mardi 7 juin 2016

Trahisons
Chapitre 2

                Roxanne avait reçu un premier coup de téléphone sur cette disparition la  journée d’avant à peu près à la même heure qu’elle se présentait maintenant chez la famille Lemieux. C’est elle qui assurait la permanence au poste de la Sureté du Québec de Papineauville cette fin-de-semaine et l’agent Turgeon qui avait répondu lui avait passé l’appel. Au bout du fil, il y avait un certain Jean-Jacques Delorme de Ripon qui appelait pour signaler la disparition de sa fille : on ne l’avait pas vu depuis la veille au soir. Roxanne avait pris note du fait, mais avait dû spécifier qu’on n’émettait pas d’avis de recherche ni ne déclenchait pas d’enquête avant une absence inexpliquée de plus de vingt-quatre heures. Si les parents n’avaient toujours pas de nouvelle en soirée, elle enverrait quelqu’un chez eux prendre leur déposition. Monsieur Delorme avait mal réagi, traitant la police d’incompétente et de vendue, juste bonne à récolter l’argent des contraventions, qui ne se rendait pas compte de la gravité de la situation et qui les laisser se débrouiller tout seuls. Roxanne l’avait assuré qu’elle viendrait ce soir en personne s’il n’avait toujours pas de nouvelle.
                Pendant son trajet pour Ripon, en ce dimanche matin, Roxanne reconstituait mentalement les événements. Joannie Delorme, une jeune fille de seize ans, avait quitté le domicile familial, le vendredi vers sept heures en disant qu’elle allait rejoindre son amie Mélissa. Mélissa et Joannie étaient les meilleures amies du monde, elles se connaissaient depuis toujours. Joannie n’était pas rentrée le soir, mais sa mère ne s’était pas inquiétée, car il arrivait régulièrement qu’elles couchent chez l’une ou chez l’autre. Elle avait seulement trouvé étrange qu’elle n’emporte pas de sac, mais peut-être n’était-elle pas partie avec cette intention et avait-elle changé d’avis. Elle était persuadée que sa fille était allée coucher chez son amie. Vers midi, toujours en ce même samedi, la mère de Joannie, Madeleine Roy avait téléphoné chez Mélissa qui lui avait dit, à la grande surprise de sa mère, que non Joannie n’était pas avait qu’elle. Elles s’étaient bel et bien donné rendez-vous sur la pont de la chute Albert, pour parler de choses et d’autres et particulièrement de la fête de la Halloween qui s’en venait à l’école, mais elles s’étaient quitté vers 7h45 et elles étaient retournes chacune chez elle. C’est à ce moment que la mère de Joannie a commencé à s’inquiéter : ce n’était pas du tout dans les habitudes de sa fille de ne pas dire où elle allait. Et elle ne répondait à son cellulaire. Madame Roy avait appelé les autres amies de Joannie, mais personne l’avait vu; elle avait même appelé son petit ami Alexandre, elle l’avait réveillé, mais lui aussi ne savait pas où elle était. Les uns et les autres l’avaient  à l’école le vendredi et ensuite dans l’autobus qui les ramenait de la polyvalente à Lachute jusque chez eux, mais c’était tout. Alors eu les rumeurs commençaient à se répandre dans le village, les parents avaient appelé la police.
                Mais en soirée, ils n’avaient toujours pas de nouvelle. Mélissa était venue chez les parents de son amie à toute vitesse, alarmée de cette possible disparitation.
-Qu’est-ce qu’il y a bien pu se passer ?
Elle avait leur répété ce qu’elle avait déjà dit sur leur rencontre : qu’elles avaient parlé de chose et d’autres pendant environ quarante-cinq minutes et qu’ensuite elles étaient parties chacune de leur côté. Madelein Roy lui a demandé si elle avait remarqué si quelque chose n’allait pas bien chez Joannie, mais non, selon Mélissa, tout allait bien.
Roxanne avait tout de suite pensé à une fugue. Les chiffres disent que plus de 80 % des disparitions d’adolescents et adolescentes sont des fugues et on les retrouve généralement dans les heures ou les jours qui suivent l’avis de recherche. Pour se faire pardonner d’avoir été obligée d’éconduire le père, elle s’était rendue elle-même chez, avec Turgeon, à leur deuxième appel à 19 heures. Elle avait enregistré leur disposition; elle avait un signalement précis de Joannie. Une rapide fouille dans sa chambre a montré que rien n’avait disparu dans ses affaires; qu’elle était simplement partie avec son téléphone cellulaire. Les parents avaient fourni une photo qu’elle avait immédiatement diffusée dans le réseau des divers services de police; le soir même les médias relayaient l’information, alors que depuis plusieurs heures déjà un message circulait sur les réseaux sociaux. Roxanne n’avait rien dit, mais ce genre d’initiative courcircuitait souvent l’action de la police.
                Le matin, Roxanne a passé une bonne partie de son temps à lire les réponses des divers corps policiers, mais sans rien trouver de concluant. Elle descend de la voiture, avec l’agent Turgeon à qui elle a de nouveau demandé de l’accompagner; elle n’a pas besoin de sonner, la porte s’ouvre pour laisser apparaître Benoît Lemieux.
                -Bonjour, je suis Roxanne Quesnel-Ayotte, officière de la Sureté du Québec. C’est moi qui vous ai téléphoné pour prendre rendez-vous. Vous savez que je viens voue voir au sujet de la disparition de Joannie Delorme. Serait-il possible de parler avec Mélissa ?
                -Oui; entrez.
                Alors qu’ils entrent dans la maison, Mélissa descend l’escalier. Elle est les cheveux retenus en queue de cheval; elle essaye de sourire, mais Roxanne note surtout ses yeux qui fuient. Elles montrent des signes évidents de nervosité.
                -Bonjour Mélissa; je suis l’officière Roxanne Quesnel-Ayotte; j’aimerais de poser quelques questions sur Joannie. Tes parents peuvent assister à notre entretien s’ils le veulent.
-Vous allez la retrouver j’espère !
-En tout cas, on va tout faire pour la retrouver, et ton aide nous est indispensable. Tu sais que tu es probablement la dernière personne qui l’a vue vendredi soir ?
-On s’est rencontrées sur le pont de la Chute Albert.
-Raconte-moi le plus exactement possible ce qui s’est passé.
-Le pont de la chute Albert est un lieu idéal pour se voir, il est pratiquement à mi-chemin entre nos deux maison. On s’est retrouvées à sept heures.
-C’est elle qui t’avais donné rendez-vous ou c’est toi ?
-Non, c’et elle; elle m’avait dit l’après-midi à l’école qu’elle voulait me voir, qu’elle avait des choses importantes à me dire.
-Quelles choses ?
-Et bien, elle voulait me dire qu’elle avait cassé avec Alexandre, que c’était fini.
-Alexandre Côté-Lamarre, c’est ça ?
-Oui; ça fait un an ou presque qu’ils sortaient ensemble, mais là elle avait décidé de ne plus le voir. Elle voulait me le dire elle-même. Elle lui avait dit le jour même après l’école que c’était fini.
-Juste quelques précisions, si tu veux bien. Qui est arrivée la première au pont de la chute Albert, c’est toi ou c’est elle ?
-C’est moi; je voulais savoir de quoi elle voulait me parler. Mais je n’ai attendu que quelques minutes.
-Comment elle était ?
-Comment ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
-Comment elle était quand elle arrivée ? Dans état quel était ? Quelle était son allure, son comportement ?
-Elle était normale. Moi, je regardais la chute et je l’ai entendue m’appeler; je me suis retournée et elle m’a fait un signe de la main. Tout allait très bien.
-Elle ne semblait pas nerveuse ou stressée ou angoissée ? Triste ou anxieuse ?
-Non; elle était comme d’habitude; on a juste jasé.
-Est-ce qu’elle avait l’air d’avoir peur de quelque chose, par exemple en regardant par terre ou autour d’elle ?
-Non, non; tout allait bien; il n’y avait pas de problème.
-Merci, Mélissa. Dis-moi comment elle t’a raconté sa rupture avec Alexandre ?
-Très calmement. Elle a dit que c’était fini avec lui, que c’était sa décision, et que c’était mieux comme ça.
-Avez-vous parlé d’autre chose ?
-Ensuite on a parlé de la fête d’Halloween qui s’en vient à l’école, en quoi on allait se déguiser, des choses comme ça. Puis ensuite on est parties chacune de son côté. C’était environ 7h40, 7h45.
Madeleine Roy se permet d’intervenir.
-C’est vrai. Mélissa est rentrée à 8 heures moins dix; tout était normal.
Roxanne reprend son investigation
-Sais-tu si elle avait son téléphone cellulaire ?
-Je ne sais pas, elle ne l’avait pas à la main, mais peut-être dans sa poche.
-Tu l’as vue repartir chez elle ?
-Ben, moi je suis repartie vers chez nous, mais je ne me suis pas retournée; non, je l’ai pas vue s’en aller directement.
-Est-ce que tu as vu quelqu’un d’autre ?
-Non, on était juste nous deux.
-As-tu vu quelque chose d’anormal ? Quelque chose qui t’aurait frappé ? Réfléchis bien. Prends ton temps. Repense à cette soirée de vendredi.
-Non, rien….
Un court silence.
-Tu hésites ?

-Maintenant que vous me posez la question, je crois que… Comme je suis arrivée quelques minutes avant elle, comme je l’ai dit j’ai regardé la chute. Mais bientôt elle est arrivée et elle m’a appelée de loin; je me suis retournée et là, en arrière, dans la courbe avant la descente, j’ai cru voir un mouvement, comme une autre personne qui se cachait derrière un arbre. Mais ça n’a duré qu’un clin d’œil, et comme c’était déjà le soir, je me suis dit que ce n’était que le vent ou peut-être un oiseau.

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