Trahisons
Chapitre 12
Au lendemain de cette réunion au sommet, Paul, en arrivant à
Papineauville pour se rendre au poste de la Sureté du Québec, voit le minaret
de la mosquée qui a été construite par la communauté musulmane, il y a maintenant
cinq ans; et il se souvient que ça avait alors fait tout un débat, un débat
houleux, dans la communauté, lorsque les leader de la communauté avaient déposé
leur demande de construction à la municipalité. Mais le terrain avait été
légalement acheté, et rien n’interdisait la construction d’un lieu de culte
dans ce quartier, malgré toute les protestations. Certains des opposants
avaient prétendu que l’argent qui devait servir à l’achat du terrain puis aux
matériaux de construction, venait de l’Arabie Saoudite, centre névralgique de
l’islam wahabite, qui brime, entre autres, les droits des femmes, mais nul
n’avait pu le prouver formellement. Et même si on avait pu le prouver, la loi
actuelle n’interdit l’utilisation de fonds étrangers dans les affaires internes
d’édification et de construction de bâtiments. En fait, la seule restriction
avait porté sur la hauteur du clocher, du minaret : dans ce secteur semi-commercial
il ne pouvait dépasser l’équivalent de quatre étages.
Paul se souvient avoir rencontrés les responsables de la communauté
musulmane une fois ou deux fois à l’époque. Puis, tout récemment, alors que la
radicalisation des jeunes hommes vers le djihadisme terroriste faisait les
manchettes, notamment avec un attentat qui avait eu lieu à Ottawa, il y avait
envoyé son adjoint, Sylvain Gladu, pour simplement aller voir si tout se
passait bien; et on apparence tout allait bien. Paul se souvient que l’imam qu’il
a rencontré il y a cinq ans disait venir du Pakistan et qu’il ne parlait alors
pas un mot français. Tout juste un peu
d’anglais, je me demande s’il arrive à débrouiller en français aujourd’hui;
mais bon, ces gens-là ont l’air de se tenir tranquilles, et certainement qu’ils
contribuent à l’économie de la région qui en a bien besoin, et moi, je n’ai
rien à leur reprocher. Paul tique encore un peu intérieurement, s’habituera-t-il
jamais ?, quand à l’épicerie il voit une femme, une jeune surtout, qui porte le
voile.
Il a passé la soirée d’hier avec sa Juliette; une soirée écourtée
d’ailleurs à cause de cette réunion d’urgence sur le cas de la mort de Joannie
Lemieux. Il l’a retrouvée chez lui en train de l’attendre, assise au salon à
écouter de la musique classique et lire un livre. Il s’est fait la remarque que
son ex-bibliothécaire garderait l’amour des livres toute sa vie.
-Qu’est-ce tu lis ?
-La nuit de feu de
Éric-Emmanuel Schmitt.
-La nuit de feu ? Qu’est-ce que ça raconte ?...
-L’auteur nous raconte qu’une nuit, pendant une expédition en groupe, il
s’est perdu dans le désert; et là il a eu une expérience mystique très intense.
Il avoue très humblement avoir rencontré Dieu.
-Vraiment ? Ce n’est pas un illuminé ton Carl-Emmanuel ?...
- Éric-Emmanuel Schmitt ! Non, pas du tout; c’est même l’un de
meilleurs écrivains français contemporains. Et toi raconte-moi ta journée;
viens te mettre à table…
Juliette avait préparé un plat de thon à la moutarde et Paul avait
sorti un bouteille d’un rouge fruité de Madère. Il était contre la théorie
voulant qu’avec tu poisson il faut prendre du blanc et du rouge avec de la
viande. Ça ne tient pas debout; ça n’exprime
qu’une méconnaissance crasse de ce que sont les bons vins. Pendant le repas
il lui raconte les derniers développements de l’affaire Joannie Lemieux.
Juliette dit qu’elle ne l’a connaissait pas; elle avait rencontré un grand
nombre de jeunes de la commission scolaire dans son rôle de responsable de l’approvisionnement
des bibliothèques, puis de bibliothécaire-en-chef, mais elle ne se souvenait
pas de l’avoir croiser.
-Tout le monde en parlait dans les rues et jusque dans les moindres
routes de Lac-des-Sables. Les jeunes de Lac-des-Sables fréquentent une autre
polyvalente. Celle de Saint-Jovite, mais ça les affecte quand même.
-Le thon est délicieux.
-Merci Paul.
Ils ne savaient pas trop encore comment employer des mots doux entre
eux, des mots comme « mon amour » ou « ma chérie », alors ils s’appelaient simplement
par leurs prénoms. Ils savaient que ça viendraient; il ne fallait rien
brusquer. Ils avaient chacun une clé de la maison de l’autre pour pouvoir y
aller même en absence de l’autre.
Aujourd’hui, Paul veut régler le cas de Mélissa; sa intervention lors
de la réunion de la veille était tout ce qu’il y a de plus sérieux, ce n’était
pas des paroles en l’air; Roxanne l’avait bien compris. Jusqu’à preuve du
contraire Mélissa était la dernière personne à avoir vu Joannie vivante. Son
histoire était pleine de zones d’ombre. Quel avait été le - vrai - motif de
leur rencontre sur le pont de la Chute Albert ? Était-ce vraiment Joannie qui
avait invité Mélissa ? Pourquoi pas le contraire ? Mélissa aurait pu, elle,
fixer le rendez-vous ? Et pour quelle raison ? Parce que c’était convenu ?
Parce qu’elle voulait la confronter ? Quel avaient été les propos qu’elles
avaient échangés ? Paul aurait bien voulu le savoir. Elles ne pouvaient avoir
simplement discuter tout bonnement de costumes pour la fête de Halloween.
Manigançaient-elles une fugue toutes les deux, plutôt que seulement celle de
Joannie ? Et l’une des deux aurait reculé au dernier moment ? Si c’était
Joannie, Mélissa aurait pu se fâcher et si c’était Mélissa elle-même qui avait
refusé de partir au dernier moment il pourrait y avoir eu une dispute entre les
deux ? Y avait-il un pré-arrangement quelconque entre les deux ? Paul ne
croyait pas au pacte de suicide, mais à une connivence, oui.
L’autre personne qu’il fallait voir, c’est le pasteur de cette église
de la Réconciliation… Non, de la Sanctification.
Jérémie… Non, Timothée Bellavance, c’est ça. Il est indéniable que tous les
témoignages concordent pour montrer que Joannie avait changé depuis, environ
cinq ou six mois, changer à l’école changer de comportement; elle avait arrêté
de prendre des drogues, elle ne buvait plus d’alcool; elle avait changé
vis-à-vis les garçons, elle avait balancé son ancien amoureux; changé avec ses parents
aussi; ça a été radical. Paul fait la moue intérieurement en s’apercevant des
rapprochements qu’il pourrait faire entre… Il
commence à y avoir un peu trop de religieux dans cette histoire. Et tout ça
depuis qu’elle avait commencé à fréquenter cette église. Église évangélique de
la Sanctification. Quand je rencontrerai le pasteur je lui demanderai son
secret pour assagir les gens de cette façon. Comment Joannie s’y était-elle
jointe ? Qui l’avait recrutée ? Avait-elle été endoctrinée ? Est-ce que ça peut
être considéré comme une secte ? Paul avait consulté le site internet; on y
expliquait avec profusion de photos chatoyantes que c’était une église « évangélique
» qui mettait la Bible au centre de la vie; c’est sur la « Parole de Dieu »,
immuable et parfaite, qu’on devait se baser pour prendre toutes les décisions de
nos vies, pour adopter la bonne conduite, dans nos relations avec les autres et
avec Dieu, pour prendre la voie qui mène à la « sanctification », qui est l’état
de plénitude auquel Dieu nous appelle. Paul n’était pas sur d’avoir tout
compris mais un for accent était mis sur les émotions, sur les liens très forts
qui unissent les membre de la communauté, et sur une morale assez stricte.
En arrivant au poste, Jocelyne, lui dit :
-Patron, vous avez un visiteur.
-Pardon ?
-Il y a quelqu’un qui était là de bonne heure ce matin; il était là
quand j’ai ouvert la porte et il veut vous voir.
Paul se retourne à demi et voit un homme dans la trentaine, assis bien
droit, les yeux fermés sur l’une des chaises du hall d’entrés; il a une allure
athlétique, bien peigné, rasé de frais, et sa tenue est impeccable :
souliers cirés, pli au pantalon, chemise repassée, et même une cravate bicolore.
-Il n’a pas demandé à vous parler personnellement, mais il a demandé à
parler « au chef de police ».
-Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre d’urgent ?
-Non, sauf Benoît et Beatriz qui veulent vous faire le rapport de cette
nuit.
-Dis à Gladu de s’en occuper. Est-ce que Roxanne est arrivée ?
-Non pas encore.
Il se dirige vers l’inconnu.
-Bonjour je suis Paul Quesnel; je suis l’officier en chef de ce poste
de police. On m’a dit que vous vouliez me parler.
-Bonjour, monsieur l’officier, nous ne nous connaissons pas. Je suis Timothée
Bellavance; je suis le pasteur de l’église de Sanctification de Saint-André.
J’ai besoin de vous parler.
-Bien, allons dans mon bureau, répond Paul.
Et en repassant devant le poste d’accueil, il glisse à Jocelyne.
-Appelle ma fille tout-de-suite; rejoins-la et dites-lui de venir le
plus tôt possible.
Paul sait qu’il a comme donné la matinée de libre à son équipe, et
peut-être va-t-elle maugréer, mais ceci s’annonce important. Elle comprendra.
-Assoyez-vous monsieur… Voulez-vous uns tasse de café, un thé ?
-Non merci, je veux juste un verre d’eau, s’il vous plaît.
Paul sort et va remplir un verre au distributeur d’eau dans le couloir.
-Voilà; que puis-je pour vous ?
-J’ai appris par les journaux que Joannie Lemieux est morte et
probablement morte de mort violente.
-En effet.
-Je suis bouleversé… C’est abominable, c’est affreux ! Pauvre petite !
Une fille si talentueuse ! Et qui avait tellement à offrir ! Comment une telle
chose peut arriver ? Le monde est vraiment dominé par les forces diaboliques.
Vous savez qu’elle avait joint notre église il y à peine quelques mois…
-Pouvez-vous être le plus précis possible ? Vous souvenez-vous quand
vousl’Avez-vous pour la première fois ?
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