Meurtre à la mosquée
Chapitre 14
Le lendemain est arrivé à Paul ce
qu’il croira être un « deuxième morceau du casse-tête ». Il s’était
réveillé tôt. Il s’était fait un premier café et en avait porté une tasse au
lit à Juliette encore toute ensommeillée.
-Tu pars tôt ce matin ?
-Oui, je sais; désolé. Mais il y
a cette histoire de meurtre dans la mosquée sur laquelle je dois me concentrer.
-Hmm…
-Comme je te l’ai dit, Roxanne
et Isabelle ont découvert un élément important, et comme on dit : il faut
battre le fer quand il est chaud.
-C’est un dicton qui t’arrange
bien. Est-ce que tu vas rentrer tard ?
-Je ne crois pas; j’espère que
non.
-Peut-être que je vais retourner
chez moi à Lac-des-Sables. Tu m’appelleras si tu crois pouvoir ne pas finir trop
tard.
-D’accord, et je viendrais te
rejoindre. Passe une bonne journée.
-Toi aussi; et merci pour le
café.
Ils s’étaient échangé un doux
baiser moitié tendresse, moitié regret.
À peine arrivé au poste de
police, Paul avait été surpris de recevoir la visite très matinale de Nawaz
Ayub Zardai; il était venu le trouvé tôt le matin pour lui demander quand il
pourrait rouvrir la mosquée. Il fallait y faire un grand ménage, notamment faire
disparaître toutes les traces de sang dans le bureau et le couloir (« Il faudra
probablement complétement enlever les tapis, avait-il dit; je ne crois pas qu’il
est possible de vraiment le nettoyer. »), ainsi que ranger le désordre
résultat des nombreuses allées et venues de la police.
-Nous aimerions reprendre nos
activités le plus tôt possible, vous comprenez; et si possible dès vendredi.
Notre imam aimerait s’adresser à notre communauté pour la guider dans son
deuil.
-Non, je ne vois aucun problème,
monsieur Zardai; je vais donner les ordres qu’il faut pour que vous ayez accès
à la mosquée et commencer le nettoyage. Je vais demander à l’une de nos équipes
de vous accompagner juste pour rassurer tout le monde et, si tout va bien, mes
hommes vous laisseront en demi-journée. Bien sûr, si vous vous apercevez que
quelque chose ne va pas, avertissez-les tout-de-suite ?
-Quelque chose qui ne va pas
?... Je ne comprends pas.
-Bien, s’il quelque chose a
disparu par exemple, si un objet n’est plus là, si un meuble n’est pas au bon
endroit. Par exemple, si quelque chose a été déplacé dans le centre culturel… L’enquête
se poursuit et tout ce que vous pourriez nous rapporter pourra nous être utile.
-Je comprends.
-Aussi, je vous demanderais d’être attentif avec les
gens qui viendrons vous aider. Est-ce qu’il y en aurait un qui aurait un
comportement particulier, inhabituel… Ça aussi c’est important.
-Vous croyez "que
les assassins reviennent toujours sur les lieux du crime", c’est ça ?
-Pas tout-à-fait.
Je crois qu’il n’y a que deux hypothèses : soit le ou les coupables sont
venus de l’extérieur, soit il ou ils étaient déjà à l’intérieur de la mosquée;
et, pour vous parler franchement monsieur Zardai, pour l’instant je privilégie la
deuxième hypothèse.
Le vis-à-vis de
Paul Quesnel reste silencieux quelques instants, en regardant un objet
invisible sur le bureau, comme s’il lui fallait un certain temps pour bien
assimiler toutes les implications de cette dernière affirmation.
Paul reprend la
conversation sur un autre point :
-Que pouvez-vous me
dire sur l’imam Murama ?
-Pardon ?
-Oui, dites-moi ce
que vous savez de lui : d’où vient-il, comment a-t-il atterri chez vous…?
Je voudrais en savoir plus.
-La mosquée Badsahi
a été construite il y aura bientôt cinq ans, en grande partie financée par la
communauté pakistanaise; c’est d’ailleurs
pour ça qu’elle s’appelle Badsahi; au pays la Badhahi Mosque, est la deuxième
plus grande du pays. Et pendant
sa construction on a cherché un imam sunnite qui parlait l’ourdou qui pourrait
venir pour en prendre le leadership. On avait contacté un imam de New-York, mais il est resté très surpris de la petitesse de nos
moyens de même que de l’isolement de Papineauville, et en plus il ne parlait
pas français, si bien qu’il est reparti précipitamment pour New-York après
quelques semaines seulement. Nous avons alors décidé d’être plus vigilants et de
mieux choisir son successeur. Comme Amir Mawami fait régulièrement des voyages
au pays pour ses affaires, il s’est occupé de mettre quelques annonces dans ses
réseaux de contacts. Nous avions reçu alors une demi-douzaine de réponses et
nous avons fait des entrevues par Skype avec trois des candidats. Et nous
sommes tombés d’accord pour offrir le poste à l’imam Muhammad Ali Murama… Et il
faut dire que c’était un choix judicieux ! Il est entièrement dévoué à son
travail et à la communauté musulmane; il s’y consacre corps et âme; tout le
monde est satisfait de ses services. Nous n’avons rien à lui reprocher.
-Est-ce qu’il est venu avec sa
famille ?
-En fait, il est venu avec sa
femme, Faiza. Et depuis qu’ils sont arrivés ils ont eu un petit garçon qui s’appelle
Abbas et je crois qu’elle est à nouveau enceinte.
-Est-ce que sa femme vient à la
mosquée ?
-Évidemment ! Elle n’est pas
venue quelque temps à la fin de sa grossesse et à la naissance de sa petite
fille, mais sinon elle vient régulièrement.
-Est-ce qu’elle était là
vendredi ?
-Je ne peux pas dire; d’en bas,
nous les hommes on ne peut pas voir les femmes qui se trouvent au balcon; mais
probablement qu’elle était là.
-Donc son adaptation ici se
déroule bien ?
-Très bien ! Nous aimerions le
garder plusieurs années.
-Une dernière question ça
marchait bien entre lui et Amir Mawami ?
-Mais bien sûr ! (dit le ton de :
« Quelle question stupide ! ») C’était son homme de confiance ! Il l’a
beaucoup aidé. Les premiers temps il a été avec lui presque jour et nuit pour l’aider
à s’adapter; il voulait être sûr qu’il ne ferait pas comme son prédécesseur. C’est
grâce à lui si l’imam Murama se sent si bien. Amir va lui manquer c’est
certain.
-Et il va manquer à la
communauté aussi…
Nawaz Zardai marque une légère
pause.
-Oui… évidemment.
-Vous n’en semblez pas
entièrement convaincu ?
-Oui, oui, il est indispensable
à la vie de la communauté, et au bon fonctionnement de la mosquée…
-Laissez-moi vous aider :
certaines personnes pensent peut-être qu’il y prenait beaucoup de place, qu’il
avait une tendance à tout vouloir contrôler… C’est ça ?
-Oui et non; c’est vrai qu’il s’occupe
de bien des choses mais en même temps il faut bien que quelqu’un le fasse.
Personne ne pourrait le faire comme lui…
-Peut-être parce qu’il ne
laissait personne le faire à sa place…
-Avec moi, en tout cas, il n’y a
jamais eu de problème; ça se passait très bien.
Il faudra avoir une autre
conversation avec lui, se dit Paul, en pensant à l’imam Murama.
-Un dernier détail et ensuite je
vous laisse aller à la mosquée monsieur Zardai. Amir Mawami s’occupait de
finances n’est-ce pas ?
-Oui…
-Et qui vérifiait les comptes
après lui ?
-Vérifier les comptes ? Personne…
on lui faisait confiance.
-Il faisait tout tout seul ! Il
n’y avait pas un deuxième signataire ?
-Oui, bien sûr; l’imam Murama
cosignait les chèques avec lui.
Paul a laissé son interlocuteur à
la porte; il a demandé à l’agent Turgeon de l’accompagner jusqu’à la mosquée et
de s’assurer que tout s’y passe bien.
De retour à son bureau, après s’être
servi une tasse de café (« Il faut vraiment que je diminue ma consommation
de café ! »), il a à peine le temps de s’assoir pour se mettre à réfléchir
sur tout ce que vient de lui partager Nawaz Zardai durant la matinée qu’on
vient le prévenir.
-Patron, il y a quelqu’un pour
vous en avant.
-Qui ça ?
-Un jeune homme ! Celui pour qui
vous avez lancé un avis de recherche hier soir, Kamala Mawami; il est là à la
porte. Il s’est livré de lui-même.
-Très bien, j’arrive ! Trouve-moi Roxanne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire