Meurtre à la mosquée
Chapitre 2
À peine huit minutes, après le coup de téléphone de Nawaz
Ayub Zardai au 911, la sirène de deux autos-patrouille se fait entendre. Le
service d’urgence avait transmis l’appel au poste de la Sureté de Québec. Le
policier qui avait répondu avait tout-de-suite fait signe à Roxanne
Quesnel-Ayotte était l’officière de garde ce vendredi soir-là. La mosquée de Papineauville
n’est qu’à quelques pâtés de maison du poste de police. Juste le temps de faire
aller les gyrophares et les voilà arrivés. Comme il s’agissait
vraisemblablement d’un homicide, les policiers étaient à deux voitures de
police; Roxanne était montée avec Daniel Turgeon et elle avait demandé aux
agents Isabelle Dusmenil et Sébastien Grenier de monter dans l’autre. Et comme
ne fallait pas laisser le poste de police sans aucune voiture disponible et par
mesure de précaution, elle avait aussi alerté les deux autres équipes qui
étaient en patrouille dans la région et leur faisant dire s’en revenir au poste
de Papineauville et de se tenir prêtes à leur venir en aide.
Nawaz est déjà dehors, sur le parvis. Il fait signe
aux policiers.
-C’est vous Nawass… Nawaz… Ayub... Zardai ?
Excusez-moi, ma prononciation ne pas être très bonne.
-Ça ne fait rien. Oui, c’est moi qui ai téléphoné. Venez
vite ! le corps dans le bureau en arrière du bâtiment. Nous allons passer à
travers la mosquée.
Roxanne et Turgeon le suivent à l’intérieur; elle
indique aux deux autres de rester dehors et d’empêcher quiconque de pénétrer
dans la mosquée. La mosquée a pignon sur une rue qui longe le centre d’achat, ce
qui est fort pratique pour y parvenir; la communauté a été obligée de négocier un
arrangement avec les propriétaires du centre d’achat pour utiliser quelques
places de stationnement les vendredis. Une entente qui sera bientôt temporairement
suspendue alors que le magasinage des Fêtes débutera la semaine prochaine. La
mosquée est un bâtiment assez conventionnel avec une façade sans grand éclat si
ce n’est la double porte principale élégamment ouvragée. La seule chose qui la
différencie vraiment, c’est son minaret dans le coin doit de la façade, qui n’est
pas très élevé, réglementations municipales obligent, mais qui nul ne peut s’empêche
de remarquer tant il semble incongru dans cet environnement urbain.
-C’est vous qui avez trouvé le corps ? demande Roxanne
à leur guide
-Non, c’est l’imam Murama. Moi, je suis venu à son
appel.
-Pourquoi il n’a pas appelé la police lui-même ?
-Je crois qu’il était un peu paniqué.
-Où se trouve le corps ?
-Venez, je vais vous montrer.
Une fois la double porte franchit, on arrive dans un
hall qui fait toute la largeur du bâtiment; certainement l’endroit où les gens
se déchaussent, ou se dévêtent en hiver. À droite au fond de ce hall d’entrée, Roxanne
aperçoit un escalier au fond qui monte au balcon. Il y a aussi une autre porte face
à l’entrée principale, probablement pour rentrer dans la salle principale, mais
Nawaz les dirige plutôt vers la gauche où un couloir prolonge à angle droit le
hall d’entrée. Au bout de ce couloir se trouvent deux portes qui se font face.
En jetant un coup d’œil à droite, Roxanne, s’aperçoit qu’ils ont longé la salle
principale; elle un peu plus longue que large, haute de deux étages, on n’y
voit pas beaucoup de meubles, mais des tapis sur le sol. Une niche dans le coin
à droite opposé à l’entrée presque qu’en face de la porte par où regarde
Roxanne, d’où l’imam fait ses prêches. Rapidement elle voit une petite
colonnade qui soutient le balcon.
-Voici la salle de prières, confirme Nawaz; et voici l’imam
Muhammad Ali Murama, c’est lui qui a trouvé le corps.
L’imam se tient très droit immobile, comme prostré, tout
seul dans la salle, la tête basse, les avant-bras croisés sur sa poitrine. Il
lève à peine les paupières à l’arrivée des policiers. Il semble les saluer d’un
hochement de tête, mais Roxanne se dit que ce geste pourrait bien faire
simplement partie de ses incantations. Ce qui surprend le plus Roxanne ce sont
le traces de pas ensanglantés.
En leur indiquant l’autre direction, Nawaz prévient les
policiers :
-Attention, il y a du sang dans le couloir; l’imam a
beaucoup marché. Mais à part ça je crois que "les lieux du crime",
comme on dit, sont restés intacts.
Roxanne écarquille les yeux; elle et son coéquipier ne
peuvent que se rendre compte, en effet, que l’imam « a beaucoup marché » :
le couloir est rouge, rouge de sang, de traces de pas qui semblent aller dans
toutes les directions.
-Ici, c’est le centre culturel, reprend Nawaz Zardi.
Nous longerons la bibliothèque à droite et la salle d’étude et à gauche ce sont
les bureaux administratifs. Le corps est dans le deuxième bureau là où la porte
est restée ouverte.
-Restez ici, je vais longer les murs et marcher le
plus possible sur les côtés pour ne pas rendre les lieux pires qu’ils le sont,
dit-elle.
En marchant sur le bord du mur pour ne pas marquer les
sol de ses empreintes, Roxanne se rend jusqu’à la porte en question. Devant, elle
s’arrête. En voyant le corps ensanglanté, lâchement écrasé sur sa chaise, elle a
petit un mouvement de recul incontrôlé et laisse échapper une exclamation.
-Vite, Turgeon appelle une ambulance. Et appelle
Samuel, qu’il vienne avec son appareil de photo. Moi, j’appelle mon père, il
faut qu’il vienne tout de suite.
-Allo, papa ? C’est moi. Il faut que tu viennes à la
mosquée, tout de suite !
Juliette a commencé à faire lire à Paul les classiques
de la littérature mondiale, des Raisins
de la colère aux Misérables, en
passant par 1984, La vie devant soi, Cent ans de solitude, Don Quichotte,
L’Étranger et Germinal, et lui en échange il fait son éducation
cinématographique. Au moment de l’appel de Roxanne, ils étaient bien gentiment
en train de regarder L’arbre aux sabots,
le chef-d’œuvre de Ermanno Olmi, une bouteille de vin sur la petite table du salon de sa maison de
Plaisance.
-Papa, tu sais que je ne te dérangerai par pour rien.
-Oui, j’arrive…
Il raccroche.
-Je suis désolé, Juliette; l’autre femme de ma vie a
besoin de moi !
Le corps est affalé sur la chaise, la tête pendant
affreusement en arrière; la bouche est restée grande ouverte comme si elle
voulait aspirer tout l’air possible, les gras ballant. Il a une large blessure
à l’abdomen, d’où suinte encore le sang. Le bureau n’est pas très grand, les
murs sont de couleur ocre; une fenêtre dans le mur arrière donne sur une petite
cour et l’on voit, plus loin, les lumières de quelques maisons de l’autre côté.
Le soir d’automne est tombé. Il y a un ordinateur sur le bureau, encore allumé;
des papiers jonchent le bureau, un tiroir est resté ouvert. En plus de la
chaise sur laquelle git la victime, Roxanne en voit deux autres dans le coin
près de la fenêtre. Il y a plusieurs affiches sur les murs, des inscriptions
qui lui semble en arabe, des illustrations, la photo de ce qui semble être une
mosquée au Moyen-Orient.
Son père arrive qui regarde la scène à son tour. On
entend la sirène de l’ambulance dans la nuit.
En faisant bien attention où elle pose les pieds Roxanne
va constater, ce dont elle ne doute pas, que cet homme est mort.
En pointant la porte à l’extrémité du couloir, Paul
demande à Nawaz :
-Je suppose que cette porte donne sur l’extérieur, n’est-ce
pas ?
-Oui, c’est ça.
-Turgeon dit aux ambulanciers de contourner le
bâtiment et de passer par ici; je vais leur ouvrir la porte.
Roxanne intervient : « Mais dit leur d’attendre
un peu, il faut prendre les photos avant.
Samuel arrivera quelques instants plus tard, et
photographiera la scène sous toutes les coutures; puis les ambulanciers s’occuperont
du corps. Devant la mosquée; il y a déjà un petit attroupement de curieux
attirés par les gyrophares.
-Savez-vous de qui il s’agit ? demande Paul à Nawaz Ayub
Zardai.
-Oui, bien sûr; c’est Amir Mawami, le gestionnaire de
la mosquée et du centre culturel. C’est un membre bien en vue de noter
commuanuté.
C’est vous qui avez trouvé le corps ?
-Non, c’est l’imam Muhammad Ali Murama.
-Bon, on va aller le voir.
L’imam Murama est toujours prostré dans la salle de
prières. À leur arrivée, il regarde par en-dessous désemparé.
-Bonsoir, imam. Dites-moi ce qui s’est passé…
-Attendez, monsieur l’inspecteur, je vais traduire.
L’imam ne parle pas le français, et pas beaucoup l’anglais.
-Vous dites qu’il ne parle ni le français, ni
l’anglais, mais comment on va faire pour l’interroger ? C’est lui le principal
suspect.
-Mais je peux traduire si vous voulez.
-Non, je ne peux me fier sur ce que vous dites. Vous faites partie des témoins dans cette affaire. Il me
faudra un traducteur autorisé. Pour l’instant qu’il reste ici.
Il se tourne vers Roxanne :
-Peux-tu me trouver ça ? Vous, monsieur Nawaz… dites-moi
vous ce que vous savez. Mais attention, je dois vous avertir que vous n’êtes
pas obligé de répondre et que tout ce que vous direz pourra se retourner contre
vous.
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