lundi 15 janvier 2018

Cela se passait près d’un lac
Chapitre 13

                Après le tour du salon et de la cuisine, Roxanne entraîne son père à l’étage de la petite maison. En plus de la salle de bain, à droite au fond du couloir se trouve, on y trouve trois pièces : une chambre à coucher de bonne taille, un bureau de travail et une chambre de débarras.
                -Commençons par celle-ci. C’est la plus facile.
                Roxanne a déjà ses gants de caoutchouc; elle ouvre la porte.
                -Je te laisse regarder. Je ne veux pas t’influencer.
                Même si une petite fenêtre laisse entrer un peu du soleil blafard de l’hiver, Paul allume pour mieux voir. Après un long coup d’œil, il ne peut que constater qu’il ne voit rien de particulier dans la petite pièce. Il n’y a rien qu’un amoncellement de boîtes vides ou pleines, deux vieux ordinateurs qui attendent d’être envoyés à la récupération, et surtout de nombreuses piles de journaux et de vieux magazines; une planche à repasser est posée dans un coin, avec des raquettes en tous genres, de tennis et de neige, des roues de vélo, une lampe sur pied non-branchée.
                -Qu’est-ce que je dois voir ?
                -Je ne sais pas… Peut-être un autre cadavre ! Tiens, ça serait intéressant !
                Paul sourit et éteint.
                -Voici sa chambre maintenant, dit Roxanne en traversant le couloir
                Le lit est encore défait, mais on peut facilement voir que la dernière fois qu’on l’a occupé, une seule personne y a couché. Deux petites tables encadrent le lit, une de chaque côté avec deux fois la même petite lampe en métal argenté. Dans un coin, près de la fenêtre sud, se trouve une sorte de causeuse que des coussins aux couleurs vives rendent très invitante. À portée de main : une petite pile de livres et de revues. Enfin, une armoire stylée à miroir à tiroir occupe une bonne partie du mur du fond. Le long de la fenêtre, est placée une étagère de plantes vertes.
                -Il faudrait les arroser, se contente de dire Paul en circulant dans la pièce.
                Roxanne s’approche de la commode et l’ouvre :
-Petit détail intrigant parmi l’ordre évident de cette chambre : ces deux tiroirs vides, ou vidés.
                -Comme si quelqu’un y avait retirer des affaires ?...
                -Oui, probablement; C’est assez rare que quelqu’un laisse un tiroir de commode vide; généralement, même dans les tiroirs de trop, on y met un oreiller, ou une couverture, même si c’est pour ne jamais s’en servir. On arrive toujours à trouver quelque chose à y mettre. Donc, il aurait vécu avec un autre homme, pendant quelque temps et cet homme l’aurait quitté, il n’y a pas très longtemps.
                -Il n’y a pas de chambre d’amis…
                -Peut-être recevait-il ses amis dans sa propre chambre…
                -Mais tu ne m’as dit qu’il avait des enfants ?
                -Oui, un garçon Yves-Éric, qui vit en Colombie-Britannique, et une fille, Léonie c’est elle que j’ai rencontrée avec Isabelle. Mais Léonie habite à Ottawa, elle n’a pas besoin d’une chambre d’ami, et je ne pense que son fils venait souvent le voir, et quand il le faisait, il devait aller à l’hôtel ou alors chez sa sœur.
                -C’est vrai.
                Ils sortent de la chambre et retraversent le couloir.
                -Et voici son bureau… avec un ordinateur, qu’il faudra envoyer à Yannick.
                -Ce n’est pas ma juridiction, mais ça ne fera pas de problème; la mort suspecte a eu lieu sur notre territoire et on devrait pouvoir l’obtenir pour regarder à l’intérieur.
                Il y a un bureau de travail tout simple, passablement encombrée avec, à nouveau, des revues, des journaux, des livres, des dossiers.
                -C’est ici, dans la poubelle que j’ai trouvé une lettre adressée au nom de Jasmin Vincelette, l’homme avec qui il vivait et qui l’aurait quitté récemment; mais tiens-toi bien, c’était un compte de carte de crédit et je peux te dire que le compte débordait pas mal : un compte pour plus de 13 000 dollars !
                -C’est beaucoup.
                -Mais à part ça, je n’ai trouvé aucun indice qui pourrait nous aider à comprendre où il s’en allait samedi dernier, à supposer qu’il soit mort samedi soir et qu’on l’ai jeté dans le lac dans la nuit du samedi au dimanche.
                -Et dans la salle de bain ?
                -Certainement bien des traces d’ADN ce Jasmin Vincelette mais c’est l’équipe de prélèvements qui nous le dira.
                Paul ouvre la porte de la salle de bain et jette un coup d’œil : un ensemble de serviettes bleu foncé pend au support. Au bord de l’évier, se mêlent savon, crème à barbe, désodorisant. Il ouvre la pharmacie.
                -Il ne semble pas qu’il prenait des médicaments. Je ne vois que des Tylénol et du sirop contre la toux.
                Paul et Roxanne redescendent. Dans l’escalier, Roxanne réfléchit tout haut :
-Je remarque que sans être trop luxueuse, la maison est convenablement meublée. Les meubles, les objets décoratifs ont été choisis est disposés avec soin. Regarde, par exemple… sur ce mur de l’escalier, on a une série de quatre petits tableaux de peintures sur soie… On ne voit pas ça souvent, mais c’est très bien agencé : les toiles de couleurs chaudes, jaune, orange, violacé et rouge, alternent avec celles de couleurs froides, vert, mauve, bleu… C’est très invitant. Si c’est Simon-Pierre Courtemanche qui les achetés et installés, ça révèle un goût artistique certain.
-Hmm… oui.
-Regarde les meubles aussi; ceux dans haut étaient plutôt métalliques, mais ceux du rez-de-chaussée sont pour la plupart en bois ou en teintes de bois. Regarde, d’ici les fauteuils du salon, ils sont dans les coloris de beige avec des accoudoirs en bois. Et regarde cette petite table en bois d’acajou sur laquelle sont posées les revues, comme elle s’agence très bien avec l’ensemble… Hé ! Tu m’écoutes ?
-Répète, répète ce que tu viens de dire…
-Une petite table en acajou sur laquelle sont posées les revues et qui s’agence très bien avec l’ensemble.
-C’est ça… tu as raison…
-Quoi ?!
Paul prend sa fille par la main.
-Viens voir…
Et l’entraîne dans le salon.
-Qu’est-ce que tu vois sur cette petite table ?
-Des revues… posées là, pêle-mêle… et puis aussi un dessous de verre qui a l’air d’avoir été ou…
-Tu vas trop loin… Regarde parmi les magazines, il y a Fugues, la revue de la communauté LGBTQ du Québec, et juste en-dessous, la revue Relations !
-Et alors…
-Premièrement, on se s’attendrait pas à la trouver ici, mais bon… c’est surtout, que c’est la revue des jésuites…
-Des jésuites ?!... La communauté…
-Oui, la communauté religieuse à qui appartient le lac dans lequel a été trouvé le corps de Courtemanche, la communauté à laquelle appartient, ce frère, Jean-Marc Bouchard, qui a appelé le service d’urgence…
-Hmm… J’aimerais dire que « c’est peut-être un hasard », mais tu me reprendrais là-dessus.
-Et tu aurais raison ma belle. On ne peut pas simplement dire que c’est un hasard sans avoir vérifié… Une autre visite au père Bouchard s’impose, et aussi une investigation sur tous ceux qui ont séjourné au chalet du lac Dansereau depuis, mettons les six derniers mois.
-Oui… mais en attendant, nous avons un autre rendez-vous qui nous attend : Jasmin Vincelette.
-Allons-y. J’appelle mon vis-à-vis pour l’ordinateur et je te rejoins. Pendant ce temps, tu pourrais aller fureter dehors autour de la maison, juste pour voir.

C’est par la télévision que Jasmin Vincelette avait appris la mort de son ex- amant, ex-amoureux, ex-conjoint, ex-compagnon ? Il ne savait pas trop ce qu’ils avaient été. Amants certainement… Ils s’étaient rencontrés dans un bar d’Ottawa au cours d’une soirée consacrée à la drague et Simon-Pierre l’avait invité à terminer la nuit folle chez lui. Une offre qu’on ne peut humainement absolument pas refuser ! Et Jasmin était resté dans sa vie. Pendant quatre ans. Quatre ans stables, c’était sans doute un record, mais bon, la vie était ainsi faite que même les meilleures ont une fin.
Il s’attendait bien à la visite de la police un jour ou l’autre. Quand il avait vu l’annonce de sa mort – par noyade !, dans un lac perdu des Laurentides ! Quelle histoire ! – il s’était demandé s’il devait aller trouver la police de lui-même… et le temps de jongler avec cette idée sans pouvoir se décider, hier soir le coup de téléphone était venu : les policiers de Papineauville viendraient le rencontrer chez lui en après-midi. Mais il savait déjà ce qu’il allait leur dire !

La vérité, tiens !

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