Trahisons
Chapitre 9
-Pour ça, il faudrait demander à Alexandre. Ça marchait plus entre eux autres.
Elle l’a pas dit comme ça, mais c’était clair qu’elle voulait casser. J’la
comprends, parce qu’Alex était devenu un vrai bum. Mais il était fâché vrai.
-Il lui courait partout après elle dans l’école et elle ne voulait plus
rien savoir. Elle avait cassé et c’était fini. Mais lui il était atteint dans
sa dignité de mâle.
-Elle avait même arrêté la pilule.
-Comment sais-tu ça, Cynthia ?
-Une fois en septembre, en début
d’année, on était devant les cases avant d’aller dans nos classes et j’ai pris
la mienne et je lui ai dit comme ça que comme le soir je m’étais endormie trop
tard, ce matin j’avais failli oublier de la prendre. Et elle n’a pas répondu,
elle a juste souri un peu, comme ça. Je lui ai dit : Ça ne t’est jamais
arrivé ? Et elle a juste dit : Je n’en prends plus. J’avais tellement
l’air bête que je ne savais pas quoi répondre.
-Toutes les filles de secondaire
5 prennent la pilule; toutes ! Mais elle, elle avait arrêté.
-Elle n’était plus intéressée
aux garçons ?
-Elle était plus intéressée… à
coucher en tout cas.
-Et avec ses parents ? Est-ce qu’elle vous en parlait ?
-Son père a toujours été
exigeant. Il travaille beaucoup et il veut que ses enfants réussissent; alors
Joannie avait toujours des bonne notes.
-Son père était pas vraiment sévère mais exigeant. Des fois ça lui pesait.
-Les parents sont exigent toujours trop des jeunes; c’est vraiment
n’importe quoi !
-Je me souviens, il y a pas
longtemps, il y a un mois j’pense, je ne sais pas vraiment, elle est restée
sans rien dire toute la journée, comme perdue. Est-ce que ses parents l’avaient
chicanée ? J’sais pas, mais on peut dire que ça n’allait pas. Elle a rien dit
en tout cas.
-Est-ce que c’est fois-là
qu’elle tous des bleus sur les bras ?...
-Non, non; c’est une fois…
-Mais, ces derniers temps on se
parlait plus tellement. Elle ne nous boudait pas mais on savait plus trop
comment la prendre, pis nous autres, on avait pas juste ça à faire. J’pense que
Mélissa lui parlait encore.
-Mais même Mélissa savait plus
quoi lui dire.
-Depuis septembre, est-ce qu’elle
vous parlait de son église ?
-Son église ? Pas vraiment…
-Personne va plus à l’église !
-Non, mais c’est vrai; une fois, je m’en souviens, je l’ai surprise en
train de lire un livre qui s’appelait, Jésus
et moi, ou Mon ami Jésus, quelque
chose comme ça; on était dans l’agora, et elle l’a caché tout de suite sous son
sac, quand je suis arrivée. Ça m’a semblé bizarre; quand je lui ai demandé
c’était quoi, elle est restée vague, elle a dit que c’était rien. C’est sûr
qu’elle voulait pas en parler.
-Peut-être que si elle nous en avait parlé plus ce serait pas arrivé…
-Qu’est-ce qui est arrivé au juste ? Est-ce que c’est vrai qu’elle
s’est suicidée ?
-Pour l’instant, on n’en sait rien. Qu’est-ce que vous en pensez, vous
? Pensez-vous qu’elle aurait pu se suicider ?
-Joannie ? Impossible !
-Impossible, impossible !
-Elle n’a jamais donné d’indices ? Essayez de vous rappeler… C’est très
important.
-Elle n’en a jamais parlé. Ça s’peut pas qu’elle se soit suicidée, ça
s’peut juste pas.
-Mais qu’est-ce qui s’est passé alors ?
-J’ai une dernière question pour vous les filles : aurait-elle eu
des rapports particuliers avec un professeur ou bien un membre du personnel,
par exemple, qui lui aurait fait des avances ?
-Avec un prof ? Non, jamais;
c’était pas le genre à Joannie !
-De toute façon elle était trop
prise avec son Alexandre, pis cette année, elle ne voulait plus rien savoir.
-Alors qu’est-ce qu’il faut en penser ?
-Elles ont dit pas mal de choses.
-Oui… C’est sûr qu’à un moment donné il faudra aller fouiner dans cette
église où elle s’est impliquée.
-Oui; ça c’est sûr. Mais j’attends à la fin; je me la réserve pour le
dessert. Bon, maintenant, au tour d’Alexandre.
Lorsqu’Alexandre Côté-Lamarre entre dans le bureau de la
sous-directrice, il est évident pour Roxanne et son collègue que son état
émotif n’est pas à son meilleur. Il fait montre de grande nervosité, avec même
des signes d’anxiété. Il reste debout à la porte, sa balançant de gauche à
droite.
-Tu peux t’assoir Alexandre, et peux-tu ôter tes écouteurs ? On a
quelques questions à te poser.
Il s’exécute de mauvais gré
-Bon, maintenant, qu’on sait ce
qui est arrivé à Joannie, tu vas me dire toute la vérité, et depuis le début
-J’ai déjà dit la vérité.
-Raconte-moi comment était votre
relation avant cet été.
-C’était ma blonde; c’était moi
qui l’avait approchée. C’était ma première vraie blonde; on se connaissais
depuis longtemps. J’avais peur qu’un des gars de Lachute ou d’Argenteuil la
prenne; ça arrive souvent; les filles sont tannées de nous voir, nous autres
les gars de Ripon, alors elles prennent une chum dans une autre ville.
-Et ça n’arrive pas au gars de
prendre des blondes dans d’autres villes ?
-Euh… des fois; mais moi. je voulais
rester avec elle. Je l’ai invitée à ma fêtes l’été passé, pis après on a
commencé à sortir ensemble. On allait au cinéparc, au club de danse; on était
amis Facebook on avait mis des photos. Tout allait ben.
-Et vous couchiez ensemble…
-Qu’est c’est qu’vous voulez ?
C’est la vie. Tout le monde le fait ! Les filles à partir de quatorze ans elles
veulent; alors nous les gars on est bien obligés de suivre. Pis en plus, elle
avait déjà eu d’autres gars avant moi, André Racicot un grand qui est plus là,
qui habite à Burrough, c’est lui qui l’a eue la première fois ! Il l’a invitée
chez lui, sans prétexte de lui faire un tour sur sa nouvelle moto; il l’a
ramenée, puis là, il se l’ai faite !
-Pis toi là-dedans ?
-Ça, je l’ai appris plus tard.
C’est elle qui me l’a raconté; mais elle m’a dit que Racicot lui avait fait
mal, qu’il l’avait comme forcée, alors elle voulait plus le voir, même pour sa
moto ! C’est comme ça que j’ai eu ma chance.
-Et avec toi, elle ne voulait
plus coucher non plus !
-Pendant un an, c’était parfait;
on a eu du fun... Pis un jour, il y a trois mois, elle m’a dit qu’elle voulait
prendre une pause. Moi j’comprenais pas ! On a continué à se voir mais elle,
elle voulait plus ! On pouvait s’embrasser mais, c’était plus la même chose. Là
j’ai commencé à insisté, je voulais qu’elle se branche…
-Et tu l’as menacée…
-Non, non , je l’ai pas menacée
!! Je lui ai juste mis les points sur les i
pis les barres sur les t ! Je lui ai
juste dit les choses comme qu’elles étaient. Moi j’étais plus capable, je lui
ai dit que j’allais me trouver une autre blonde si c’était comme ça !
-Pis elle t’a dit : Vas-y
donc !
-Là, j’étai en maudit. Vraiment,
j’étais en maudit.
-Alors tu l’as frappée.
-Non !! Je l’ai jamais frappée !
-Non, mais tu as pu lui attraper
le bras ou lui serrer le cou…
Pas de réponse.
-Surtout qu’à ce moment, tu
avais commencé à prendre de la drogue pas mal, pis à voler pas mal pour t’en
procurer ?
-Je l’ai pas tuée.
-Qu’est-ce que tu as fait le
vendredi de sa mort ?
-Je vous l’ai dit. Elle m’avait
dit que c’était fini, alors je suis allé chez elle, et je l’ai vue sortir de
chez elle. Je l’ai suivie, jusqu’au pont et là j’ai vu Mélissa.
-Pourquoi l’avoir suivie ?
Pourquoi ne pas lui avoir parlé comme tu le voulais ? Tu savais que tu avais eu
tort !
-Je savais pas ce que voulais !...
Au fond de moi je savais que c’était fini, mais je l’acceptais pas.
-Tu voulais qu’"elle paye", c’est ça ?
-Je…. Je… Non !!
-N’est-ce pas ce que tu as dit à ton ami Wilfrid ?
-Non ! J’ai jamais dit ça ! C’est lui qui a dit ça ! C’est lui qui
voulait qu’elle paye ! Moi, je voulais juste reprendre avec elle !
-T’es sûr, Alexandre ?
-Ben… oui, je voulais qu’elle paye pour ce qu’elle m’avait fait,
j’voulais me r’venger, mais je voulais pas la tuer, j’vous jure !
-Qu’est-ce que tu lui as fait alors ? Tu l’as pas juste suivie…
-C’est vrai; dès qu’elle est sortie de chez elle, j’ai couru après et
je l’ait attrapée par le bras et j’ai commencé à lui parler. Je luis disais que
ça pouvait pas finir comme ça, que j’allais changer, que j’insisterai plus pour
coucher avec elle…
Sa voix se brise.
-Je l’ai suppliée qu’on revienne ensemble… Alors elle m’a dit qu’on
allait en parler, mais que là elle avait rendez-vous et qu’elle devait y aller.
Elle m’a dit qu’on se parlerait demain, c’est-à-dire samedi. Alors je l’ai
laissée aller.
-Mais tu l’as quand même suivie…
-C’est vrai, je l’ai suivie. Mais quand j’ai vu Mélissa au pont de la
chute Albert, j’suis parti.
-Alexandre, tu nous as déjà menti une fois; pourquoi est-ce qu’il
faudrait qu’on je te crois maintenant ?
-C’est la vérité !
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