Les petits enfants
Chapitre 4
Ce
qu’Isabelle pointe du doigt, c’est une attroupement d’hommes en tenues de
travail qui gesticulent, qui vocifèrent, qui s’engueulent presque. Il est
évident qu’y a de la tension dans l’air. Les policières sont sur leur garde. Par
la radio Paul avait averti les deux jeunes femmes qu’il s’en venait pas très
loin derrière avec Turgeon. En voilà un que Roxanne trouverait bien de son
goût, mais il est bien marié et bien établi. Paul avait aussi fait dire à
l’équipe des homicides spécialisée dans la recherche d’indices de se tenir
prête se disant qu’il en aurait peut-être besoin. Il n’avait pas eu suffisamment
de détails au téléphone et il devait être prêt à toute éventualité.
Alors
que la voiture de police s’arrête, les gyrophares toujours clignotant, le groupe
d travailleurs se calme un peu. Les hommes s’approchent et la voiture est vite
entourée.
-Reculez,
reculez, crie l’un des hommes le seul ne
pas être vêtu d’habits de travail; laissez-les sortir.
-Woowoo
! C’est deux femmes polices !
-Deux
pour le prix d’une !
-Ouais,
on est servis !
-OK !
Arrêtez !
-Bonjour,
je suis l’officière de police Roxanne Quenel-Ayotte et voici Isabelle Dumesnil.
Pouvez-vous nous dire ce qui s’est passé ?
Tous
les hommes ou presque se mettent à parler en même temps.
-Un
seul à la fois, s’il vous plaît !
Roxanne
s’approche de celui qui semble diriger le chantier : « Vous,
racontez-moi ce que vous savez. »
-Bonjour,
madame, peut-être vous me reconnaissez : je suis Raymond Valiquette, c’est
ma compagnie de pavage et d’asphaltage qui a eu le contrat de réfection de la
route; pis en creusant, on a trouvé des ossements : un crâne, un main, pis
un bras, juste en creusant !
-Montrez-moi
ça.
-Venez,
c’est par ici.
Roxanne
et Isabelle suivent Raymond Valiquette. Elles traversent le chantier. Elles
contournent de la machinerie lourde, des pelles mécaniques, des bulldozers; un
peu plus loin, elles remarquent des camions prêts à déverser leur chargement de
pierre. Plus loin des tas de pierre et de terre, des troncs d’arbres abattus
qui attendent probablement d’être embarqués. Elles sont suivies par la
vingtaine d’ouvriers qui échangent clins d’œil concupiscents et coups de coudes
complices.
-C’est
ici, dans cette excavation.
Roxanne
se penche au-dessus d’un trou, peu profond, deux mètres à peine; des pierres,
de la terre sont entassées à côté. Il est
évident qu’ils étaient en train de creuser. Et là, elle voit gisant sur le
sol, dans l’ombre un crâne humain, avec des cheveux, des dents, des orbites
béantes et à côté le squelette d’une main; et dans les remblais, très
probablement un morceau de bras qui dépasse.
-OK,
dit-elle à Isabelle qui jette un coup d’œil à son tour; on éloigne tout le
monde et on isole l’endroit.
Elle
se retourne vers l’entrepreneur : « Bon, monsieur Valiquette, vous
allez nous aidez à éloigner tout le monde. Je ne veux voir personne sur le
chantier.
-Mais
les autres, ils ne peuvent pas travailler ?
-Non,
bien sûr que non ! On s’éloigne et tout-de-suite. Tenez ! Vous pouvez même
renvoyer vos ouvriers pour aujourd’hui, c’est sûr que le travail ne reprendra
pas, sauf celui qui était aux commandes de la pelle mécanique et s’il y a eu
d’autres témoins. Tous les autres s’en vont.
-Mais
vous allez me ruiner ! Ça va retarder les travaux; je dois respecter les
échéances.
Jean-Jacques
Binet intervient :
-Elle
raison, Raymond. Les gars peuvent pas rester icitte. Il faut que la police
fasse son enquête. Pis on va les gêner. Pis c’est pas un jour ou deux qui va
tout chambouler. On est correct dans nos échéanciers. Laisse donc faire la
police Raymond.
-OK,
d’Abord.
Les
deux hommes font le tour en disant aux travailleurs de partir et de se
présenter demain. Les ouvriers qui maugréent non pas tant d’avoir une journée
de congé, mais de manquer la suite des événements et surtout de voir à l’œuvre deux
jolies jeunes femmes comme Roxanne et Isabelle. Plusieurs d’entre eux,
d’ailleurs, ne s’éloignent que ce qu’il est nécessaire et restent à observer la
scène une bonne partie de l’après-midi. Déjà des résidents et des vacanciers,
attirés par les sirènes, les phares, le bruit et le remue-ménage, viennent aussi
fouiner.
Isabelle
est allée chercher le ruban jaune de délimitation de scènes de crime; Roxanne l’aide
à le dérouler et à l’attacher. Au moment où elles finissent de boucler le
périmètre d’enquête, la deuxième voiture, celle de Paul arrive, ce qui provoque
son lot de commentaires et d’exclamations dans le groupe des curieux.
-Roxanne
! Isabelle ! Tout va bien ?
-Oui,
oui, mais viens voir ici; ça m’a l’air d’une bien bizarre d’histoire.
Paul
se penche au-dessus de l’excavation et la contemple longuement le trou ainsi
que les parties du squelette découvertes comme s’ils cherchaient des réponses,
comme si elles allaient lui révéler leur identité, leur mystère, le pourquoi de
leur présence. Quel mystère cachent ces
ossements ? Ou même, quels mystères ? Comment ce squelette a bien pu se
retrouver là-dedans; surtout, que ne devait pas être… Roxanne finit par
dire : « Je suppose qu’il va falloir déblayer tout ça. »
-Oui,
j’ai déjà prévenu l’équipe des homicides de Gatineau. Je vais dire à Turgeon de
les faire venir. Ça devrait prendre à peu près deux heures pour qu’ils arrivent
avec le matériel… En attendant on devrait se mettre à interroger les témoins.
D’après toi, par qui on devrait commencer ?
-On
pourrait y aller par ordre chronologique, par celui qui était aux commandes de
la pelle.
-Oui…
Vas-y, je reste encore un peu et je te rejoins.
Roxanne
se dirige vers les deux maîtres des lieux : Raymond Valiquette et son
contremaître, Jean-Jacques Binet.
-Ça
nous prendrait un local fermé pour faire quelques interrogatoires
préliminaires. Savez-vous où on pourrait s’installer ?
-Vous
n’avez qu’à utiliser les bureaux du chantier; ils sont juste là.
En se
retournant, Jean-Jacques Binet montre du pouce une maison mobile quelque peu à
l’écart vers la gauche dans le boisé. Quelques arbres ont été coupés pour faire
un peu de place et la maison a simplement été roulée à l’abri dans l’espace
dégagé et calée avec des blocs de ciment.
-Ce
sera parfait ! Je vais commencer avec l’homme qui manœuvrait la rétroclaveuse.
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