faire au Centre hospitalier de Buckingham visiter un monsieur André Lacroix; ensuite en après-midi, j’avais une rencontre avec les chargés de l’accueil, à l’église même; et après ça, je suis rentré chez moi; ma femme était là… Et ensuite nos enfants sont arrivés de l’école vers seize heures trente.
                -Ils étaient avec vous toute la soirée ?
                -Bien, on a soupé ensemble, et après je suis monté à mon bureau pour travailler, à l’étage, pour prépare la célébration du dimanche; le texte biblique que je voulais mettre en valeur était le psaume 139 qui raconte la relation intime en l’être humain et Dieu, qui nous connaît mieux que nous-mêmes.
                -Donc pendant, mettons, une heure ou plus personne ne vous a vu ?
                -??.. Votre hypothèse est ridicule; je n’aurais pas pu sortir par la fenêtre, quand même !!
                -Vous avez raison. Dites-moi seulement c’était quand la dernière fois que vous avez eu un contact avec elle, avec Joannis, je veux dire ?
                -On s’était parlé la veille. On avait des choses… des chants à préparer pour samedi.
                -Ça vous dérangerait que je prenne votre téléphone cellulaire pour vérification ?
                -Non, pas du tout.
                Paul prend le téléphone sur son bureau et appelle Stéphane. Puis il dirige vers la porte.
                -Je vous présente l’officière Roxanne Quesnel-Ayotte; elle est chargée de suivre l’enquête. Je vous laisse en sa compagnie, pendant que j’apporte votre téléphone à mon expert en informatique
                -Bonjour, pasteur Bellavance… C’est comme ça qu’il faut vous appeler, je suppose ?
-Oui, c’est très bien.
-Est-ce que je peux vous poser une question ?
                -Oui, bien sûr.
                -Vous qui êtes un homme sensé, qu’est-ce que vous pensez qui a pu se passer ?
                -Je n’en ai aucune idée ! Je suis aussi surpris que tout le monde !
                -Pensez-vous que Joannie ait pu se suicider ?
                -Non, ça me paraît impossible. Elle revivait, elle respirait l’envie de vivre; elle allait devenir chrétienne et elle allait l’annoncer publiquement. Pour elle, c’était une nouvelle vie qui commençait.
                -Alors c’est quelqu’un l’aurait jetée en bas du pont de la Chute Albert ?
                -Je ne sais pas… je ne sais pas quoi dire…
                -Est-ce que ça pourrait être quelqu’un de votre église ?
                -De l’église ?? Non, c’est impossible ! Personne ne pourrait faire ça !
                -Est-ce que ça vous dérangerait si j’allais à l’une de vos célébrations, disons dimanche prochain ?...
                -Heu… Oui… Oui, vous pouvez venir; je n’ai rien à cacher, moi; je vous demanderais juste d’être discrète.
-Merci beaucoup; et merci beaucoup d’être venu nous voir aujourd’hui. Je vais vous raccompagner; je vous demande seulement de rester à notre disposition.
Alors que le pasteur se lève se son siège avec un soupir de soulagement qu’il essaye de dissimuler, Roxanne reprend :
                -Vous avez mentionné plus tôt le nom d’un certain Émile, responsable de l’accueil ou quelque chose comme ça ?
                -Émile Vadnais, oui. C’est de membres les plus fidèles et les plus dévoués de la l’église de la Réconciliation. J’ai entièrement confiance en lui.
                -Je sais; je suis sûre que c’est quelqu’un de très bien, mais comme il a vu évoluer Joannie lui aussi au cours de derniers mois, ça pourrait nous être utile de le rencontrer. Je suppose que vous ne verrez aucun inconvénient à nous laisser ses coordonnées…
               
                Alors que Roxanne raccompagne le pasteur jusqu’à la porte, Paul les y rejoint. Stéphane a eu le temps de prendre le relevé des derniers appels, relevé qu’il tient en main.
                -Monsieur Bellavance !
                -Oui ?...
                -Le relevé des appels de votre téléphone cellulaire nous montre que Joannie vous a appelé… trois, non, quatre durant la semaine avant sa mort. C’est particulier.
                -Oui, elle était très anxieuse; son cheminement vers son conversion et sa confession de foi, elle prenait tout ça très au sérieux et elle avait plusieurs questions.
                -Très bien; vous pouvez y aller monsieur Bellavance; je vous demande seulement de ne pas quitter la région sans nous en avertir.
                -Très bien.
                -Ce serait un délit.
                -Oui, j’ai compris.

                Paul et Roxanne le regarde franchir les doubles portes du poste de police et en descendre les quelques marches; il s’assoit dans sa voiture; il ferme les yeux et reste quelques instants en prière.
-Il est fâché le monsieur.
                -Oui… mais on n’a rien contre lui.
                -Rien n’est clair dans cette histoire; lui aussi nous cache quelque chose !
                -Peut-être; je ne sais pas.
                -Il aurait pu partir et revenir en une heure. C’est juste mais c’est faisable.
                -On va faire venir sa femme ?   
                -Oui, ainsi que cet Émile Vadnais et ce Guillaume Fortin, le musicien.
                -Et il y toujours Mélissa; je veux vérifier comme il faut sa version des faits.
                -Tu y tiens…
               
                -Bien sûr que je me souviens d’elle, une si gentille jeune fille et qui chantait si bien ! Elle voulait devenir chrétienne, elle voulait joindre notre église, elle voulait se donner au Seigneur et son cheminement n’était pas facile, ses parents lui faisaient de la misère; c’est souvent souvent comme ça.
                Roxanne avait devant elle un homme dans la mi-trentaine, bien rasé mais un peu hirsute, habillé avec soin mais sans goût : pantalon à carreaux un peu démodé et chemise à manches longues mi-froissée, mi-repassée. Il parlait avec précipitation en gesticulant beaucoup. Il tenait sa tête légèrement tournée vers la droite et regardait ses interlocuteurs de côté, comme s’il était continuellement sur ses gardes. Sa maison sentait le renfermé et le tabac, mais Roxanne ne pouvait pas voir de tâches jaunes sur ses doigts.
                -Depuis quand faites-vous partie de l’église de la Réconciliation ?
                -Depuis le commencement !  Je suis venu avec Timothée quand on l’a envoyé ici de Montréal pour une nouvelle mission. Avant j’étais membre dans une autre église chrétienne sur la rue Papineau à Montréal mais j’avais besoin de changer d’air, de faire des nouveaux défis. L’église de l’Évangile ouvert marchait bien, c’est sûr, mais il y avait une certaine routine; je trouvais le pasteur Trudel pas assez fervent. Quand j’ai su que Timothé, qui avait été son assistant pendant deux ans, allait commencer une nouvelle mission, j’ai décidé devenir avec lui ! Imaginez ! Un territoire qui ne connaissait pas le Seigneur ! Apporter la Bonne nouvelle du Salut à ceux qui ne la connaissait pas ! C’était excitant ! Les emmener à Jésus et qu’il découvre comme leur Sauveur et Seigneur personnel ! Et c’est ce qu’on fait ici ! Les gens entendent parler de Jésus pour la première fois de leur vie…
                -Monsieur Vadnais, merci de me partager votre enthousiasme, mais parlez-moi de Joannie.
                -Quand je l’ai vue, je l’ai tout de suite aimée, aimée chrétiennement bien sûr ! Comme une sœur dans la foi. Elle avait une vraie pureté en elle, un vrai désir de connaître Dieu. Son âme était pure. Et puis elle chantait comme un ange. C’est Dieu qui l’a mise sur notre chemin. Gloire à son mon merveilleux ! Très vite elle a compris que c’était sa place dans notre église et elle a commencé son chemin pour devenir chrétienne.
-Les vérifications que nous avons faites sur votre téléphone, montrent qu’elle vous appelait souvent, et que vous l’appeliez plusieurs fois pas semaines. Une semaine vous vous êtes parlés … douze fois !
-Oui, elle avait plein de questions; elle avait faim et soif de la Vérité; elle voulait vivre une vraie vie de foi.
-Il y a trois semaines, elle vous a même appelé… à une heure du matin !?
                -Oui ! C’était le début de l’année scolaire et c’était dure pour elle de vire en chrétienne entourée d’infidèles. Je vous le dis, son milieu… ses parents n’appréciaient pas sa décision, elle voulait vraiment, elle voulait devenir une vraie chrétienne et ça ne se passait pas si facilement; elle avait besoin d’encouragements continuellement.
                -Elle n’aurait pas du appeler le pasteur Bellavance pour répondre à ses questions ?
                Roxanne voir quelques gouttes de sueur perler sur le front d’Émile Vadnais.

                -Timothée est toujours très occupé, dit-il brusquement. Et puis on a chacun nos responsabilités, moi je me charge de faire les suivis; il y avait de la confiance entre nous; elle m’aimait beaucoup… Elle voulait se donner au Seigneur.