lundi 5 septembre 2016

Trahisons
Chapitre 14
                Paul jette un coup d’œil rapide à sa fille toujours appuyée sur le mur du fond de son bureau en arrière du pasteur; elle lui fait un rapide signe avec le doigt et le faisant tourner sur lui-même, signifiant à son père de poursuivre l’entretien.
                -Une dernière question, monsieur Bellavance. L’une des piste étudiées pour expliquer la mort de Joannie, est qu’elle aurait pris rendez-vous avec quelqu’un pour… on ne sait pas trop; pour s’enfuir ? pour faire une fugue ? pour s’éloigner quelque temps de ses parents ? L’avez-vous vue ce vendredi de sa mort ? Ou vous aurait-elle contacté ce vendredi-là ?
                -Moi ? Non, bien sûr; je m’attendais à la voir le lendemain samedi pour la répétition de la chorale et des musiciens, mais elle ne s’est pas montrée. Sur le coup, je me suis bien posé la question sur ce qui avait bien pu se passer, mais j’étais loin de penser qu’elle avait disparue, et même qu’elle était mort !
                -Je suppose que vous pourriez nous donner votre emploi du temps de cette journée de vendredi dernier ?
                -Oui, bien sûr. En matinée, je suis allé faire au Centre hospitalier de Buckingham visiter un monsieur André Lacroix; ensuite en après-midi, j’avais une rencontre avec les chargés de l’accueil, à l’église même; et après ça, je suis rentré chez moi; ma femme était là… Et ensuite nos enfants sont arrivés de l’école vers seize heures trente.
                -Ils étaient avec vous toute la soirée ?
                -Bien, on a soupé ensemble, et après je suis monté à mon bureau pour travailler, à l’étage, pour prépare la célébration du dimanche; le texte biblique que je voulais mettre en valeur était le psaume 139 qui raconte la relation intime en l’être humain et Dieu, qui nous connaît mieux que nous-mêmes.
                -Donc pendant, mettons, une heure ou plus personne ne vous a vu ?
                -??.. Votre hypothèse est ridicule; je n’aurais pas pu sortir par la fenêtre, quand même !!
                -Vous avez raison. Dites-moi seulement c’était quand la dernière fois que vous avez eu un contact avec elle, avec Joannis, je veux dire ?
                -On s’était parlé la veille. On avait des choses… des chants à préparer pour samedi.
                -Ça vous dérangerait que je prenne votre téléphone cellulaire pour vérification ?
                -Non, pas du tout.
                Paul prend le téléphone sur son bureau et appelle Stéphane. Puis il dirige vers la porte.
                -Je vous présente l’officière Roxanne Quesnel-Ayotte; elle est chargée de suivre l’enquête. Je vous laisse en sa compagnie, pendant que j’apporte votre téléphone à mon expert en informatique
                -Bonjour, pasteur Bellavance… C’est comme ça qu’il faut vous appeler, je suppose ?
-Oui, c’est très bien.
-Est-ce que je peux vous poser une question ?
                -Oui, bien sûr.
                -Vous qui êtes un homme sensé, qu’est-ce que vous pensez qui a pu se passer ?
                -Je n’en ai aucune idée ! Je suis aussi surpris que tout le monde !
                -Pensez-vous que Joannie ait pu se suicider ?
                -Non, ça me paraît impossible. Elle revivait, elle respirait l’envie de vivre; elle allait devenir chrétienne et elle allait l’annoncer publiquement. Pour elle, c’était une nouvelle vie qui commençait.
                -Alors c’est quelqu’un l’aurait jetée en bas du pont de la Chute Albert ?
                -Je ne sais pas… je ne sais pas quoi dire…
                -Est-ce que ça pourrait être quelqu’un de votre église ?
                -De l’église ?? Non, c’est impossible ! Personne ne pourrait faire ça !
                -Est-ce que ça vous dérangerait si j’allais à l’une de vos célébrations, disons dimanche prochain ?...
                -Heu… Oui… Oui, vous pouvez venir; je n’ai rien à cacher, moi; je vous demanderais juste d’être discrète.
-Merci beaucoup; et merci beaucoup d’être venu nous voir aujourd’hui. Je vais vous raccompagner; je vous demande seulement de rester à notre disposition.
Alors que le pasteur se lève se son siège avec un soupir de soulagement qu’il essaye de dissimuler, Roxanne reprend :
                -Vous avez mentionné plus tôt le nom d’un certain Émile, responsable de l’accueil ou quelque chose comme ça ?
                -Émile Vadnais, oui. C’est de membres les plus fidèles et les plus dévoués de la l’église de la Réconciliation. J’ai entièrement confiance en lui.
                -Je sais; je suis sûre que c’est quelqu’un de très bien, mais comme il a vu évoluer Joannie lui aussi au cours de derniers mois, ça pourrait nous être utile de le rencontrer. Je suppose que vous ne verrez aucun inconvénient à nous laisser ses coordonnées…
               
                Alors que Roxanne raccompagne le pasteur jusqu’à la porte, Paul les y rejoint. Stéphane a eu le temps de prendre le relevé des derniers appels, relevé qu’il tient en main.
                -Monsieur Bellavance !
                -Oui ?...
                -Le relevé des appels de votre téléphone cellulaire nous montre que Joannie vous a appelé… trois, non, quatre durant la semaine avant sa mort. C’est particulier.
                -Oui, elle était très anxieuse; son cheminement vers son conversion et sa confession de foi, elle prenait tout ça très au sérieux et elle avait plusieurs questions.
                -Très bien; vous pouvez y aller monsieur Bellavance; je vous demande seulement de ne pas quitter la région sans nous en avertir.
                -Très bien.
                -Ce serait un délit.
                -Oui, j’ai compris.

                Paul et Roxanne le regarde franchir les doubles portes du poste de police et en descendre les quelques marches; il s’assoit dans sa voiture; il ferme les yeux et reste quelques instants en prière.
-Il est fâché le monsieur.
                -Oui… mais on n’a rien contre lui.
                -Rien n’est clair dans cette histoire; lui aussi nous cache quelque chose !
                -Peut-être; je ne sais pas.
                -Il aurait pu partir et revenir en une heure. C’est juste mais c’est faisable.
                -On va faire venir sa femme ?   
                -Oui, ainsi que cet Émile Vadnais et ce Guillaume Fortin, le musicien.
                -Et il y toujours Mélissa; je veux vérifier comme il faut sa version des faits.
                -Tu y tiens…
               
                -Bien sûr que je me souviens d’elle, une si gentille jeune fille et qui chantait si bien ! Elle voulait devenir chrétienne, elle voulait joindre notre église, elle voulait se donner au Seigneur et son cheminement n’était pas facile, ses parents lui faisaient de la misère; c’est souvent souvent comme ça.
                Roxanne avait devant elle un homme dans la mi-trentaine, bien rasé mais un peu hirsute, habillé avec soin mais sans goût : pantalon à carreaux un peu démodé et chemise à manches longues mi-froissée, mi-repassée. Il parlait avec précipitation en gesticulant beaucoup. Il tenait sa tête légèrement tournée vers la droite et regardait ses interlocuteurs de côté, comme s’il était continuellement sur ses gardes. Sa maison sentait le renfermé et le tabac, mais Roxanne ne pouvait pas voir de tâches jaunes sur ses doigts.
                -Depuis quand faites-vous partie de l’église de la Réconciliation ?
                -Depuis le commencement !  Je suis venu avec Timothée quand on l’a envoyé ici de Montréal pour une nouvelle mission. Avant j’étais membre dans une autre église chrétienne sur la rue Papineau à Montréal mais j’avais besoin de changer d’air, de faire des nouveaux défis. L’église de l’Évangile ouvert marchait bien, c’est sûr, mais il y avait une certaine routine; je trouvais le pasteur Trudel pas assez fervent. Quand j’ai su que Timothé, qui avait été son assistant pendant deux ans, allait commencer une nouvelle mission, j’ai décidé devenir avec lui ! Imaginez ! Un territoire qui ne connaissait pas le Seigneur ! Apporter la Bonne nouvelle du Salut à ceux qui ne la connaissait pas ! C’était excitant ! Les emmener à Jésus et qu’il découvre comme leur Sauveur et Seigneur personnel ! Et c’est ce qu’on fait ici ! Les gens entendent parler de Jésus pour la première fois de leur vie…
                -Monsieur Vadnais, merci de me partager votre enthousiasme, mais parlez-moi de Joannie.
                -Quand je l’ai vue, je l’ai tout de suite aimée, aimée chrétiennement bien sûr ! Comme une sœur dans la foi. Elle avait une vraie pureté en elle, un vrai désir de connaître Dieu. Son âme était pure. Et puis elle chantait comme un ange. C’est Dieu qui l’a mise sur notre chemin. Gloire à son mon merveilleux ! Très vite elle a compris que c’était sa place dans notre église et elle a commencé son chemin pour devenir chrétienne.
-Les vérifications que nous avons faites sur votre téléphone, montrent qu’elle vous appelait souvent, et que vous l’appeliez plusieurs fois pas semaines. Une semaine vous vous êtes parlés … douze fois !
-Oui, elle avait plein de questions; elle avait faim et soif de la Vérité; elle voulait vivre une vraie vie de foi.
-Il y a trois semaines, elle vous a même appelé… à une heure du matin !?
                -Oui ! C’était le début de l’année scolaire et c’était dure pour elle de vire en chrétienne entourée d’infidèles. Je vous le dis, son milieu… ses parents n’appréciaient pas sa décision, elle voulait vraiment, elle voulait devenir une vraie chrétienne et ça ne se passait pas si facilement; elle avait besoin d’encouragements continuellement.
                -Elle n’aurait pas du appeler le pasteur Bellavance pour répondre à ses questions ?
                Roxanne voir quelques gouttes de sueur perler sur le front d’Émile Vadnais.

                -Timothée est toujours très occupé, dit-il brusquement. Et puis on a chacun nos responsabilités, moi je me charge de faire les suivis; il y avait de la confiance entre nous; elle m’aimait beaucoup… Elle voulait se donner au Seigneur.

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