Meurtre à la mosquée
Chapitre 17
Paul était bien d’accord avec sa fille : l’arrestation
et la détention du jeune Kamala Mawami allait semer la tourmente dans toute la communauté
de Papineauville, un vrai coup de pied dans la fourmilière. La tourmente dans
la communauté musulmane tout d’abord, qui ne pouvait pas ne pas réagir à
l’arrestation – et sans preuve de surccroît… du moins sans preuve tangible – de
l’un de ses jeunes, même s’il fallait avouer que ce jeune vivait depuis
quelques temps considérablement à la marge de sa communauté d’origine. Paul ne
s’attendait pas à ce qu’un groupe de forcenés chercherait à forcer les portes
du poste de police puis celles des cellules pour délivrer celui qui était des
leurs, mais peut-être à une autre cabale du genre de celle qui avait paralysé
les services téléphoniques il y a quelques jours, alors qu’on l’avait, de
manière orchestrée inondé d’appels. Puis, tourmente dans la population en
générale; comment allait-elle réagir ? Les gens allaient-ils se dire que
maintenant que la police détient un coupable, cette histoire de meurtre à la
mosquée était terminée et que les rues étaient redevenues sécuritaires ?
Allaient-ils penser que d’autre complices tout aussi extrémistes et radicalisés
que le premier couraient encore dans la nature ? Il décide donc de convoquer
une conférence de presse pour le soir même pour mettre les choses au clair et
éviter le plus possible les rumeurs et les débordements.
Une dizaine de journalistes y viendront le soir même,
journaux locaux, médias de Montréal et d’Ottawa télévision et radio nationales,
et Paul leur fait face accompagnée de Roxanne. Il lit une déclaration :
« Le service de police a jugé bon de mettre sous
surveillance et en détention préventive Kamala Mawami, dans le cadre de son
enquête du meurtre d’Amir Mawami commis dans la mosquée Badshahi vendredi soir
dernier. II est considéré pour l’instant comme un témoin important dans cette
affaire, et il est actuellement détenu pour un examen de ses activités au
moment du meurtre. Il a été interrogé par nos agents et suite à cet
interrogation nous avons jugé qu’une investigation plus approfondie était
nécessaire. Cette investigation est en cour et elle servira à clarifier son
implication ou sa non-implication dans ce meurtre. Kamala est le fils cadet de
la victime; il est âgé de vingt-et-un ans; son denier domicile connu était situé
sur la rue Pinsonnnault ici à Papineauville, mais nous avons à faire des vérifications
pour savoir s’il n’a pas un autre lieu de résidence. Maintenant, si vous avez
des questions...
Évidemment, tous les mains se lèvent et tous les
journalistes se mettent à parler en même temps :
-Est-ce qu’il a un casier judiciaire ?
-Oui, il a un casier judiciaire, mais qui contient des
accusations principalement en rapport avec le trafic de drogues. Nous ne savons
pas encore en quoi et même ce serait relié.
-Est-ce que c’est parce qu’il aurait eu une dette de
drogue à rembourser et qu’il est allé trouver son père pour lui demander de l’argent
?
-Nous ne le savons pas; mais nous ne croyons pas que
le motif du meurtre soit celui du vol.
-Il aurait pu le tuer son père de colère après avoir
essuyé un refus…?
-C’est possible, mais peu probable; il faut tenir compte
qu’il n’y avait pas de traces de lutte, et que la victime ne semble pas s’être
débattue, ni défendue; selon toute apparence il connaissait don sa victime et
ne s’est pas méfié.
-Kamala était impliqué dans le trafic de drogues. Est-ce
qu’il aurait eu des complices ou est-ce qu’il a agi seul ?
-Nous ne le savons pas; pour l’instant, nous sommes à
la recherche de toute les informations possibles et s’il a eu des complices,
nous le découvrirons.
-Donc, il aurait pu avoir des complices ?
Roxanne sait que son père vient de dire un mot de trop.
-Non, nous ne croyons pas qu’il y ait eu des
complices.
-Est-ce que le jeune Kamal aurait pu avoir un complice
de l’intérieur de la mosquée ?
-Comme je l’ai
dit et je vous le répète, nous ne croyons pas qu’il aurait un ou des complices.
Le martyr de Paul durera quelques minutes
encore, avant que les journalistes épuisent leurs questions. Pendant que ces
derniers emballent leur matériel et rembarquent dans leurs véhicules de presse,
Roxanne sent qu’on la tire par la manche. Elle se retourne et se retrouve face
à Simon-Pierre Courtemanche. C’est un
petit homme d’une quarantaine d’années qui porte moustache, lunettes et petit
bedon; elle le connaît comme le journaliste des faits divers d’Au courant, l’hebdomadaire de la région
de l’Outaouais. Il fait son travail honnêtement, cherchant autant que possible
à bien informer son public sans pour cela harceler outre-mesure les autorités.
C’est un passionné des réseaux sociaux, qui se vante d’avoir plus de 2 000 amis sur son compte Facebook.
-Bonjour, la fille
du commandant !
C’était une petite
taquineire, et Roxanne lui sourit.
-Bonsoir à vous
Simon-Pierre.
-Alors, ton paternel s’est bien mis les
pieds dans les plats avec son histoire de possible complice… lui dit-il d’un
air malicieux et complice.
-Alors je compte sur
vous pour rétablir les faits et n’écrire que la vérité, lui répond-elle avec
une moue jouant le jeu de qui charmera l’autre le plus.
Simon-Pierre
Courtemanche a un petit rire franc.
-Alors dis-moi ce que vous avez sur ce meurtre
dans la mosquée; ça fait déjà presque
une semaine… Est-ce que l’enquête avance ?
-Oui, l’enquête progresse et nous
en…
-« Et nous en sommes toujours au stade de la
collecte d’information et d’indice ! » Oui, je connais le refrain, ma
chère, vous pouvez bien le servir à Radio Canada ou TVA qui racontent n’importe
quoi et qui sont bons dans leur le vox
populi qu’on ne sait plus quoi en faire, mais pas à moi, qui connaît cette
ville comme ma poche… Comme le dit le proverbe : ce n’est pas un vieux
singe qu’on apprend à faire des grimaces !
-Qu’est-ce que je peux vous dire
?
-Jouer franc-jeu ! Il y a anguille
sous roche.
-En quoi ?
-En quoi !? On sait maintenant que
le pauvre macchabé était un généreux contributeur à au moins un groupe terroriste
du Pakistan; est-ce que sa mort est reliée à cet appui envers les terroristes ?
-Je ne sais pas…
-Est-ce qu’il aurait été victime
de chantage ? ou de vengeance ? Par exemple, parce qu’il ne voulait plus payer
? Est-ce qu’on peut rapprocher les deux ?
-Je ne sais pas.
-Est-ce que ça peut être considéré comme un attentat
terroriste ?
-Voyons…
-Moi je peux voir d’avance les
grands titres : Attentat terroriste à Papineauville ! Ça, ça vendrait des
copies ! Surtout après ce qui vient de se passer à Québec ! Alors, donne-moi un
coup de main… Je sais que vous avez fait appel à une escouade spécialisée dans
le blanchiment d’argent de Montréal.
-Je ne sais pas quoi vous dire; c’est
vrai qu’Amir Mawami envoyait régulièrement de l’argent à un groupe terroriste
du Pakistan, groupe qu’on est en train d’essayer d’identifier. Est-ce qu’il
avait des complices qui sont venus le faire chanter, on ne le sait pas; est-ce
qu’il y quelqu’un est venu ici pour l’éliminer, on ne le sait pas. On essaye de
savoir quel était le groupe et comment il est entré en contact avec ce groupe.
-Probablement lors de l’un de
ses voyages. C’est soit un groupe terroriste du Cachemire ou soit de l’extrémisme
musulman qui déteste l’Occident sous toutes ses formes et toutes ses
manifestations.
-Avec l’escouade spéciale, on va
essayer d’établir les montants d’argent qu’il a fait transmettre à la mosquée
et dans ses affaires, par quels réseaux, par quels circuits, tout ça n’est pas
encore démontré. Ça n’a rien à voir avec un attentat terroriste. Est-ce que ses
employés étaient impliqués ? On ne le sait pas non plus; on ne sait même pas si
quelqu’un d’autre à la mosquée était impliqué dans ce trafic d’argent.
-Probablement qu’Ils étaient
deux et que lui voulait arrêter ou alors les dénoncer.
-Ce sont des suppositions.
-C’est vrai que vous avez trouvé
l’argent dans le bureau ?
-Oui… Ça veut dire qu’il ne l’avait
pas encore déposé et qu’il ne l’avait pas encore détourné ce qui fait s’écrouler
votre théorie voulant qu’il ait été tué par un complice dans un « attentat
terroriste ».
-Et l’investigation auprès de sa
famille ?
-Quoi ?
- Oui; est-ce que ses fils étaient complices ? Est-ce qu’ils
étaient au courant ?
-On ne le sait pas.
-Et sa femme ?
-Pardon ?
-Oui, sa femme ! C’est elle qui était la plus proche
de lui après tout. Ils étaient mariés depuis trente ans. Elle doit bien savoir
quelque chose. Si son mari est une crapule, elle devait bien avoir des soupçons;
elle devait bien le connaître, elle devait bien le voir agir. C’est impossible
qu’elle n’ait rien vu… Peut-être même qu’il l’avait mise dans la confidence…
-Merci, Simon-Pierre Courtemanche; je vais y penser.
Maintenant, je dois rentrer, j’ai du travail.
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