lundi 10 novembre 2014

Avoir un enfant

                -Oh, et puis on ne vous a pas dit qu’on allait voir un enfant !...
                -T’es enceinte !?
                -Non, pas moi ! Es-tu folle ?? Non, qu’est c’est qu’vous pensez ? On a fait appel à une mère porteuse ! Mais ça faisait vraiment longtemps qu’on en voulait un; on a bien pensé à notre affaire, et puis finalement on s’est décidé. Qui aurait cru ça, hein Ti-Loup ?
 -On pense que c’est vraiment le temps idéal pour prendre la décision, Minou pis moi. On a tous les deux un emploi, avec une bonne pension; on a la maison, les deux voitures, on a encore quelques dettes, mais rien d’ingérable. Il faut pas oublier qu’un enfant ça coûte cher; il faut être capable d’assumer les dépenses. On dit qu’élever un enfant jusqu’à l’université, ça coûterait proche de 500 000 dollars. C’est inhumain de faire des enfants sans pouvoir leur assurer le minimum, sans leur fournir un certain niveau de vie. Il faut pouvoir lui assurer un avenir.
-Pis moi j’pouvais pas perdre une année de salaire, au moins ! pour tomber enceinte. Ça fait que pour trouver une mère porteuse, on a mis une annonce sur internet; vous savez il y a pleins de sites exprès pour ça; pis ça, ça va partout dans le monde. On a trouvé une jeune femme de l’Ontario. Au Québec, il y a bien que trop de tracasseries administratives ! Ça en finit plus, mais nous on a cherché aux États-Unis, les lois sont moins strictes, pis c’est proche. Mais finalement on a trouvé en Ontario. Une fois trouvée la mère porteuse, j’aurais pu aller en clinique de fertilité pour me faire extraire quelques ovules comme on a pensé au début, mais vous savez que c’est, j’ai pas le temps, pis on sait jamais, les conséquences à long terme, tout ça, ça pourrait affecter ma fertilité future, ou même ma santé; j’suis pas si forte que ça quand même. J’voulais pas trop me faire jouer dedans, pis me faire rentrer toutes sortes de seringues, j’sais pas... Non, non ! pis les hormones et les médicaments, moi je ne sui pas trop forte là-dessus. On a acheté des ovules sur internet, pas de n’importe qui, non, non, une jeune femme de Pennsylvanie.
-Des fois que l’ovule  parlerait anglais !
-Ti-Loup !! C’est pas la première fois qu’il la fait celle-là, mais moi j’dis qu’il faut pas faire de farce avec ça ! On sait jamais; ça peut porter malheur. Ça arrive tout congelé dans un paquet exprès, c’est vraiment pratique. Ensuite, là on est allés dans une clinique d’infertilité, Oh ! mais avant ça… vas-y, toi, Ti-Loup.
-Ben,  comme je sais que mon sperme n’est pas de bonne qualité, ça, ça vient sans doute de mes parents, en tous cas c’est quelque chose de génétique, on est allé dans une banque de sperme. Des banques privées, il y a plusieurs à Montréal, il y en avait même une à Brossard, quand on y pense ! On a le droit de choisir le donneur, on connait tout sur lui, son âge, son origine ethnique, ses caractéristiques physiques, combien il mesure, combien il pèse. La seule chose qu’on a pas eu, c’est une photo. Mais on a trouvé quelqu’un qui, dans l’ensemble me ressemble pas mal.
-Là on est parti dans une clinique de fertilité avec la mère porteuse, le spécimen de perme qu’on avait choisi et notre ovule et ils ont tout bien fait ça. Heureusement que tout était remboursé par l’assurance-maladie. Ils ont fécondé l’ovule avec le sperme. Pis le plus beau, c’est qu’on peut tout suivre l’évolution de l’embryon au jour le jour, il y a une même une application sur ton téléphone cellulaire, tu peux tout voir ! Le troisième jour, ils ont introduit le mini embryon de notre futur enfant dans l’utérus de la mère porteuse, qui a subi un traitement aux hormones. Je te dis que la seringue elle est longue comme ça, moi qui a peur des piqûres ! Mais faut ce qu’il faut comme on dit ! Mais tout c’est déroulé numéro un ! La mère porteuse vit sans son appartement en pas tellement loin d’ici et elle va à la clinique une fois par semaine. Tout est légal : on n’a pas triché ! On lui a fait signer un papier comme quoi cet enfant était à nous et qu’elle ne le réclamerait pas. Elle ne recevra que la somme promise.
-On s’est acheté un livre sur tous les prénoms du monde : il fallait lui donner un prénom fort, il faut qu’il parte du bon pied dans la vie, quelque chose comme Pierre-Alexandre ou Charles-Antoine.
-Pendant longtemps on a pensé à Désiré... Mais finalement on a lu dans notre livre que Félix, ça voulait dire : Bonheur. Cet enfant-là va être notre «  bonheur » toute notre vie !

-Tenez voilà une photo de notre futur bébé, on sait déjà que c’est un garçon. On l’a mis sur tous nos sites Facebook. Vous pensez ! Il mérite bien ça. On pourra même assister tous les deux à l’accouchement ! Après tout c’est notre enfant à nous ! Tiens, j’ouvre une autre bouteille pour fêter ça !

1 commentaire:

  1. La bêtise et la marchandisation à l'état brut: je n'aurai qu'une pensée:
    Pauvre
    petit gars ! Dominique

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