lundi 17 octobre 2016

Trahisons
Chapitre 20

                -Finalement, c’est une bonne chose que tu n’aies pas pu aller voir Émile Vadnais hier… Ce que nous a dit Guillaume, nous permet de mieux orienter nos questions.
                Roxanne était dans le bureau de son père. La lumière automnale y pénétrait par la large baie vitrée faisant malencontreusement briller les petites particules de poussière. Ils en étaient venus à la conviction que la mort de Joannie n’était pas accidentelle et que, non plus, cette mort n’avait rien à voir avec une quelconque affaire de dette de drogue non-payée à l’école par son ex-petit ami ou par quelqu’un d’autre. Ça ne tenait pas debout. Ils avaient aussi éliminé la possibilité que le son père ait pu s’en prendre à elle. Les relations entre lui et sa fille rebelle était certes exécrable, mais il avait un bon alibi : le soir où Joannie était allée rejoindre son amie Mélissa il était au travail à la quincaillerie.
-Plusieurs personnes pouvaient en témoigner. Il aurait pu s’absenter quelques minutes, mais jamais il n’aurait eu le temps de la suivre jusqu’au pont de la Chute-Albert, et là, il y aurait eu une dispute, une bousculade, et elle serait tombée dans la rivière. Non, tout ça aurait pris trop de temps.
Roxanne poursuit le raisonnement de son père :
-Et d’ailleurs il ne savait pas qu’elle devait rejoindre Mélissa au pont de la Chute-Albert. Comment aurait-il pu le savoir ? C’est plutôt du côté de l’église de la Sanctification qu’il faut regarder. Son arrivée y a provoqué tout un chamboulement, son parcours est inhabituel. D’habitude les nouveaux membres y adhérent en famille; bien des gens ont du se méfier de cette jeune fille bien qui arrivait là comme une cheveu sur la soupe, à commencer par le pasteur. Mais c’est surtout le passé trouble d’Émile Vadnais qui ne prêche pas en sa faveur et qu’il faudrait éclaircir.
                -On y a va aujourd’hui, et ensemble; en premier lieu chez le pasteur et ensuite avec lui, chez Vadnais.
                -Oui, je crois qu’il détient une des clés de cette affaire et il devra bien nous la donner d’une façon ou d’une autre.
                -Je les appelle tout de suite.
                Paul prend le téléphone. À l’autre bout du fil, une voix lui répond :
-Oui, bonjour…

-Comme nous vous l’avons dit au téléphone, ce n’est pas tant avec vous que nous voulons parler qu’à monsieur Vadnais. Mais quand je suis venue le confronter il m’a reçue de façon disons, très cavalière à la limite l’agressivité. Et la même chose s’est répétée lorsque je suis venue assister à la célébration dans votre église dimanche dernier. Sans l’intervention de monsieur Wheeler, il m’aurait jetée dehors sans autre forme de procès. Son attitude est suspecte. Est-ce qu’il agit comme ça parce qu’il ne veut pas nous voir creuser au fond des choses dans cette affaire, ou bien… ?
-Je peux vous dire qu’Émile est très zélé, c’est tout-à-fait exact. Cette église, c’est comme sa chasse gardée : il ne veut pas que eux qu’il considère comme des mécréants viennent, comment dire… la souiller.
-Nous croyons, dit Paul, qu’il pourrait à nouveau avoir la même attitude si nous retournons le voir; ce qui ne nous avancera à rien. Ainsi nous avons besoin de vous, nous voulons aller le trouver avec vous, pour un interrogatoire en règle, et cette fois-ci au poste de police même.
-Vous…vous croyez qu’il est coupable ? demande Francine, la femme du pasteur, avec une teinte d’anxiété dans la voix.
-Nous ne pouvons pas répondre à cette question; nous ne voulons pas influencer votre comportement ni celui de votre mari. Nous voulons simplement que à ce qu’il nous aide, sans aucune idée préconçue, à ce que cet interrogatoire soit bien mené.
-D’accord, je viendrais
-Autre chose nous allons avoir besoin de vérifier les appels sur son téléphone cellulaire; nous allons lui demander de nous le donner pour faire des vérifications, s’il résiste nous comptons sur vous pour le faire coopérer.
-Tout cela est vraiment étrange ! Comment pouvez-vous dire que vous ne le soupçonnez pas !
-Nous le ne soupçonnons pas, nous voulons simplement l’interroger sur quelques points bien précis dans les meilleures conditions.
Paul renchérie sur les propos de sa fille :
-Écoute, pasteur Bellavance, c’est vrai, vous avez le droit de nous refuser notre aide; mais en ce cas je demanderai une injonction à un juge pour précéder et nous arriverons au même résultat, mais avec beaucoup de publicité. On dira peut-être dans les journaux que les responsables de l’église de la Sanctification n’ont pas voulu coopérer à l’enquête; peut-être même qu’ils sont complices de ce crime. Je ne crois pas que cette publicité vous tente vraiment. Nous croyons simplement que ça ira plus facilement et plus rapidement avec votre aide. D’ailleurs ne voulez-vous pas vous non plus, vous et votre femme, que la lumière soit faite sur cette triste histoire ?
-Oui, vous avez entièrement raison, inspecteur, Mon mari ira avec vous chez Émile Vadnais, et moi je demanderai au Seigneur de vous accorder sa grâce pour la réussite de votre entreprise.
-Merci madame. Vous pouvez venir aussi…
-Non, je préfère rester ici pour prier le Seigneur.
-Dans ce cas, allons-y.
-Est-ce que je peux prendre ma prendre voiture ?
-Oui, bien sûr; je n’y vois pas d’inconvénient.
-Est-ce que vous me permettes de monter avec vous ?
-Heu… oui; bon, d’accord.

Une fois en route, Roxanne interroge le pasteur :
-Pourquoi avoir pris Émile avec vous quand vous êtes venu de Montréal pour fonder un église dans la région ? Est-ce qu’il avait eu des problèmes dans votre ancienne église et qu’il fallait, disons, l’éloigner un peu ?
                -Non, pas vraiment des problèmes; non. Émile est un homme plein de zèle pour le Seigneur, animé d’une foi ardente, parfois… qui parfois s’extériorise très fortement. Nous n’avons rien, bien sûr, contre le zèle de la foi ni contre le souffle de l’Esprit qui souffle où il veut et chez qui il veut, bien au contraire ! mais parfois il faut renouveler l’équipe de responsables pour le bien de la communauté. Il faut amener des forces vives, des forces fraîches; il y a toujours une évolution, une église ne peut rester immobile sinon on finit par prendre des mauvaises habitudes. Personne ne s’était jamais plaint directement, mais on savait que certaines personnes, surtout parmi les nouveaux membres le trouvait un peu trop exigeant, un peu trop envahissant. Alors au Conseil on a pensé qu’il serait bon d’offrir à Émile des nouveaux défis. C’est pour ça que lorsque l’Assemblée a décidé d’ouvrir une nouvelle église dans l’Outaouais, et que j’ai été désigné pour en être responsable, on a décidé qu’il viendrait avec moi.
                -Est-ce qu’il y avait des histoires d’agressions sexuelles ou de harcèlement ? C’est un célibataire endurci après tout ?
                -Non, jamais; ça l’aurait immédiatement disqualifié pour quelque travail que ce soit dans l’église, nous sommes très stricts là-dessus. Ça n’aurait jamais passé. C’est bien le contraire : en de domaine Émile prône un code moral très strict, ce qui est en accord avec notre lecture de la Bible.
                -Mais des écarts de conduite, ça arrive.
                -Oui, ça arrive malheureusement. Dans ce cas, il y a toute une procédure; nous nous invitons la personne à se repentir et à demander pardon à Dieu. Parfois il y rencontre avec la victime. Nous pour le mariage, et pour les célibataires, nous préconisons l’abstinence dans la prière et l’abandon à Dieu.
                -L’abstinence…
                -Oui, c’est que l’apôtre Paul déclare dans sa Lettre aux Corinthiens !
                -Autre chose : pourquoi est-ce que le père de Joannie a réagi comme il l’a fait lors des funérailles ?
                -Je ne sais pas, c’est sans doute la souffrance qui l’a poussé à un tel sursaut de colère devant tout monde. Il comme perdu la tête. Perdre un enfant, c’est toujours un drame; et c’est inimaginable de perdre son enfant dans ces conditions. Peut-être que ça le rend fou de douleur et qu’il faut qu’il trouve un bouc émissaire; il s’est tourné vers moi. La colère… Ça n’allait pas bien avec sa fille et peut-être avec sa femme, et ses fils… je ne sais pas. C’est malheureux; très malheureux; il faut qu’il trouve un coupable.
                -Est-ce que vous le connaissiez ?
                -Non, je ne l’avais jamais vu; je ne le connaissais pas…
                -Comment vous a -t-il reconnu ?

                -Je ne sais pas… Sans doute qu’il a vu ma photo sur le site de l’église…

1 commentaire:

  1. super merci David : nous attendons la suite des enquêtes de Roxanne et de son père!

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