Cela se passait près d’un lac
Chapitre 13
Après le tour du salon et de la
cuisine, Roxanne entraîne son père à l’étage de la petite maison. En plus
de la salle de bain, à droite au fond du couloir se trouve, on y trouve trois
pièces : une chambre à coucher de bonne taille, un bureau de travail et
une chambre de débarras.
-Commençons par celle-ci. C’est
la plus facile.
Roxanne a déjà ses gants de
caoutchouc; elle ouvre la porte.
-Je te laisse regarder. Je ne
veux pas t’influencer.
Même si une petite fenêtre
laisse entrer un peu du soleil blafard de l’hiver, Paul allume pour mieux voir.
Après un long coup d’œil, il ne peut que constater qu’il ne voit rien de
particulier dans la petite pièce. Il n’y a rien qu’un amoncellement de boîtes
vides ou pleines, deux vieux ordinateurs qui attendent d’être envoyés à la
récupération, et surtout de nombreuses piles de journaux et de vieux magazines;
une planche à repasser est posée dans un coin, avec des raquettes en tous
genres, de tennis et de neige, des roues de vélo, une lampe sur pied
non-branchée.
-Qu’est-ce que je dois voir ?
-Je ne sais pas… Peut-être un
autre cadavre ! Tiens, ça serait intéressant !
Paul sourit et éteint.
-Voici sa chambre maintenant,
dit Roxanne en traversant le couloir
Le lit est encore défait, mais
on peut facilement voir que la dernière fois qu’on l’a occupé, une seule
personne y a couché. Deux petites tables encadrent le lit, une de chaque côté
avec deux fois la même petite lampe en métal argenté. Dans un coin, près de la
fenêtre sud, se trouve une sorte de causeuse que des coussins aux couleurs
vives rendent très invitante. À portée de main : une petite pile de livres
et de revues. Enfin, une armoire stylée à miroir à tiroir occupe une bonne
partie du mur du fond. Le long de la fenêtre, est placée une étagère de plantes
vertes.
-Il faudrait les arroser, se
contente de dire Paul en circulant dans la pièce.
Roxanne s’approche de la commode
et l’ouvre :
-Petit détail intrigant parmi l’ordre évident de cette
chambre : ces deux tiroirs vides, ou vidés.
-Comme si quelqu’un y avait
retirer des affaires ?...
-Oui, probablement; C’est assez rare
que quelqu’un laisse un tiroir de commode vide; généralement, même dans les
tiroirs de trop, on y met un oreiller, ou une couverture, même si c’est pour ne
jamais s’en servir. On arrive toujours à trouver quelque chose à y mettre. Donc,
il aurait vécu avec un autre homme, pendant quelque temps et cet homme l’aurait
quitté, il n’y a pas très longtemps.
-Il n’y a pas de chambre d’amis…
-Peut-être recevait-il ses amis
dans sa propre chambre…
-Mais tu ne m’as dit qu’il avait
des enfants ?
-Oui, un garçon Yves-Éric,
qui vit en Colombie-Britannique, et une fille, Léonie c’est elle
que j’ai rencontrée avec Isabelle. Mais Léonie habite à Ottawa, elle n’a
pas besoin d’une chambre d’ami, et je ne pense que son fils venait souvent le
voir, et quand il le faisait, il devait aller à l’hôtel ou alors chez sa sœur.
-C’est vrai.
Ils sortent de la chambre et
retraversent le couloir.
-Et voici son bureau… avec un
ordinateur, qu’il faudra envoyer à Yannick.
-Ce n’est pas ma juridiction,
mais ça ne fera pas de problème; la mort suspecte a eu lieu sur notre
territoire et on devrait pouvoir l’obtenir pour regarder à l’intérieur.
Il y a un bureau de travail tout
simple, passablement encombrée avec, à nouveau, des revues, des journaux, des
livres, des dossiers.
-C’est ici, dans la poubelle que
j’ai trouvé une lettre adressée au nom de Jasmin Vincelette, l’homme avec qui
il vivait et qui l’aurait quitté récemment; mais tiens-toi bien, c’était un
compte de carte de crédit et je peux te dire que le compte débordait pas mal :
un compte pour plus de 13 000 dollars !
-C’est beaucoup.
-Mais à part ça, je n’ai trouvé
aucun indice qui pourrait nous aider à comprendre où il s’en allait samedi
dernier, à supposer qu’il soit mort samedi soir et qu’on l’ai jeté dans le lac
dans la nuit du samedi au dimanche.
-Et dans la salle de bain ?
-Certainement bien des traces d’ADN
ce Jasmin Vincelette mais c’est l’équipe de prélèvements qui nous le dira.
Paul ouvre la porte de la salle
de bain et jette un coup d’œil : un ensemble de serviettes bleu foncé pend
au support. Au bord de l’évier, se mêlent savon, crème à barbe, désodorisant.
Il ouvre la pharmacie.
-Il ne semble pas qu’il prenait
des médicaments. Je ne vois que des Tylénol et du sirop contre la toux.
Paul et Roxanne redescendent.
Dans l’escalier, Roxanne réfléchit tout haut :
-Je remarque que sans être trop luxueuse, la maison est
convenablement meublée. Les meubles, les objets décoratifs ont été choisis est
disposés avec soin. Regarde, par exemple… sur ce mur de l’escalier, on a une
série de quatre petits tableaux de peintures sur soie… On ne voit pas ça
souvent, mais c’est très bien agencé : les toiles de couleurs chaudes,
jaune, orange, violacé et rouge, alternent avec celles de couleurs froides,
vert, mauve, bleu… C’est très invitant. Si c’est Simon-Pierre Courtemanche qui
les achetés et installés, ça révèle un goût artistique certain.
-Hmm… oui.
-Regarde les meubles aussi; ceux dans haut étaient plutôt
métalliques, mais ceux du rez-de-chaussée sont pour la plupart en bois ou en
teintes de bois. Regarde, d’ici les fauteuils du salon, ils sont dans les coloris
de beige avec des accoudoirs en bois. Et regarde cette petite table en bois
d’acajou sur laquelle sont posées les revues, comme elle s’agence très bien
avec l’ensemble… Hé ! Tu m’écoutes ?
-Répète, répète ce que tu viens de dire…
-Une petite table en acajou sur laquelle sont posées les revues et
qui s’agence très bien avec l’ensemble.
-C’est ça… tu as raison…
-Quoi ?!
Paul prend sa fille par la main.
-Viens voir…
Et l’entraîne dans le salon.
-Qu’est-ce que tu vois sur cette petite table ?
-Des revues… posées là, pêle-mêle… et puis aussi un dessous de
verre qui a l’air d’avoir été ou…
-Tu vas trop loin… Regarde parmi les magazines, il y a Fugues, la revue de la communauté LGBTQ
du Québec, et juste en-dessous, la revue Relations
!
-Et alors…
-Premièrement, on se s’attendrait pas à la trouver ici, mais bon…
c’est surtout, que c’est la revue des jésuites…
-Des jésuites ?!... La communauté…
-Oui, la communauté religieuse à qui appartient le lac dans lequel
a été trouvé le corps de Courtemanche, la communauté à laquelle appartient, ce
frère, Jean-Marc Bouchard, qui a appelé le service d’urgence…
-Hmm… J’aimerais dire que « c’est peut-être un hasard »,
mais tu me reprendrais là-dessus.
-Et tu aurais raison ma belle. On ne peut pas simplement dire que
c’est un hasard sans avoir vérifié… Une autre visite au père Bouchard s’impose,
et aussi une investigation sur tous ceux qui ont séjourné au chalet du lac
Dansereau depuis, mettons les six derniers mois.
-Oui… mais en attendant, nous avons un autre rendez-vous qui nous
attend : Jasmin Vincelette.
-Allons-y. J’appelle mon vis-à-vis pour l’ordinateur et je te
rejoins. Pendant ce temps, tu pourrais aller fureter dehors autour de la maison,
juste pour voir.
C’est par la télévision que Jasmin Vincelette avait appris la mort
de son ex- amant, ex-amoureux, ex-conjoint, ex-compagnon ? Il ne savait pas
trop ce qu’ils avaient été. Amants certainement… Ils s’étaient rencontrés dans
un bar d’Ottawa au cours d’une soirée consacrée à la drague et Simon-Pierre
l’avait invité à terminer la nuit folle chez lui. Une offre qu’on ne peut humainement
absolument pas refuser ! Et Jasmin était resté dans sa vie. Pendant quatre ans.
Quatre ans stables, c’était sans doute un record, mais bon, la vie était ainsi
faite que même les meilleures ont une fin.
Il s’attendait bien à la visite de la police un jour ou l’autre.
Quand il avait vu l’annonce de sa mort – par noyade !, dans un lac perdu des
Laurentides ! Quelle histoire ! – il s’était demandé s’il devait aller trouver
la police de lui-même… et le temps de jongler avec cette idée sans pouvoir se
décider, hier soir le coup de téléphone était venu : les policiers de Papineauville
viendraient le rencontrer chez lui en après-midi. Mais il savait déjà ce qu’il
allait leur dire !
La vérité, tiens !
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