lundi 7 décembre 2015

Les flammes de l’enfer


18


Paul fronce les sourcils, ferme les yeux; il cherche.
-Quelqu’un a mentionné ce nom de Trudel, j’en suis sûr; mais qui ? et où ? et quand ? Ah, c’est rageant !
-Moi ça ne me dit rien… On pourrait consulter la liste des employés du parc, ça pourrait aider, suggère Roxanne.
-Oui, c’est une idée.
Olivier intervient : « Patron, je pense à quelque chose : ce n’était pas un des clients qu’on a interrogés la première fois, le jour du drame, ceux qui avaient un casier judiciaire ?
-Non… non…
Paul bondit de son siège et se met à arpenter son bureau.
-Mais oui, c’est ça!! C’est ça le lien ! Oui, tu as raison, c’est là que son nom est apparu ! Rappelle-toi, Olivier. Parmi les hommes qu’on a interrogés, en fait il y avait cinq hommes et une femme, il y en a un qui était venu accompagné de deux frères, les deux frères Trudel, tu te souviens ? Oui, les deux frères Trudel. Il a dit qu’ils avaient passé la journée à pêcher sur le lac et qu’ils avaient vaguement vu la fumée qui sortait des arbres, et aussi entendu des cris ou quelque chose du genre. Ce n’est qu’en accostant qu’ils auraient appris ce qui s’était passé. Ils n’étaient venus que pour la fin de semaine. C’était qui ? Retrouve-moi la liste de ces six personnes, vite ! Ou mieux, demande à Turgeon de venir avec la liste, c’est lui qui a fait la recherche  quand on est arrivés sur les lieux la première fois. Et si ça ne suffit pas, on téléphonera au Parc Natura pour avoir la liste complète des clients de cette dernière semaine. Il faut retrouver ces Trudel.
-Bien, patron; je m’y mets tout de suite.
-OK, papa, pendant qu’Olivier gratte cette piste, moi je vais quand même fouiller le dossier des jeunes qui avaient été interrogés il y a huit ans. Ça pourrait donner quelque chose d’intéressant. On ne sait jamais; il se pourrait que l’un, ou deux, d’entre eux aient voulu se venger. Accusés injustement, ils auraient voulu que le vrai coupable paye pour ses crimes; et comme la justice n’a rien fait, comme la police n’a arrêté personne, ils auront voulu  se faire justice eux-mêmes.
-Oui, tu as raison; ce n’est pas impossible. Vérifie aussi si l’un ou l’autre de ces noms se retrouve dans liste des clients inscrits au Parc Natura ces jours derniers. Remonte même au début de la saison. Ou alors dans la liste des employés, comme tu en as parlé tout à l’heure. On peut présumer sans trop se tromper qu’il y a de bonnes chances que le ou les coupables étaient déjà sur place, parmi les employés ou la clientèle. Il faut que quelqu’un ait mis le feu au chalet, puisqu’on sait que ce ne pouvait pas être accidentel.
-Et c’est difficile de déclencher un feu à distance.
-C’est bien tout ça; c’est très bien. On avance. On n’a encore rien de définitif, mais ce sont deux bonnes pistes, intéressantes.
-Sans compter les descendants Dagenais qui ont peut-être découvert l’entourloupette de la borne d’arpentage.
-Alors, trois bonnes pistes. Finalement, peut-être que ce Sansregret est moins impliqué qu’on le croit. Bon, je vous retiens une petite heure de plus aujourd’hui et après ça, je vous libère.
Et moi j’ai toujours ce rapport sur Olivier à terminer; il faut que je l’envoie demain au plus tard. Allons, je vais essayer de finir ça ce soir parce que demain risque d’être une journée passablement chargée.

Le lendemain, une certaine fébrilité était évidente dans la poste de Sureté du Québec de Papineauville.
-Tout d’abord, patron, il n’y avait aucun Trudel dans la liste des clients des dernières semaines. Ça ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas là.
-C’est vrai.
-Ce que j’ai obtenu, c’est la liste des réservations, c’est-à-dire où apparaissent les noms de toutes les personnes qui ont fait les réservations depuis le début de la saison; pas de Trudel. Parfois, le nom de la carte de crédit qui servit à payer pouvait différer de celui de la réservation, mais là non plus il n’y a pas de Trudel.
-Au moins, c’est clair.
-Et maintenant, les personnes qu’on a interrogées le premier jour, celles avec un casier judiciaire.
-Attend ! Donne-moi les noms dans l’ordre des interrogatoires que nous avons effectués; et un par un, ça va m’aider à me souvenir de ce qui s’est passé.
-La première, c’était Katia Frigon, condamnée pour fabrication de faux.
-Non, je m’en souviens, ce n’est pas la femme qui a parlé des frères Trudel.
-Ensuite Daniel Pomerleau, accusé pour vol à main armé.
-Ouais…
-Le troisième, c’était Benjamin Morissette accusé de trafic de drogue.
-Oui; il est maintenant un honnête citoyen; il était marié avec des enfants, il me semble.
-Puis Bernard Chicoine, accusé de violence conjugale...
-Continue.
-Ensuite Guy Chevalier, pour tentative d’extorsion.
-OK.
-Et le dernier Norbert Eaggleton, accusé d’attentat à la pudeur.
-Oui, c’est bien ça. Alors ton avis Olivier ?
-D’après moi, c’est Daniel Pomerleau.
-Tu as raison; son histoire de pêche toute la journée se tenait, mais à part eux trois, il n’y avait pas de témoin.
Roxanne qui n’avait rien dit manifeste son admiration : « Bravo, Olivier ! C’est excellent ! Tu as plus avancé que moi.
-Grand merci, Olivier. Tu sais… si jamais tu cherches un poste quand tu auras fini tes études, tu m’appelleras.
C’est ce que j’ai mis dans mon rapport.
-Merci parton. C’est vraiment gentil de votre part.
-Et toi Roxanne, qu’est-ce que ça a donné ?
-Ah, pas grand-chose. La piste Dagenais qui ne donnera probablement rien. Des descendants du père, deux des fils ont abandonné la ferme et ils sont partis vivre en ville, tous les deux à Montréal. L’un travaille comme chauffeur d’autobus et l’autre comme gérant d’épicerie. L’autre est resté à Noyan; il travaille à la station-service. Je vais le voir ce matin, mais aucun Dagenais n’apparaît dans la liste de la clientèle du Parc Natura.
-Et les propriétaires de maisons incendiées ?
-La piste des propriétaires ne donnera peut-être rien non plus. Les recherches sont un peu plus compliquées. Très peu d’entre eux habitent dans la région. Parfois le terrain a été vendu, ou alors ce sont les enfants qui en ont hérité. Ca prendra plus de temps. Je pense que je vais déléguer ces recherches.
-Oui, tu as raison; demande à Isabelle ou à Turgeon.
-Ou peut-être à Olivier !
-Mais c’est son dernier jour de travail !
-Ca ne fait patron; maintenant que j’ai commencé, je sais à peu près où chercher.
-Bon, très bien alors; mais en fin d’après-midi on te fait une petite fête, alors.
-Si vous voulez.
-Bon, on continue ce matin. Toi Roxanne, tu vas voir ce fils Dagenais.
-Et toi ?
-Moi, je me réserve une surprise !
-On peut savoir laquelle ?
-Je vais à Gatineau voir le pasteur Doyon.


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