lundi 14 mars 2016

Les petits enfants
Chapitre 11

                Toujours au bord de l’excavation où ont été trouvés les restes humains, un peu perdue dans ses pensées, Roxanne constate en se retournant que messieurs Valiquette et Binet n’ont pas traîné. Déjà, quelques ouvriers arrivent et commencent avec force vociférations et gesticulations à éloigner les curieux, curieux qui voudraient bien rester, mais qui ne font pas le poids. Elle se dirige vers Turgeon et Manuel et leur demande de graduellement enlever le cordon de sécurités au fur et à mesure que les gens auront quitté les lieux. Le chantier pourra reprendre comme prévu cet après-midi.
                -Quand ce sera fini, ce sera proche de l’heure du midi; vous pourrez aller manger. Avant de retourner au poste, vous n’aurez qu’à demander si on a une nouvelle affectation pour vous. Pour ce qui est d’ici, je veux parler de la surveillance des lieux, c’est fini pour nous. Il n’y a plus rien d’autre à faire.
                -Et toi tu restes ?
                -Je vais aller rejoindre Isabelle, qui fait un travail d’archéologue dans les bureaux de la municipalité.
                Elle revient ensuite à sa voiture. Elle décide de faire un long détour pour se rendre aux bureaux de la municipalité, et se dirige vers la sortie de Lac-des-Sables, pour emprunter l’ancienne route, celle qui passe au cœur du village. Exprès, elle roule lentement pour une bonne reconnaissance des lieux. De l’embranchement de l’ancienne et de la nouvelle route, on n’aperçoit qu’un tout petit triangle bleu du lac. Tous les gens qui passent sur la route n’ont aucune idée du charme des lieux. Quelques maisons très simple se dressent dans les bosquets de gauche; à droite de la route la pente est trop escarpée et les maisons plus rares. Plusieurs petits chemins de terre se découvrent entrent les arbres, la plupart fermés par une chaîne ou une barrière. Tous des chemins qui mènent à des chalets ou des résidences sur le bord du lac. Bientôt se font plus nombreuses les maisons (et plus récentes), surtout du côté gauche, et des établissements commerciaux apparaissent : un dépanneur, un garage, un premier motel, puis un deuxième, un club vidéo, deux ou trois restaurants avec terrasses bondées, le bureau de poste… c’est le cœur du village. Roxanne dépasse les bureaux municipaux à sa droite. Elle roule encore en peu et une centaine de mètres plus loin, elle voit l’annonce de la plage municipale; à droite de la route, le stationnement, rempli de voitures, avec toute une série de directives et d’interdits, à gauche le petit sentier qui mène au lac. Les gens se retournent et la regarde passer; quelqu’un lui crie quelque chose qu’elle ne comprend pas. Elle s’arrête et descend. Appuyée sur la portière elle peut enfin voir, et ce pour la première fois se rend-elle compte, ce magnifique Lac-aux-Sables. Elle se dit qu’effectivement le lac est magnifique avec ses eaux azurées dans lesquelles se mirent paisiblement les montagnes verdoyantes de sa rive ouest. En automne, avec les couleurs, ce doit être extraordinaire. Comment ça se fait que je ne suis jamais venue ici ?
                Elle n’est à Papineauville que depuis quatre ans et elle n’a certes pas encore fini de découvrir tous les secrets de la région. Ce vrai qu’il n’a pas eu souvent l’occasion de passer par ici en quatre; elle est à l’extrême limite de la juridiction du poste de son père. Je me demande bien ce qu’il lui a pris à celui-là : me confier une enquête à moi toute seule ! Il a le droit, c’est sûr; certaines enquêtes qui ne nécessitent pas trop d’effectifs sont parfois confiées à un seul enquêteur. Mais bon, probablement qu’il aime bien ce que je fais. Au moins, je sais que je n’ai pas à chercher à l’impressionner… mais ce serait bien quand même si j’arrivais à résoudre le secret de ce mystérieux squelette.
Elle sort de sa méditation et retourne à l’hôtel-de-ville; elle trouve là, dans une des salles, sa collègue Isabelle et Claude Parisien, ainsi que la secrétaire Martine Beausoleil, complétement cachés derrière un amoncellement de boites, de filières, de paperasses. Quel fouillis !
                -Bonjour, Isabelle. Bonjour monsieur Parisien. Alors est-ce que ça avance ?
                -Ah, te voilà, Roxanne ! Oui, disons, que ce n’était pas facile, mais grâce à la « collaboration » de monsieur Parisien, et aussi celle de Martine Beausoleil, nous avançons un peu.
Roxanne salue la secrétaire : « Bonjour. Merci de nous donner un coup de main. »
-Oh, ça va. On découvre des choses intéressantes.
Isabelle reprend : « Nous avons tous les procès-verbaux pour 1978, toutes les offres de service, la liste des conseillers, la liste des habitants… pas mal de choses sur les commerces.
-Il fait dire que 1978 était une année d’élections municipales, ça aide grandement !
                -Pour le reste il faudra aller à l’école, ou à la commission scolaire, les différents établissements commerciaux comme les hôtels et les magasins. Il y a sûrement des archives là aussi.
                -Si vous me disiez ce que vous cherchez, ça pourrait aller plus vite; je ne sais pas si le maire, Jean-Guy Sauvageau, accepterait un tel envahissement dans ses bureaux.
                -Monsieur Parisien, vous pouvez toujours lui téléphoner en Alaska, ou alors je peux même aller chercher un mandat, si vous voulez !
                -Montez pas sur vos grands chevaux; mais il faudra bien dire quelque chose à la population. Qu’est-ce que vous avez trouvé  dans le trou du chantier ?
                -On a trouvé un squelette…
                -Un squelette ? Un squelette mort !?
                -Ben, en général, si c’est un squelette, c’est qu’il est mort.
                -Un homme ou une femme ?
                -On le se sait pas encore.
                -Comment il était ?
                -Je ne comprends pas ?
                -Est-ce qu’il était complet ? Est-ce qu’il manquait des parties ?
                -Non, non, il était complet…
                -Est-ce… est-ce qu’il avait les pieds dans le ciment ?
                -Je vois où vous voulez en venir…
                -Vous savez à cette époque, c’était pas rose sur le chantiers; c’était pas des enfants de chœur.
                -Non, il n’avait pas les pieds dans le ciment, si c’est ce quoi nous pensez… Bon, voulez-vous prendre une pause pour le dîner ?
                Martine Beausoleil intervient : « On a presque fini, il nous reste que ces deux filières à fouiller; on pourrait terminer et arrêter après, non ?

                -Avez-vous trouver des photos ?
                -Quelques-unes, mais pas beaucoup.
                -On la photo du conseil de ville. Des photos du maire de l’époque participant à diverses activités. Des photos de la campagne électorale.
                -Je ne crois pas qu’on a trouvera beaucoup plus; ce n’est pas le genre de documents que nous conservons dans les archives. 
                -C’est dommage.
                -Je pense que j’ai une idée : vous pourriez aller rendre visite à Juliette Sabourin, la bibliothécaire.
                -Elle aurait des photos de cette époque ?
                -En fait, je ne sais pas exactement, mais je sais qu’elle ramasse tous les livres qu’elle peut, tout ce qu’on lui donne. Par exemple quand un couple doit quitter sa maison pour aller vivre en résidence ou à la mort d’une personne âgée, le plus souvent les enfants vident la maison et ne gardent rien. Alors, en plus des livres pour sa bibliothèque, on lui apporte aussi de pleines boites de souvenirs de familles. Peut-être qu’elle aurait trouvé là-dedans des photos d’époque et peut-être des photos qui pourraient vous intéresser.
                -Pourquoi vous dites "sa" bibliothèque; c’est chez elle ?
                -Non, non, c’est dans l’ancien presbytère. Mais c’est son projet à elle et elle y consacre toutes ses énergies, c’est un peu comme son bébé.
                -Où est-ce qu’elle se trouve la bibliothèque ?
                -Comme j’ai dit elle est installée dans l’ancien presbytère; c’est à quelques pas d’ici. Vous êtes sûrement passée devant en venant ici. Mais c’est fermé aujourd’hui, c’est ouvert trois avant-midis par semaine, mardi, mercredi et vendredi. Demain vous pourrez la voir, si vous voulez.
                -Bon, je vous laisse terminer. Isabelle, je t’attends pour aller manger ensemble. On va pouvoir se parler.
                -Oui, ça me va.


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