Cela se passait près d’un lac
Chapitre 7
-Résumons donc la
situation.
À la première heure
matin, Paul a réuni son équipe dans la salle de conférence du poste de la SQ de
Papineauville, pour faire le point sur la mort plus que suspecte du journaliste
Simon-Pierre Courtemanche. Ils sirotent leur café; ils se partagent une boite
de pâtisserie. Il y a là, assis autour de la grande table, qui sa tablette, qui
son portable posé devant eux, sa fille Roxanne, bien sûr, ainsi que les agents
qui ont participé aux recherches : Isabelle Dusmenil et Félix Turgeon,
Sabrina Mila et Benoît Sauriol-Fortier. Paul a aussi demandé à son expert
informatique Yannick Beauregard (Vraiment
un nom prédestiné pour ce qu’il accomplit dans mon équipe, ne pouvait
s’empêcher de se dire Paul à chaque fois); Charles
Gazaille et Victor Petitclerc qui assumaient la garde de la scène du crime
depuis hier soir, seraient aussi mis au courant à leur retour.
-Voilà ce que l’on
sait : le corps de Simon-Pierre Courtemanche a été retrouvé dans le lac Dansereau
aux petites heures du matin par un père jésuite du nom de Jean-Marc Bouchard. Pourquoi
un père jésuite ? Le lac Dansereau est un lac protégé, de même que le boisé de
alentours, ce qui veut dire qu’on ne peut rien construire sur ses berges. Les
jésuites sont seuls à y avoir avoir accès direct car ia construction de leur
chalet des jésuites datant du début du siècle dernier, avant le décret de
protection du lac, ils jouissent donc d’une sorte de droit acquis. D’ailleurs
ils ont été impliquer dans la rédaction de l’accord décrétant la protection
dudit lac. Il reste à démontrer si le père Bouchard… ou un quelconque autre
jésuite, est relié à la mort de Courtemanche. Pour l’instant, ça ne semble
pas être le cas; c’est l’étude des contacts de ce dernier qui nous en apprendra
plus.
Paul jette un coup d’œil autour de lui, prend une
gorgée de café, et poursuit :
-Selon tout probabilité, le corps de Courtemanche
aurait été jeté du haut d’une falaise dans une des baies du lac et il aurait
dérivé jusqu’à l’endroit où le père Bouchard l’a découvert. Voici une vue du
lac…
Sur un signe de son
chef, Yannick allume un projecteur et fait apparaître sur l’écran une vue
aérienne du lac. Paul y pointe un endroit avec le rayon laser.
-Voici où le corps a
été retrouvé, et on n’a pu déceler aucun indice de présence humaine dans les
environs : pas de sentier, pas de traces de pas, rien; et voici la falaise
d’où son corps aurait été jeté dans le lac, à environ neuf cents mètres en
ligne droite. Roxanne, à partir de l’hélicoptère, a eu le temps de prendre des
photos de traces dans la neige sur le promontoire qui surplombe la falaise et
le lac. Voici quelques-unes de de ces prises de vue… voici la meilleure. On
voit les traces de pas de probablement deux hommes qui sortent du boisé puis,
voyez, qui zigzaguent sur le promontoire et on pourrait supposer qu’ils
repartent dans le boisé par où ils sont arrivés. Transportaient-ils un corps et
l’ont-t-ils balancé par-dessus bord ? Très possible. Turgeon et moi nous sommes
allés sur le site même en fin d’après-midi; nous avons dû passer à travers le
boisé…
-Et ça monte pas mal !
-Oui, c’est vrai… on est passé à travers le bois car
il n’y a pas vraiment de sentier; donc on ne sait pas par où les deux hommes
seraient passés. Et rendus en haut, malheureusement nous n’avons pu retrouver
les traces car durant la journée le soleil avait chauffé et toute la neige
avait fondu !
Cette dernière
remarque déclenche plusieurs murmures mi-figue mi-raisin de la part de ses
agents.
-Je sais, c’est
frustrant; il ne nous reste que les photos prises par Roxanne pour notre
enquête. Mais n’allons pas trop vite.
Roxanne intervient alors :
-Oui, n’allons pas trop vite, parce que ce que la
neige nous apprend, par contre, c’est le moment de l’infraction, le moment où
ces deux hommes auraient jeté le corps de Courtemanche à l’eau. Il semblerait
que le corps de Courtemanche a séjournée vingt-quatre heures ou à peu près dans
l’eau, l’autopsie apportera plus de précision; et on sait aussi qu’il a
commencé à neiger sur la région dans la nuit du samedi, et que le matin du
lundi, avant-hier, le jour de la découverte du corps, il ne neigeait plus; donc
le corps aurait été jeté dans le lac dans la nuit de dimanche ou lundi ou
encore au petit matin du lundi; ça ne peut pas avoir eu lieu plus tôt sinon la
neige aurait recouvert les traces.
Autre série de murmures plus approbatifs.
Paul reprend.
-Comme je l’ai dit, le père Bouchard, qui a appelé le
911, ne semble pas impliqué dans cette affaire, mais il ne faut négliger aucune
piste. J’ai fait une visite sommaire du chalet, mais qui ne m’a pas convaincu.
Je vais envoyer une équipe faire une fouille approfondie, pour chercher le
moindre indice, comme par exemple, si on pouvait trouver quelque chose, comme
des empreintes, qui montrerait la présence de Courtemanche au chalet. Sabrina
et Benoît, c’est votre tâche pour aujourd’hui; fouillez partout. Je vous
signerai les avis de perquisition nécessaires.
-OK.
-Si le père Bouchard ne semble pas suspect… Il y un
autre lac juste à côté, le lac Fraser qui se jette dans le lac Dansereau. On a
fait le tour des gens qui habitent autour du lac; en fait il n’y que le côté
est qui est habité; il y a une quinzaine d’habitations, la plupart étant des
chalets d’été. Quatre de ces chalets ont été transformés en maison toutes
saisons. Ça n’a rien donné de convainquant, mais pendant ces visites le nom de
deux énergumènes est souvent revenu, le frères Couture Marc-André et Normand,
dont avaient aussi parlé le père Bouchard, reconnus comme des emmerdeurs de
première catégorie. En gros ils ont hérité du chalet de leur oncle il y a deux
ans. et depuis lors ils prennent un plaisir fou à gâcher la quiétude des lieux
et la paix des autres habitants, notamment avec leurs gros moteurs :
bateau, camions, motoneiges, à presque toute heure du jour et de la nuit. C’est
vrai que par leur style de vie, ils ne cadrent pas du tout avec
l’environnement. Quand je suis allé chez eux, je n’ai vu que Normand mais là
encore, je crois qu’une visite plus fouillée des lieux s’impose. Je ne serais
pas étonné d’apprendre qu’ils travaillent au noir par exemple, ou qu’ils fricottent
dans la petite criminalité, ou qu’ils soient mêlés à du trafic plus ou moins
licite, ou même que dans leur sous-sol on trouve une plantation de cannabis ou
quelque chose du genre. Je vais y retourner aujourd’hui. Turgeon, tu viendras
avec moi; mais avant tu vas chercher tout ce que tu peux trouver sur eux; peut-être
qu’ils sont déjà dans nos fichiers à quelque part. Ou alors cherche dans la
juridiction de leur résidence principale.
-Très bien, chef.
-Deux autres éléments importants. Il y a quelques
semaines, Courtemanche m’avait confié qu’il était sur un « coup
fumant », c’est le mot qu’il a employé, une affaire « qui allait
faire du bruit ». Est-ce que c’est en lien avec sa mort ? C’est possible.
Mais il faut aller à son bureau, fouiller toutes ses notes, son agenda; il
prenait beaucoup de notes à la main, mais il faudra aussi farfouiller dans
ordinateur. C’est un travail pour toi Yannick; je te signerai les autorisations
pour faire main basse sur ses ordinateurs. Toi Benoît, tu vas à son bureau avec
lui et tu fouilles dans tous les recoins; tu interroges tout le monde, tous ses
collègues, surtout les anciens, ceux qui sont le plus proches de lui, qui le
connaîtraient le mieux. Je veux savoir ce qu’il cherchait et qui a peut-être
causé sa mort.
-Ça marche !
-Personnellement, j’ai toujours apprécié Simon-Pierre
Courtemanche. Et la plupart d’entre nous étions capables de l’apprécier; il n’était
pas une fouille-merde. C’était un gars sympathique qui faisait son travail avec
honnêteté, avec intégrité. On pourrait presque dire que « tout le monde aimait
Simon-Pierre »… Mais il semble bien que quelqu’un lui voulait du mal. Ça m’attriste.
Pendant un long silence, les uns et les autres se regardent
en approuvant.
-Enfin, il a disparu pendant presque deux jours et personne
n’a signalé sa disparition ! Au début ça m’a semblé étrange, mais en fait, il
vivait seul, et au bureau, lundi, il avait une journée de congé donc personne
ne pouvait s’inquiéter avant mardi de ne pas le voir. Les registres d’état
civil nous apprennent qu’il a déjà été marié et qu’il a deux grands enfants, un
garçon et une fille dans la trentaine. Il faut aller les avertir et enquêter
auprès d’eux, un travail pour toi Roxanne; vas-y avec Isabelle...
-Entendu.
-Tiens, j’y pense : cherchez aussi s’il avait une
nouvelle flamme cachée quelque part; et aussi, allez voir du côté de son ex, on
ne sait jamais.
-C’est vrai.
-Et finalement la voiture.
Sur un petit signe de son père, Roxanne reprend la parole.
-Sur le chemin du retour, après avoir survolé le lac
et avoir pris des photos des traces dans la neige, avec l’hélicoptère, avant qu’il
ne reparte pour Gatineau, on fait des grandes spirales à partir du lac Dansereau.
On a été chanceux : en a peine une heure, on a retrouvé véhicule de
Courtemanche, à vingt kilomètres de là. Il se trouve dans un petit sentier qui
ne mène nulle part, mais il a pu être déplacé. Il faudrait aller voir et le fouiller,
de même qu’aller le chercher. Il ne peut rester là.
-Oui... Ça va nous prendre plus de monde… Charles et
Victor auront leur nuit dans le corps; ils doivent rentrer chez eux... Sabrina
et Benoît, vous prendrez Dufresne avec vous pour garder le périmètre de
sécurité. Et d’un autre côté, je vais demander à Jean-Daniel d’aller chercher
la voiture de Courtemanche avec la remorqueuse. Roxanne, indique-lui l’emplacement
exacte.
-Il ne restera plus grand monde au poste.
-Oui… en effet… mais
c’est comme ça; espérons qu’il n’y aura pas une révolution à la polyvalente. On
devra limiter les patrouilles; les maniaques de vitesse auront une journée pour s’en
donner à cœur joie.
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