lundi 25 septembre 2017

Un lieu de repos
Chapitre 21

                Ce matin-là en se rendant au travail au poste de la Sureté du Québec de Papineauville, Paul Quesnel ne pensait pas y retrouver un visage familier.
                -Tiens !? Simon-Pierre Courtemanche ! Mon journaliste préféré ! Ne me dis pas que tu m’attendais ?
                Paul s’adresse par un petit homme qui porte des petites lunettes cerclées de fer, moustachu et bedonnant d’une quarantaine d’années, Simon-Pierre Courtemanche. Depuis toujours, il est journaliste des faits divers d’Au courant, l’hebdomadaire de la région de l’Outaouais. En fait, pour un hebdomadaire régional, les « faits divers » recouvrent tout autant la vie politique, judiciaire et celle de groupes sociaux comme les Chevaliers de Colomb et le Cercle des fermières tout autant que l’inauguration de nouveaux établissements commerciaux ou que les désastres naturels. Paul le connaît bien; il sait qu’il est doué d’un bon sens de l’intuition; et surtout Paul considère sait être discret, jamais envahissant, et qu’il fait son travail honnêtement, cherchant autant que possible à bien informer son public sans pour cela harceler outre-mesure les autorités. Simon-Pierre Courtemanche est aussi un passionné des réseaux sociaux. Il se vante d’avoir 2 000 amis sur son compte Facebook, « plus que n’importe quel maire de la région. »
                -Et bien oui justement, j’aurai quelques petites questions pour vous…
                -Et quel bon vent t’amène ? Il me semble que tu te fais rare ces temps-ci…
                -C’est vrai; je n’peux pas vous en parler trop, mais je suis sur un coup fumant, un reportage qui va faire du bruit, je vous le garantis. Et c’est pour bientôt !
                -En attendant, qu’est-ce que je peux faire pour toi ce maint ?
                Simon-Pierre Courtemanche n’hésite pas une seconde, sa question était visiblement déjà prête.
                -Est-ce que c’est vrai que vous embarquez les bonnes sœurs asteure ?
                Paul ne s’attendait pas à cette question. Il réfléchit durant deux secondes.
                -Comment tu sais ça d’abord ?
                -Voyons, monsieur le directeur, vous savez bien que dans mon métier, il s’agit de tout savoir… mais, je peux bien vous le dire à vous : j’ai des bons informateurs. Alors, c’est vrai ou c’est pas vrai ?
                -C’est vrai. Hier soir, j’ai demandé à sœur Gisèle Saint-Germain de la communauté des Saints-Noms-de-Marie-et-de-Jésus de nous suivre au poste; c’est relié, comme tu peux t’en douter, à cette affaire des deux morts suspectes retrouvées sur le terrain de la communauté à Plaisance.
                -Est-ce qu’elle considérée comme suspecte ?
                -Non; elle est accusée de faux témoignage et d’entrave à la justice. Elle devrait comparaître aujourd’hui au Palais de justice de Gatineau et devrait vraisemblablement être relâchée sous certaines conditions. Tu sais comment ça marche.
                -Est-ce que vous projetez d’arrêter d’autres sœurs de la communauté.
                -Non, pas pour l’instant.
                -Et avez-vous des pistes qui pourrez vous mener à la résolution de cette affaire ?
                -Il y a plusieurs pistes, en effet, que nous devons vérifier, mais ce ne sont que des suppositions. Mais l’une d’elle, comme tu le sais, nous a menés dans la ville de Granby, en Estrie.
                -Et là-bas, à Granby, avez-vous aussi procédé à une arrestation ?
                -Heu… Oui, en effet; suite à différents témoignages, nous avons aussi procédé à la mise accusation d’une autre personne, et pour le même motif : faux témoignage et entrave à la justice.
                -Une autre religieuse ?
                -Plutôt un autre religieux.
                -Il semblerait bien que tous les religieux sont des menteurs.
                -Simon-Pierre Courtemanche ! Je t’interdis d’émettre de tels commentaires ! Ça ne te ressemble pas.
                -Bon, bon. OK… je retire ce que j’ai dit, votre honneur.
                -Bon, maintenant, tu vas m’excuser mais je dois aller commencer ma journée qui va certainement être bien occupée.

                À Granby aussi la journée a commencé tôt. Dès huit heures du matin, Roxanne se retrouve dans le bureau de Miguel del Potro, le directeur-adjoint, autour d’une tasse de café, pour faire le point. La veille, ils avaient récolté la déposition d’Honoré Lépine, le sous-directeur du Collège des garçons, qui soutenait formellement que son directeur Jean-Yves Galarneau était absent le soir des deux morts suspectes à Plaisance.
                -Vous savez, avait-il ajouté à la toute fin, toute cette histoire de poursuite et de procédures judiciaires nous a passablement affectés. Tout le monde est sur les nerfs au collège, la direction, les professeurs, le personnel; et bien sûr les autres frères de la communauté qui nous en veulent énormément, à cause de cette somme énorme qu’il faudra payer. Depuis deux ans, Jean-Yves Galarneau a mis beaucoup d’énergie dans cette histoire; il est vraiment à bout. Ménagez-le si vous pouvez Mais ce n’est pas une raison de mentir ! Je veux que la vérité se fasse. Je sais que de nos jours les religieux n’ont pas bonne réputation dans le public, mais moi je suis honnête. Je ne sais pas si frère Jean-Yves est relié d’une quelconque façon aux morts de Plaisance, mais on doit découvrir la vérité.
                Ils avaient cependant gardé en détention préventive pour la nuit, le directeur même du collège : le témoignage d’Honoré Lépine avait été corroboré par celui de sœur Gisèle de Plaisance, il était bel et bien à Plaisance le soir des morts suspectes de Madeleine Chaput et Antoine Meilleur; et il était devenu le suspect numéro un. Ainsi, ce matin, Miguel et Roxanne, préparaient l’interrogatoire.
                Toujours hier soir, après le départ du sous-directeur, la question du séjour de Roxanne s’était posée.
                -Tu peux venir chez moi si tu veux. Tu pourrais rencontrer mes parents.
-Tu habites chez tes parents ?
-En fait, c’est plutôt mes parents qui habitent chez moi. J’ai acheté une maison sur la rue Fairmount, de l’autre côté de la ville, il y a trois ans. En fait c’était l’ancienne résidence du pasteur de l’église anglophone de l’Église unie, mais ça fait de nombreuses années qu’elle n’est plus utilisée. L’église l’a louée pendant des années, mais elle a été mise en vente et je l’ai achetée. La maison avait besoin de pas mal de rénovations, mais mon père est assez bon bricoleur pour s’en occuper. Mes parents vivent au sous-sol qui a été transformé en logement. Ils adorent cet arrangement; ils disent que comme ça, ils pourront ainsi voir leurs petits-enfants tous les jours… quand j’en aurai.
Miguel avait laissé partir un petit rire franc.
-Mais ça n’a pas l’air d’être pour tout de suite. Viens les voir, ça leur fera plaisir.
-C’est gentil mais je préfère aller à l’hôtel… J’enverrai la note à mon père.
Roxanne rit à son tour.
-Je ne peux te laisser l’appartement de service car il est déjà occupé.
-Non, non; l’hôtel ira très bien. Mais j’ai besoin de m’acheter des objets de première nécessité. Je n’ai même pas de linge de rechange !
-On peut aller chez Jean Coutu, ou alors chez Walmart qui… ferme dans quinze minutes !
-Tu vas chez Walmart toi ?
-Non, pas souvent ! Mais là, c’est un cas de force majeure. Prenons ma voiture !
En effet, Roxanne avait trouvé tout ce dont elle avait besoin au géant américain de la surconsommation : brosse à dent, dentifrice, pyjama et petite culotte; elle avait aussi pris une bouse supplémentaire. Puis Miguel l’avait conduite au Motel Maska. Ils s’étaient dit bonsoir en se souriant.
Roxanne avait bien dormi dans un lit trop mou, même si ça lui avait pris un peu de temps pour s’endormir; pourtant ça avait été une longue journée.

Ce matin, Miguel est revenu la chercher. Ils sont en compagnie de Sébastien Geiser, l’officier qui était de garde la nuit dernière. Il leur explique :
-Oui, comme je vous le dis, très tôt, c’était juste après six heures, il a demandé à faire un coup de téléphone.
-Ça c’est vraiment embêtant…
-Il avait le droit; il n’y avait rien de noté à son dossier.
-C’est vrai, je ne l’ai pas spécifié hier soir ! Je ne sais pas où j’avais la tête !
-Ce n’est pas grave Miguel; ne te sens pas coupable.
-C’est ma faute ! Et tu ne sais pas à qui il a téléphoné, Sébastien ?
-Non, il n’a rien dit. Et nous n’avons pas le droit de récolter ces informations sans une directive d’un juge.
-Je le sais…
-Je peux juste dire que ça a duré une bonne quinzaine de minutes; et que ce n’était pas son avocat.
Roxanne intervient :
-Il a peut-être téléphoné à sœur Gisèle…
-Oui, c’est possible…. Ah ! ce que je m’en veux !
-Arrête de culpabiliser ! C’est fait, c’est fait !
Roxanne reprend : « Je crois qu’on devrait téléphoner à mon père pour lui demander ce qu’il en pense. »
-Oui, c’est vrai; il pourra nous aider pour la suite des événements.
-Il faut que Galarneau nous dise exactement ce qu’il a fait à Plaisance…
-Oui, et s’il peut prouver qu’il n’y est pas resté pour la nuit.
-Je pense à quelque chose : je pense qu’on devrait essayer de mettre mon père en écoute.

-Bonne idée ! Ce doit être faisable. J’appelle William mon technicien. Je reviens tout de suite. 

lundi 18 septembre 2017

Un lieu de repos
Chapitre 20

                Pendant quelques secondes, Paul reste silencieux devant cette surprenante affirmation que vient d’émettre son interlocutrice, sœur Gisèle, laissant le temps suspendre son vol; il prend ces secondes pour soupeser toutes les implications de ces quelques mots, mais aussi pour jauger le comportement de cette femme sûre d’elle et si maîtresse de ces émotions qui lui fait face.
                Il reprend d’un ton tranquille, mais on ne peut plus ferme.
                -Vous voulez me faire croire que, sachant que son ennemi juré était à quelques mètres de lui, monsieur Galarneau s’en est tout bonnement reparti chez lui à Granby, à 200 kilomètres comme si de rien n’était ?
                -Oui, c’est ça…
                -Sœur Gisèle, vous m’avez menti presque depuis le début et vous voulez que je maintenant sur un point aussi capital il faudrait que je vous crois sur parole ?
                -Je dis la vérité… Vous pouvez le lui demander…
                -Ça ne veut strictement rien dire ! Vous avez très bien pu vous concerter pour présenter la même version.
                C’est au tour de sœur Gisèle de rester silencieuse quelques instants.
                -Je ne sais pas quoi ajouter : je sais que ce n’est pas lui, je l’ai vu repartir. Nous étions dans cette même salle où nous sommes; après l’avoir écouté et calmé, j’ai raccompagné Jean-Yves Galarneau jusqu’à dehors; je l’ai vu monter dans sa voiture et il a démarré. Je suis restée sur le pas de la porte et j’ai vu son véhicule sortir du stationnement et prendre le chemin vers la grande route.
                Imperceptiblement, Paul fronce les sourcils. Un petit fil… un tout petit fil qui dépasse.
                -Vous dites que vous êtes sortie et que vous l’avez vu s’éloigner ?... Montrez-moi exactement ce que vous avez fait.
                -Ce que j’ai fait ?... Voilà… Jean-Yves Galarneau était là où vous êtes nous nous sommes levés à peu près en même temps. Il a ouvert la porte pour sortir et je l’ai suivi.
                Paul se lève et entrouvre la porte. Il fait un signe à sœur Gisèle.
                -Et ensuite ? Montrez-moi.
                -Ensuite, il m’a dit merci de l’avoir écouté, et j’ai répondu : Bonne chance.
                -Où était-il à ce moment-là ?
                -Il était juste ici, à quelques pas…
                -Et ensuite il est allé à sa voiture qui était stationnée…
                -Oui, en effet.
                -Où était sa voiture exactement ?
                -Juste là, la troisième place.
                -Et vous êtes restée sur le palier de la porte ?
                -En fait, j’ai fait quelques pas vers l’avant.
                -Jusqu’où montrez-moi…
                Sœur Gisèle lui jette un rapide regard de perplexité, mais elle obéit.
                -J’étais ici, juste à quelques pas de la porte.
                -Je vois… En effet, d’ici on voit le stationnement, on voit un bout du chemin et on devine la route principale au loin. Et il ajoute pour lui : « Et on voit bien toute la cours, le bâtiment principal et ses entrées. »
                -Et quelle heure était-il à ce moment-là ?
                -Il était passé neuf heures, probablement, neuf heures cinq, neuf heures dix.
                -Et qu’avez-vous fait après ?
                -Je suis revenue fermer la porte, éteindre la lumière et je suis repartie vers notre pavillon. La porte était verrouillée mais j’Avais ma clé. La prière du soir était terminée et je suis allée directement dans ma chambre.
                -Donc, personne ne vous a vue rentrer ?
                -S’il y avait des sœurs qui ne dormaient pas encore, elles ont dû m’entendre.
Isabelle avait suivi dehors avec l’enregistreuse pour ne rien perdre de cet échange. Paul se tourne vers elle et lui fait signe d’arrêter l’appareil.
                -Sœur Gisèle, je me vois dans l’obligation de vous arrêter. Je vous préviens que vous avez le droit de garder le silence mais que tout ce que vous direz à partir de maintenant pourra être retenu contre vous. Vous avez le droit de demander les services d’un avocat.
                -M’arrêter ? Moi ? Mais sous quelle accusation ?
                La stupeur plus que l’angoisse se lit dans les traits de son visage.
                -Je vous arrête pour faux témoignage et entrave à la justice.
                -Faux témoignage ? Je ne comprends pas ! Je vous ai tout dit ce que je sais.
                -Ce soir, vous m’avez dit ce que vous saviez; mais lors de ma première visite vous m’avez sciemment menti pour protéger celui qui devient dorénavant le principal suspect dans cette histoire de meurtre. Je vous prie de prendre des dispositions.
                -Des dispositions ?... Je serai absente combien de temps ?
                -Ceci est une arrestation préventive; vous comparaîtrai demain devant la cour et vous serez très probablement relâchée dans les vingt-quatre heures.
                -Laissez-moi parler à sœur Madeleine.
                -Je vous accorde cinq minutes; l’officière Dumoulin vous accompagnera.

                À l’autre bout du fil, Roxanne n’en revenait tout simplement pas :
                -Tu as arrêtée sœur Gisèle pour faux témoignage ! Mais ça ne se fait jamais…
                -Je le sais bien…
                -Tu vas te faire accuser de détention arbitraire…
                -Sœur Gisèle me raconte toutes sortes d’histoires auxquelles elle croit peut-être, mais pas moi. Je veux qu’elle me dise la vérité.
                -Et tu crois que la mettre en détention va lui délier la langue ?
                -J’ai mon idée… Et de votre côté ?
                -Nous sommes retournés tout de suite au Collège et nous avons trouvé les deux hommes, tous les deux dans un état de grande surexcitation. Peut-être avons-nous interrompu une conversation orageuse. Nous les avons amenés au poste de Granby. Honoré Lépine a confirmé dans sa déposition que Jean-Yves Galarneau était absent dimanche soir dernier. Il a dit qu’il ne l’avait pas vu partir, mais que dès le début de l’après-midi il s’est aperçu de son absence au Collège, ce qui n’était pas prévu. Il l’a entendu revenir. Il était déjà couché, mais comme leurs chambres sont sur le même palier, il a entendu la porte s’ouvrir et se refermer. C’était environ 23h30 »
                Presque contre son gré, Paul devait reconnaître que l’idée de Roxanne de répondre à l’invitation de Miguel Del Potro avait été somme doute judicieuse. Ça facilitait grandement le déroulement de cette étape cruciale de l’enquête.
                -Ça lui aurait pris deux heures et demi pour faire Plaisance-Granby… Oui, ça correspond à l’heure dont a parlé sœur Gisèle. Qu’est-ce qu’il a dit d’autre ?
                -Pas grand-chose de plus… Il ne semble pas savoir que Jean-Yves Galarneau et Gisèle Saint-Germain se connaissent depuis de nombreuses années, et il semble tout ignorer aussi de la relation disons « amicale » entre les deux. À part, son absence dimanche dernier, il n’a pas remarqué de comportement douteux ou étrange de la part de son directeur, mis à part bien sûr l’énorme stress de toute cette histoire. Il est bien sûr très affecté pour la poursuite judiciaire et par le résultat; il ne s’y attendait pas. Il est conscient que cela va avoir des répercussions énormes sur la communauté religieuse. Il a parlé des frères âgés qui peuvent perdre tout accès aux soins médicaux. Nous l’avons reconduit chez lui après la signature de sa déposition en lui demandant de nous prévenir s’il se rappelait autre chose.
                -Bien, et Galarneau ?
                -Il n’a pas eu de réaction particulière; peut-être s’attendait-il à notre retour, mais va savoir. Nous l’avons fait venir en tant que témoin important dans une affaire de double mort suspecte, et pour l’instant il attend.
                -C’est bon faites-le mijoter un peu. Je vous envoie la transcription de la conversation que j’ai eue avec sœur Gisèle. Lisez-la comme il faut.
                Paul ne peut la voir, mais Roxanne sourit de ce son père ait dit « Lisez-la », et non pas juste « Lis-la ».
                -Insistez sur ses motivations à aller à Plaisance alors qu’il savait qu’Antoine Meilleur y était ? Qu’est-ce qu’il est allé y faire ? Que voulait-il ? Cherchait-il la confrontation ? Et creusez aussi le moment de son départ. Il pourrait être parti au moment où le couple Meilleur-Chaput partait pour aller faire leur marche au Parcours, non au Sentier du Pèlerin.
                -Et peut-être les a-t-il vus, dans son rétroviseur, par exemple, et qu’il serait revenu… C’est ça ?
                -Oui, ou plein d’autres possibilités.
                -Il aura dû faire vite.
                -Peut-être, mais c’est jouable.
                -Il est un suspect ?
                -Il est un suspect… mais pas le seul.
                -Si c’est lui, je pense qu’on pourra le coincer.
                Une petite pause au bout du fil.
                -Dis-moi, Roxanne… Je suppose que Miguel Del Potro écoute cette conversation…
                -Heu… Oui, il est là avec les écouteurs.

                -Je vous félicite tous les deux, c’est du beau travail.

lundi 11 septembre 2017

Un lieu de repos
Chapitre 19
                Le coup de téléphone d’Honoré Lépine, suivi de celui de Roxanne à son père aura été comme un électrochoc dans l’enquête des deux morts suspectes au Repos du Pèlerin. Suffisant pour la résoudre ?
                Juliette voit son Paul tout concentré au téléphone; tout ouïe de ce qui lui raconte sa fille, il fronce les sourcils sur fort qu’une ride horizontale, qu’elle n’avait pas encore remarquée se forme sur le haut de son nez entre les deux yeux.
                -Voilà ce que vous allez faire : vous allez retourner tout de suite au collège pour y chercher Honoré Lépine; il faut absolument obtenir sa déposition écrite. Vous l’amenez au poste et…
                -…
                -Mais je sais que ce n’est pas de ta juridiction, mais Miguel est sur son territoire lui; il peut lui faire une sommation…
                -…
                -Il n’est plus en service ? Mais c’est l’un des assistants du directeur Arpin; il peut se remettre en service sans problème, qu’il demande une affectation à celui qui est le responsable en ce moment. Il faut y aller immédiatement. Battre le fer quand il est chaud, comme on dit. Et en même temps mettez la main sur le directeur Galarneau, et faites-lui un interrogatoire en règle; il faut lui faire sortir tout ce qu’il ne nous a pas dit cette après-midi... Moi, de mon côté je file vers Plaisance pour dire de mots à sœur Gisèle Bourque; elle aussi a certainement des choses intéressantes à raconter.
                -…
                -Qu’est-ce que tu dis ? Tu veux me passer Miguel ?
                -…
                -Ça va, ça va; je vais lui parler.

                -Capitaine Quesnel, j’ai peut-être une suggestion. Oui, nous allons tout-de-suite au collège retrouver Honoré Quesnel et en même temps essayer de coiffer Jean-Yves Galarneau, mais j’attendrai à demain pour l’interroger.
                -…
                -Pourquoi ? Et bien pour la simple raison que pour l’instant nous ne savons pas exactement sur quelle piste il faudra diriger les diriger; avant qu’on arrive vraiment à lui faire admettre quoi que ce soit, on peut tâtonner longtemps. Je crois que le plus urgent est de recueillir le témoignage de sœur Gisèle à Plaisance et une fois qu’on aura sa version on pourra mieux confronter le directeur Galarneau.
                -…
                -Vous trouvez que c’est une idée intéressante ? Merci capitaine...
                -…
                -Oui, je pense que Roxanne est d’accord avec moi.

                Avec un petit soupir, Juliette se dit qu’elle devra s’en accommoder, elle qui espérait passer une soirée en tête à tête avec son Paul de policier : Paul a repris le téléphone pour préparer sa visite impromptue au centre de retraite des sœurs des Saints noms de Jésus et de Marie. Elle sourit de la transformation qui vient de s’effectuer chez lui en quelques instants : alors que pendant le repas il était préoccupé, songeur, presque absent, alors qu’il semblait même prêt à baisser les bras, il est maintenant tout énergie et détermination. Sentant qu’il reprend les choses en mains, il est résolu à aller jusqu’au bout de cette histoire et de ne ménager aucun effort.
Après un appel au poste pour organiser une patrouille qui l’accompagnera, il téléphone au Sanctuaire des SNJM.

-Oui, bonsoir.
Paul reconnaît la voix calme de la religieuse de garde le soir au centre de retraite.
-Bonsoir sœur Annette. Ici le directeur du poste de la Sureté du Québec à Papineauville, Paul Quesnel. Vous vous souvenez de moi sans doute ? Je suis venu avec mon équipe chez vous il y a quelques jours quand on a découvert les deux corps sans vie dans le Sentier du pèlerin.
-Ah oui, bien sûr; comment peut-on oublier une telle histoire ?
-Écoutez, sœur Annette, j’ai besoin de voir sœur Gisèle ce soir même; il y a des développements dans l’enquête et j’ai besoin de vérifier quelques détails. Pourriez-vous me mettre en communication avec elle ?
-C’est que, monsieur l’inspecteur, après le repas du soir ce sont les complies… Les complies, c’est la dernière prière de la journée, avant d’aller dormir. Normalement on devrait la faire après le coucher du soleil, mais certaines de nos consœurs vieillissent et elles ont besoin d’aller se coucher plus tôt…
-Si vous ne pouvez pas me mettre en communication avec elle, pouvez-vous dire à sœur Gisèle, dès que les complies seront terminées, que j’arriverais d’ici quarante minutes.
-Oui, je lui dirais.
-Demandez-lui de m’attendre dans son bureau. Je connais le chemin et j’irai là-bas directement.
-Vous ne voulez pas que lui dise la raison de votre visite ?
-Ma sœur, essayeriez-vous de me tirer les vers du nez ?
-Bien sûr que non !
-Dites-lui, comme je vous l’ai dit, qu’il y a du nouveau et j’ai besoin de préciser quelques détails.
-Bien, je vais lui faire le message. Bonsoir, monsieur l’inspecteur.
-Bonsoir, ma sœur.

Sur le coup, Paul avait pensé aller à l’ermitage en force, mais il s’est ravisé et, finalement, il n’y va en prenant seulement avec lui la toujours fiable Isabelle Dumesnil. Daniel Casgrain restera au poste prêt à rapidement intervenir au besoin.
L’après-midi, en faisant le point, il avait informé son équipe des piètres résultats de l’intervention au Collège de Granby. En quelques mots donc, en route vers Plaisance, Paul met son officière au courant de derniers coups de téléphone de Miguel et de Roxanne.
-Tu vois, il faut savoir si oui ou non, Jean-Yves Galarneau était à Plaisance avec elle le soir des morts suspectes, et si oui, pourquoi elle nous a caché une information si importante ?
-Pour le protéger ?
-C’est ce que nous allons découvrir.

Au monastère des SNMJ, Paul se stationne le plus près possible de la porte, et d’un pas décidé se dirige vers l’arrière du bâtiment. Il se doute bien des visages le regarde derrière les rideaux de la salle commune et de chambres. En s’avançant vers la porte, il peut voir du coin de l’œil, et avec un sourire en coin le pavillon des sœurs encore tout éclairé. Là aussi, ce doit être comme une fourmilière.
-Tu viens avec moi et tu enregistres, rappelle-t-il à Isabelle.
Il cogne et ouvre la porte sans attendre la réponse.
Sœur Gisèle est bel et bien là derrière son bureau à les attendre. Les mains croisées bien posées sur dessus de son bureau, elle a son air distingué de prestance digne et de contrôle de soi qui lui est caractéristique, mais un bref instant, Paul croit voir une légère inquiétude dans son regard.
-Bonsoir.
-Bonsoir, sœur Gisèle, je vois que vous avez eu mon message.
-Bien sûr ! Sœur Annette m’a dit que vous aviez « quelques détails à préciser ». Est-ce qu’il fallait absolument le faire ce soir ?
-Sœur Gisèle, je vous rappelle qu’il s’agit de deux morts suspectes et que parfois oui, dans ce genre d’enquête il faut parfois agir vite. Ceci dit, voici l’officière Dumesnil qui enregistrera notre entretien et qui vous fera ensuite signer votre déposition.
-Suis-je accusée de quelque chose ?
-Non… Vous n’êtes accusée de rien, mais à ce stade-ci de l’enquête, je dois porter mon attention sur tous les détails et la procédure exige que cet entretien soit enregistré.
-Ah oui ?
-C’est aussi, en quelque sorte, pour vous protéger; ainsi nous ne pourrons pas, ultérieurement, déformer vos propos ou bien vous faire dire ce que vous n’avez pas dit.
-Et bien soit; quels « détails » dois-je clarifier ?
-Vous savez certainement que moi et mon équipe nous sommes allés à Granby et que nous y avons rencontré le directeur du Collège, frère Jean-Yves Galarneau, ainsi que le sous-directeur frère Honoré Lépine…
Paul fait une légère pause.
-Je me doutais bien que vous iriez y faire une visite, cela allait de soi.
-Très bien; ceci établi, Jean-Yves Galarneau nous a appris que lui et vous, vous vous connaissiez depuis plusieurs années, que cela datait de votre noviciat, et qu’au cours des années vous aviez développé une grande amitié entre vous deux.
Paul remarque une légère, très légère crispation dans les traits du visage de son interlocutrice.
-Ce que vous dites est vrai. Nous avons une grande estime l’un pour l’autre.
-Et nous avons également appris que, le soir des deux morts suspectes, c’est-à-dire dimanche soir dernier, Jean-Yves Galarneau n’était pas à Granby; non il était à Plaisance, ici même !
Cette fois-ci sœur Gisèle ne peut empêcher ses doigts de se tordre.
-S’il était ici, vous ne pouviez pas le savoir, ma sœur.
-C’est vrai, Jean-Yves était ici. Il était arrivé au milieu de l’après-midi, alors que la plupart des pensionnaires sont dehors, ou alors ne sont pas encore arrivés. Personne ne l’a vu arrivé; il est venu dans notre pavillon et nous avons passé le reste de la journée ensemble.
-Il savait que Madeleine Chaput et Antoine Meilleur seraient là; vous le lui aviez dit ?
-Oui, il le savait; je le tenais informé de chacune de leur visite.
-Et pourquoi est-il venu ? C’est qui lui aviez dit de venir ?
-Non, pas du tout ! Je crois… Il m’a téléphoné le matin même… Il était dans tous ses états. Il bafouillait au téléphone. Je n’arrivais pas à le calmer. Quand il m’a dit qu’il voulait me voir, je lui ai d’abord dit non, de ne pas venir. Mais il ne voulait rien entendre. Et à contrecœur, je lui ai dit de venir, mais de venir me trouver au pavillon des sœurs de ne pas passer par la réception. Quand il arrivé ici, il était dans un état de surexcitation qui m’a fait peur.
-Qu’est-ce qu’il voulait exactement ?
-Je crois… Il voulait confronter monsieur Meilleur et lui dire ses quatorze vérités. Il voulait lui dire à quel point il leur avait fait du mal, à lui et à tous sa communauté. Trente-six millions de dollars ! Ça mettait le collège en faillit, ça mettait toute la communauté en faillite. Tous ces pauvres frères qui avaient travaillé toute leur vie sans jamais recevoir de salaire se retrouvaient aujourd’hui sans rien ! Sans revenus, sans régime de retraite, sans même de lieu où aller, car il faudra évidemment vendre les bâtiments pour récolter une telle somme.
-Pourquoi avoir caché sa visite ?
-Pour le protéger. Quand on a découvert les corps le matin, je me suis tout-de-suite dit qu’on le soupçonnerait, c’était trop évident.
-Et bien, malgré tout; maintenant je le soupçonne de ce double meurtre.

-Mais ce n’est pas lui ! Il m’a quitté vers 21 heures; il était plus calme. Je l’ai accompagné jusqu’à sa voiture et je l’ai vu repartir pour Granby.

mercredi 6 septembre 2017

Un lieu de repos
Chapitre 18
               
                En effet Juliette aura un petit sourire en coin lorsque Paul lui racontera sa journée et surtout la « défection » de Roxanne.
                Il est revenu à Papineauville et a terminé sa journée au poste de police; il faut quand même continuer de s’occuper de plusieurs autres affaires en cours, notamment une épidémie de vol dans les chalets des environs. Il s’agit certainement de filous de la place qui observent les allées et venues de vacanciers et qui attendent que ceux-cu ferment leurs chalets pour la saison froide. Heureusement les gens ne laissent pas beaucoup de richesses derrière eux et la majorité des vils rapportés sont ceux de petits appareils ménagers, comme les micro-ondes, les grille-pain, les cafetières, les téléviseurs… Il y a aussi des horloges, quelques meubles, des bicyclettes. Il faudra surveiller les prochains marchés aux puces, c’est presque toujours là que se retrouvent les biens volés.
                -En tout cas, je trouve qu’elle a vite fait d’oublier son Fabio ! s’exclame Paul assis à table de cuisine de sa Juliette alors que celle-ci lui sert une belle assiettée d’escalopes de veau à l’italienne servi avec des pâtes, avec bien sûr un joli verre de vin. Cette dernière a un petit geste de la main :
                -Et alors ! De toute façon, combien de fois as-tu dit qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre ?…
                -C’est vrai, mais elle aurait pu attendre un peu ! Elle vient de rompre avec lui, il y a à peine quatre jours et là voilà qui se laisse prendre aux charmes du premier venu… Je croyais ma fille plus sérieuse que ça !
                -Que veux-tu que je te dise ? Au moins, c’est un policier : ils auraient plus de choses en commun…
                -Et un autre latino en plus !
                -Qu’est ce ça peut bien faire ?... C’est bien au contraire ! Il va adorer qu’elle possède des rudiments d’espagnol… Ta fille aussi a des atouts qui ne sont pas négligeables. Je ne vois pas pourquoi tu montes sur tes grands chevaux ! Et puis, elle est majeure et vaccinée, je te ferai remarquer.
                Paul porte sa fourchette à sa bouche et prend une bouchée de pâtes. Après avoir avalé, il reprend :
                -Je sais, ça ne me regarde pas, mais j’avoue que j’ai été vraiment surpris ! On est partis à Granby pour une histoire de meurtre, peut-être un double meurtre, et elle, sans faire ni une ni deux, se met à roucouler comme si de rien n’était !
                -Ah la la ! Qu’est-ce qu’il y a Paul ? Ça ne te ressemble pas de te mettre en colère contre ta fille chérie comme ça !... Pour moi, il y a autre chose.
                Juliette plante ses yeux dans ceux de Paul.
                -J’ai raison ?
                -C’est vrai; je trouve que je n’avance pas dans cette histoire de possible double meurtre; cette visite à Granby n’a pas donné grand-chose…
-Pourquoi parles-tu toujours de double meurtre ? Pourquoi ne s’agirait-il pas de deux suicides ?...
-Oui, ce n’est pas totalement exclus, mais je n’y crois pas trop. L’autopsie n’a rien pu conclure de définitif : tout ce qu’on a pu déduire c’est qu’ils sont tous les deux morts par balles. Et puis, lui Antoine Meilleur, il venait de gagner sa cause en justice, près de trente-six millions, c’est une somme ! C’est à séparer en 250 ou à peu près, mais quand même, c’est toute une victoire. Et après toutes ces années !...
-Tu dis toi-même qu’il faut creuser toutes les pistes jusqu’au bout… Fais-le aussi pour la thèse du suicide.
-Tu as raison, ma chérie. Tu sais c’est vraiment bon ce que tu as préparé !
-C’est une recette assez simple; je pensais bien que tu aimerais ça.
-Pas une recette Ricardo j’espère !
Juliette ne peut s’empêcher de rire.
-Non, non… Mange donc sans poser de questions.
Paul et Juliette savourent leur repas quelques instants.
-En tous cas, à part l’escapade de Roxanne, je répète que cette visite à Granby n’a rien donné !
Ce en quoi Paul se trompait complètement.
La preuve, le téléphone se met à sonner.

« L’escapade » de Roxanne se déroulait fort bien. Après le départ de son père et des deux autres agents vers Papineauville, elle avait accompagné Miguel au poste de la Sureté du Québec et elle l’avait laissé finir sa journée.
-Pendant de temps, j’irai flâner dans la ville.
-Si jamais il commence à pleuvoir et que tu veux te mettre à l’abri, lui répond Miguel en pointant un ciel menaçant, il y a une belle bibliothèque juste ici à deux pas. Elle est bien équipée. En plus des livres, on peut y louer toutes sortes de films et on a pas mal de choix de musique.
-Ah c’est une bonne idée ! Je vais aller t’y attendre.
-Et moi, je vais quitter le plus tôt possible…
Roxanne ne relève pas la faute de français. Pas cette fois-ci mon beau, mais tu ne perds rien pour attendre…
                En fin d’après-midi, vers 16h30, Miguel, qui s’est déjà mis en civil, retrouve Roxanne à la bibliothèque. Elle était en train d’écouter le disque de Michel Vallières et ne l’avais pas vu entrer.
                -Ah, te voilà ! Je ne t’attendais pas aussi tôt.
                -Tu as trouvé ce que tu voulais.
-Oui, mais en même temps je crois que j’ai dormi un peu.
-Viens on va se promener. Je vais te montrer la ville.
                La ville de Granby s’est construite autour de la rivière Yamaska, dont le nom vient de l’abénaqui et signifie « il y a des joncs au large ». Pendant longtemps, il aura été l’une des rivières les plus polluées et des plus nauséabondes du Québec. Mais depuis trente ans beaucoup d’efforts ont été déployés pour la dépolluer et la rendre plus attrayante. À Granby, on a aménagé les berges avec des espaces verts, des sentiers pour la marche, des aires de repos, à quoi des pistes cyclables qui suivent le trajet de l’ancienne voie ferrée. C’est là que Miguel mène Roxanne.
                -C’est mon coin préféré de Granby. Il y a bien sûr aussi le Parc national de la Yamaska, un peu au nord de la ville, qui est vraiment bien aménagé, mais il faut y aller en voiture; je t’y amènerai un jour.
                -Comment es-tu arrivé ici ?
                -En fait ce sont mes parents qui sont venus il y a une trentaine d’année. Ils étaient des réfugiés de la Colombie, et ils ont fui leur pays. Moi je n’avais que trois ans et mon frère un ! C’est vrai que la majorité des nouveaux arrivants s’installent à Montréal, mais ici il y avait, et il y a toujours, - c’est très surprenant - un très bon système d’accueil de la part des organismes sociaux, et tout s’est bien passé. Ils ont eu de cours de français, on leur a trouvé un appartement, des meubles, un emploi pour mon père. Vraiment les gens d’ici sont très dévoués. Moi je suis allé à l’école du quartier, je me suis fait des amis. Quand j’ai fini mon cours à Nicolet, j’ai été envoyé en Gaspésie. C’était pas mal, mais après quelques années j’ai demandé à être transféré ici, et ça a marché. Je te présenterai mes parents si tu veux; ils vivent toujours à Granby.
                -Hum… hum. Tu étais à Nicolet ? Comment ça se fait que je ne t’ai jamais vu ?
                -Je me souviens de toi; c’est vrai que c’était plus facile pour nous, les garçons, de remarquer les filles, vous étiez si peu nombreuses. Tu ne m’as pas remarqué probablement parce que je n’étais qu’un garçon parmi tant d’autres; et puis nous n’étions pas dans la même classe. Je terminais quand toi tu commençais.
                -C’est quand même dommage.
                -Ça ne fait rien; je suis content de te voir aujourd’hui. Tu vois tout ça ici, il y a dix ans, c’était des broussailles…
                Après la marche sur les bords de la Yamaska et au parc du Lac-Boivin, Miguel invite Roxanne dans l’un des nombreux bons restaurants de la ville.
                -D’accord, je te suis.
                À ce moment son téléphone se met à vibrer.
                -Excuse-moi… Oui, Miguel Del Potro… Pardon ?...  Non, mais…
                Miguel reste silencieux quelques instants et son expression devient très concentrée.
                -Oui… oui… je comprends. Je…
                Il se tourne vers Roxanne : « Il a raccroché. »
                -C’était qui ?
                -C’était un certain frère Honoré…
                -Honoré Lépine ! On l’a rencontré ce matin avec le directeur du collège.
                -Oui, c’est lui. Il m’a dit… c’était assez confus… Il parlait vite et bas, comme s’il ne voulait pas qu’on l’entende. Il a dit au début qu’il voulait parler à ton père, mais finalement il m’a demandé de lui faire un message : il a dit que le directeur Jean-Yves Galarneau n’a pas dit toute la vérité; il n’était pas au collège la fin de semaine dernière, la fin de semaine du meurtre. Et il m’a dit de demander à sœur Gisèle où il était !
                -Ils étaient ensemble ?
                -Je ne sais pas; c’est possible. Subitement, il a raccroché.

                -Il faut que j’appelle mon père… immédiatement.