lundi 5 mai 2014

L’accident

                C’était une magnifique matinée en ce début d’été de 1895 dans la petite allemande de Passau. La population commençait à se réveiller. Le soleil se reflétait sur les grandes montagnes des Alpes et les faisait scintiller. La ville se trouve au confluent du grand fleuve le Danube et de deux rivières, l'Inn et l'Ilz, qui s’y jettent. Au sud de la ville, on peut même différencier les trois cours d'eaux à l'endroit où ils se rejoignent.
Mais ce matin nul n’y prêtait attention. La ville était déjà bruyante, car c’était jour de marché. La place principale sur la cathédrale du 13e siècle, est l’endroit la plus animé de la ville. Les cultivateurs sont arrivés des campagnes avoisinantes vendre leur produits, de même que les bouchers, les saucissoniers, les poissonniers, les fromagers, les boulangers ont dressé leurs comptoirs…  Les maquignons et les marchands de bétail étaient là aussi. Les rémouleurs, les cordonniers, les marchands de tissus de toutes les couleurs, installaient leurs boutiques. Pendant des siècles la ville a été célèbre dans toute l’Europe comme centre important de forge de lames d’épées d’excellente qualité qui étaient signées d’un loup courant (le fameux « Loup de Passau »); haches, ciseaux , houes, lances et pertuisanes étaient sorties en grande des ateliers de Passau. À la fin du 19e siècle, il restait encore plusieurs forges dans les ruelles débouchant sur la grande place; on entendait les coups de marteaux qui cognent ; on pouvait même voir les étincelles qui jaillissent par jets aussi subits que saisissants.
On s’activait, on criait; on s’interpelait de côté à l’autre des étals pestant contre l’étroitesse des lieux qui ne permettait pas à toutes les charrettes de circuler, en essayant de couvrir les beuglements de bovins, les bêlements des moutons, les caquètements des poules et des canards, jusqu’aux cochons qui couinaient sans arrêt.
Un petit garçon blond en culotte courte à bretelle courait d’un côté à l’autre tout content et tout excité d’accompagner sa mère Klara et sa demi-sœur de onze ans Angela au marché. Il y avait tant de choses à voir, à découvrir, à voir, à entendre pour un enfant de six ans. Klara, son grand panier sous le bras s’en amuse tout en ne le laissant pas trop s’éloigner. Ses trois premiers enfants sont déjà morts en bas âge de la diphtérie, et celui-ci, son aîné, est un peu son préféré. Elle ne veut surtout pas qu’il lui arrive quelque chose; mais il est resplendissant de santé, se sourit-elle, et il a besoin de se dépenser un peu. Un autre petit garçon Edmund est né l’année dernière et elle croit être de nouveau enceinte. Elle s’occupe aussi des deux premiers enfants de son mari, dont elle est l’ancienne servante, Aloïs junior et Angela. Son mari Aloïs était jusqu’à récemment inspecteur des douanes, un bon emploi qui assurait une certaine aisance à la maisonnée. L’année dernière, il avait déménagé sa famille de Braunau am Inn en Autriche-Hongire à Passau du côté allemand de la frontière.
Karla est fière de son petit garçon qui a fait son entrée à l’école du village, il y a quelques semaines, au début du mois de mai, elle qui n’a jamais pu y aller. Ses affaires sont toujours si bien rangées; et quand il joue aux cow-boys et aux indiens, il veut toujours être le chef. Le marché est un terrain de jeu extraordinaire. Il a la tête pleine d’images de conquêtes fabuleuses.
- Attention ! Attention !!
C’est une bête qui vient de s’échapper, une vache déjà nerveuse, rendue folle par le tapage. Le fermier essaye de la rattraper.  Trop tard… la bête emballée ne peut pas être maîtrisée et fonce comme un boulet de canon sans tenir compte des obstacles. Elle renverse le petit garçon blond qui n’a pas eu le temps ou le réflexe de se protéger et le fait rebondir à plus de dix mètres. Il retombe lourdement sur les pavés. Il gît inerte, le cou rompu. Sa mère accourt, affolée, angoissée. En même temps, quelques mètres plus loin, la bête enragée est abattue.
-Mon petit Adolf ! Mon petit Adolf ! Non, non, ce n’est pas vrai, crie-t-elle avec désespoir. Elle pleure, elle se lamente. Elle a pris son petit garçon dans ses bras et s’est mis à le bercer comme si elle pouvait le ramener à la vie.
Elle fait peine à voir.
-Il était si gentil ! Si mignon ! Il venait tout juste commencer l’école;  c’est le premier de la famille qui pouvait aller à l’école. Il aurait pu accomplir de grandes choses. J’aurais été si fière de lui.
Deux  voisines qui connaissent bien le petit garçon et sa mère s’approchent; l’une console Angela et l’autre prend la mère par les épaules et le redresse.

-Quel malheur ! Venez avec moi; je vais m’occuper de vous, madame Hitler. »

2 commentaires:

  1. Bonjour David,
    J'avoue que cette nouvelle du jeune Hitler ne m'inspire guère....
    Bien à toi, cordialement Dominique

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  2. Merci David pour tes bonnes histoires!
    J’admire ta détermination et ta fidélité à raconter... et ce, pour le plaisir de tes lecteurs. Bonne continuité!
    Mireille

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